Communistes contre Staline

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par jeug » 02 Jan 2008, 19:39

a écrit :Mais d'une part il y en eut aussi qui se rallièrent à Staline. Certains sans doute par opportunisme, mais beaucoup parce que leurs analyses n'étaient pas si cohérentes que ça. Ainsi, certains se rallièrent au moment de l'industrialisation et de l'élimination des koulaks, estimant que, finalement, Staline adoptait le programme de l'opposition de gauche, même si sa politique était trop brutale. Des techniciens, ingénieurs trotskystes étaient soucieux de mettre leurs compétences au service de l'"Etat ouvrier". D'autres se rallièrent au moment de la seconde guerre mondiale et, dans les camps où ils étaient détenus, demandèrent à s'engager dans l'armée rouge.

Quel amalgame !
Ou bien tu as lu très vite tout ça, ou bien tu n'as pas compris ce qu'on entend par trotskysme, ou bien les 2
jeug
 
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Message par Félix Edmundovitch » 02 Jan 2008, 19:59

:dry: Euh ... Camarade Vérié je ne suis pas d'accord avec toi... :dry:


Ok, Trepper s'est réveillé un peu tard, mais bon je trouve quand même que c'est un peu rare que des stals aient rendu à nos ainés un tel hommage...

Pour ce qui est du "système cohérent", et les choix individuels de tel ou tel, là aussi je trouve que mélange un peu les choses.

Oui, les trotskystes ont mené le combat contre la dégénérescence bureaucratique de l'Etat ouvrier russe, et l'analyse du stalinisme, les questions posées par Trotsky dans "cours nouveau", "la révolution défigurée", "la révolution permanente", "la révolution trahie", sont les bases du "système cohérent" pour continuer le combat communiste face au stalinisme...
Félix Edmundovitch
 
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Message par Félix Edmundovitch » 02 Jan 2008, 20:49

Quand au choix fait par certains de rejoindre l'armée lorsque la guerre a été déclanchée, eh bien... je n'ai rien lu à ce jour de la Quatrième Internationale sur le sujet...

Mon avis à chaud c'est qu'entre une mort probable devant une mitrailleuse près d'un goulag, et une mort les armes à la main face aux troupes nazies, le choix de ces militants n'est pas si con. :x
Félix Edmundovitch
 
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Message par Vérié » 03 Jan 2008, 08:27

(Félix Edmundovitch @ mercredi 2 janvier 2008 à 20:49 a écrit :
Et pour tout dire, je trouve très... déplacé de souligner les "ralliements". Des ralliements, il y en a eu, mais ils ne sont pas l'image générale des trotskystes de ces années là. :x
Il ne s'agit en aucune façon de minimiser - et encore moins de dénigrer ! - le combat des militants communistes, trotskystes et autres, contre le stalinisme. Il me semblait avoir été clair à ce propos.

Ce n'est pas non plus une question d'individus (même s'il y a évidemment des individus qui ont agi par opportunisme personnel ou sous la contrainte), mais de ligne politique. Ce dont je parlais, et que je contestais, c'est de cette vision "cohérente" qui, selon Trepper, permettait aux Trotskystes de mieux résister.

Si on compare la vision d'un Trotskyste de 1939, arrêté par les Staliniens, à celle d'un Stalinien, par exemple de retour de la guerre d'Espagne et arrêté sans aucun motif compréhensible pur lui, il est évident que le Trotskyste était mieux préparé à cette situation que le Sralinien, qui avait sans doute l'impression que l'univers s'effondrait.

Mais la période la plus importante pour les Trotskystes d'URSS s'étend de la mort de Lènine au début des années trente. Ensuite, ils ne représentaient plus rien du tout en URSS. Or, cette "vision cohérente" du stalinisme (qui ne l'est pas tant que ça à mon point de vue, mais qui définit tout de même clairement Staline comme le représentant d'une couche sociale hostile au prolétariat) Trotsky ne l'expose vraiment complètement que dans la Révolution trahie qui parait en 1936 - et que peu de Trotskystes prisonniers devaient sans doute avoir la chance de pouvoir lire.

Au cours de toute la période précédente, qui fut décisive, Trotsky a beaucoup hésité sur l'analyse du phénomène - ce qu'il n'est évidemment pas question de lui reprocher. La situation était confuse et les Trotskystes assez confus et partagés aussi, entre l'opposition radicale, le soutien critique, les compromis tactique etc, de même que les communistes anti-staliniens d'autres tendances. Je pense donc qu'ils n'étaient pas vraiment armés politiquement pour résister au stalinisme, en dépit de leur courage, et c'est ce qui explique le ralliement d'une partie d'entre eux, et aussi celui de militants d'autres tendances.

Au niveau international, ce sont en effet les Trotskystes qui ont constitué pratiquement la seule opposition communiste organisée au stalinisme, pas les Capitalistes d'Etat, à l'exception notable de l'Italie en raison du prestige et de l'influence de Bordiga. Cela est du de toute évidence au rôle exceptionnel joué par la personnalité de Trotsky, véritable drapeau vivant auquel pouvait se rallier les opposants, à son énergie et sa volonté hors du commun. Mais, s'il avait décidé, par exemple en 1939, ou en 1945 s'il n'avait pas été assassiné, que l'URSS était devenu un Etat bourgeois, ça n'aurait sans doute pas changé grand chose, ni en URSS ni ailleurs, mais la situation aurait été plus claire. Les positions de soutien critique sont toujours très difficiles à assumer.

Mais, une fois Trotsky disparu, ses analyses ont été bien impuissantes à assurer un minimum de cohérence au mouvement trotskyste. Son analyse de l'URSS en particulier a été interprêtée d'innombrables façons : il y a un gouffre entre les positions de LO par exemple, proches de celles des Capitalistes d'Etat sur les Etats de l'Est, la Chine, Cuba etc et celles de la "droite" trotskyste, tels les camarades cubains qui envoient des lettres à Castro pour lui donner des conseils - il y avait d'ailleurs aussi des Trotskystes qui envoyaient des lettres à Khroutchev. Certains groupes trotskystes se sont d'ailleurs quasiment ralliés au stalinisme ou à ses avatars locaux.

Bref, ce que je conteste, c'est cette "vision cohérente".
__

Sinon, je ne crois pas avoir lu "Les communistes contre Staline de Broué" - à moins que ce ne soit un ouvrage ancien ? Ca vient de paraître ?
Vérié
 
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Message par quijote » 03 Jan 2008, 11:29

(Vérié @ jeudi 3 janvier 2008 à 08:27 a écrit :
(Félix Edmundovitch @ mercredi  2 janvier 2008 à 20:49 a écrit :
Et pour tout dire, je trouve très... déplacé de souligner les "ralliements". Des ralliements, il y en a eu, mais ils ne sont pas l'image générale des trotskystes de ces années là.  :x

Il ne s'agit en aucune façon de minimiser - et encore moins de dénigrer ! - le combat des militants communistes, trotskystes et autres, contre le stalinisme. Il me semblait avoir été clair à ce propos.

Ce n'est pas non plus une question d'individus (même s'il y a évidemment des individus qui ont agi par opportunisme personnel ou sous la contrainte), mais de ligne politique. Ce dont je parlais, et que je contestais, c'est de cette vision "cohérente" qui, selon Trepper, permettait aux Trotskystes de mieux résister.

Si on compare la vision d'un Trotskyste de 1939, arrêté par les Staliniens, à celle d'un Stalinien, par exemple de retour de la guerre d'Espagne et arrêté sans aucun motif compréhensible pur lui, il est évident que le Trotskyste était mieux préparé à cette situation que le Sralinien, qui avait sans doute l'impression que l'univers s'effondrait.

Mais la période la plus importante pour les Trotskystes d'URSS s'étend de la mort de Lènine au début des années trente. Ensuite, ils ne représentaient plus rien du tout en URSS. Or, cette "vision cohérente" du stalinisme (qui ne l'est pas tant que ça à mon point de vue, mais qui définit tout de même clairement Staline comme le représentant d'une couche sociale hostile au prolétariat) Trotsky ne l'expose vraiment complètement que dans la Révolution trahie qui parait en 1936 - et que peu de Trotskystes prisonniers devaient sans doute avoir la chance de pouvoir lire.

Au cours de toute la période précédente, qui fut décisive, Trotsky a beaucoup hésité sur l'analyse du phénomène - ce qu'il n'est évidemment pas question de lui reprocher. La situation était confuse et les Trotskystes assez confus et partagés aussi, entre l'opposition radicale, le soutien critique, les compromis tactique etc, de même que les communistes anti-staliniens d'autres tendances. Je pense donc qu'ils n'étaient pas vraiment armés politiquement pour résister au stalinisme, en dépit de leur courage, et c'est ce qui explique le ralliement d'une partie d'entre eux, et aussi celui de militants d'autres tendances.

Au niveau international, ce sont en effet les Trotskystes qui ont constitué pratiquement la seule opposition communiste organisée au stalinisme, pas les Capitalistes d'Etat, à l'exception notable de l'Italie en raison du prestige et de l'influence de Bordiga. Cela est du de toute évidence au rôle exceptionnel joué par la personnalité de Trotsky, véritable drapeau vivant auquel pouvait se rallier les opposants, à son énergie et sa volonté hors du commun. Mais, s'il avait décidé, par exemple en 1939, ou en 1945 s'il n'avait pas été assassiné, que l'URSS était devenu un Etat bourgeois, ça n'aurait sans doute pas changé grand chose, ni en URSS ni ailleurs, mais la situation aurait été plus claire. Les positions de soutien critique sont toujours très difficiles à assumer.

Mais, une fois Trotsky disparu, ses analyses ont été bien impuissantes à assurer un minimum de cohérence au mouvement trotskyste. Son analyse de l'URSS en particulier a été interprêtée d'innombrables façons : il y a un gouffre entre les positions de LO par exemple, proches de celles des Capitalistes d'Etat sur les Etats de l'Est, la Chine, Cuba etc et celles de la "droite" trotskyste, tels les camarades cubains qui envoient des lettres à Castro pour lui donner des conseils - il y avait d'ailleurs aussi des Trotskystes qui envoyaient des lettres à Khroutchev. Certains groupes trotskystes se sont d'ailleurs quasiment ralliés au stalinisme ou à ses avatars locaux.

Bref, ce que je conteste, c'est cette "vision cohérente".
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Sinon, je ne crois pas avoir lu "Les communistes contre Staline de Broué" - à moins que ce ne soit un ouvrage ancien ? Ca vient de paraître ?

Trotskiste expse selon toi, sa vision" cohérente " dans la Révolution trahie .
Je crois que ça fut écrit en 1936 ( sauf ereur )
C'est à dire après que l ' expériennce allemande et la faillite du Parti communiste allemnad ait prouvé la faillite complète de la trosième internationale . Et l ' impossibilité de la redresser .
Jusque là Trotski n avait pas envisagé la création d' une quatrième internationale . Et espérait toujours , en s' appuyant sur des militants ayant gardé certaines traditions , redresser la situation
Enfin le processus de la dégénerescence du premier etat ouvrier état suffisamment avancé en 1936 pour que Trotski puisse prendre du recul et donner une vision générale , parachevée , et une anlyse plus circonstanciée de la bureaucratie .

Mais , il me semble que dés les années 20 Trotski avait dénoné le comportement breaucratique et ses analyses ultérieures étaient déjà contenues dans " Cours nouveau" .
Seulement , rien ne semblait encore acquis ni dans un sens , ni dans l ' autre . Et on pouvait espérer un redressement grâce entre autres à la revolution chinoise .
. Enfin dernier point : L ' Opposition ne comportait pas seulement les" trotskistes "mais d' autres groupes comme les partisans de Zinoviev , ou autres , que Trotski plus tard ne s'est pas fait faute de comdamner comme " capitulards" .

Déjà , dès cette époque , il y avait une spécifité des analyses " trotskistes" .

Leur cohérence ( vor les textes de Trotski ) c 'est le refus de tout compromis avec la bureaucratie et le maintien des traditions d' Octobre .

Et les errements d 'un certain nombre de" trotskistes ", ne justifient pas que l ' on puisse parler de manque de cohérence du trotskisme .
quijote
 
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Message par Vérié » 03 Jan 2008, 12:05

(quijote @ jeudi 3 janvier 2008 à 11:29 a écrit :
Leur cohérence ( vor les textes de Trotski ) c 'est le refus de tout compromis avec la bureaucratie et le maintien des traditions d' Octobre .


D'une part tu simplifies beaucoup ce que j'ai dit. D'autre part, tu simplifies aussi beaucoup les positions de Trotsky. La "fidélité aux idéaux d'octobre", certes Trotsky l'a prouvée amplement, mais c'est une définition si vaste qu'elle peut englober beaucoup de chose. Les positions de Trotsky ont beaucoup évolué et il a tenté toutes sortes de compromis. Il n'a été ni le premier ni le seul à dénoncer le "bureaucratisme" et le bureaucratisme, ce n'est pas la même chose que le pouvoir de classe (ou même de "caste") de la bureaucratie.

Cette vision d'un Trotsky, qui aurait toujours eu une vision hyper claire de la situation, ne se serait jamais trompé, n'aurait jamais changé de position, hésité, manoeuvré, commis des erreurs, reconnu ses erreurs etc, c'est un véritable mythe. Ca ne lui retire rien de ses indiscutables mérites, mais il est faux de croire que les communistes opposants à Staline avaient une vision cohérente de la situation entre, disons 1923 et 1936. Sinon pourquoi par exemple certains militants se seraient-ils ralliés à l'Industrialisation et aux plans quinquennaux ? Pourquoi un certain nombre ont-ils pensé que Staline adoptait le programme économique de l'Opposition de gauche etc ? Je parle de ceux qui l'on fait pour servir un Etat qu'ils considéraient comme "ouvrier" et non de ceux qui capitulaient sous la terreur évidemment.
Vérié
 
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Message par jedi69 » 29 Oct 2008, 00:10

Wesh les amis !!!

Bien ou bien ?



C'est un peu hors sujet ... je cherchais des vidéos, des documentaires ou des films qui montrent "plus ou moins" un point de vue de classe.

J'ai trouvé ça, mais j'ai pas vu, est ce que quelqu'un a un avis ?

Stalin (1992) (TV) de Ivan Passer :

http://www.imdb.com/title/tt0105462/

Vu l'époque où ça a été fait, ça doit être truffé d'anti communisme primaire genre "le livre noire du communisme" ... mais en fin, est ce que c'est regardable ? Où est ce une perte de temps ? Ou il y a t-il mieux ?

Genre le documentaire sur Trotsky :

http://fr.youtube.com/watch?v=wNpOwPTXerU


A+
jedi69
 
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Re: Communistes contre Staline

Message par satanas » 21 Jan 2014, 01:35

Janvier 1924

Le 21 janvier 1924, Lénine mourait.

C’était un rude coup pour la révolution russe, et pour la révolution mondiale. Lénine mort, l’aile droite et les centristes du Parti Communiste de l’URSS allaient pouvoir monopoliser le pouvoir, profitant de la situation particulièrement difficile du pays, de la lassitude et de l’inculture des masses, du découragement de beaucoup de membres du Parti.
Déjà de nombreux symptômes pouvaient permettre de prévoir que le « bureaucratisme » qu’on critiquait quelque peu était plus profond, reposait socialement sur des forces déterminées, et correspondait à une évolution de la situation, tant internationale qu’intérieure à l’URSS, dans un sens défavorable au prolétariat.
La déroute de la révolution allemande d’octobre 23 avait été un avertissement, mais, si elle avait provoqué des discussions dans le Parti et amené Trotsky à y participer par la publication d’un texte sur le « Cours Nouveau » à propos d’une résolution du Comité Central sur la démocratie dans le Parti, cela en était resté à des discussions. Lorsque Lénine mourut, Trotsky, son principal collaborateur, son successeur aux yeux des masses, était éloigné au Caucase, et il ne put, à cause d’une fausse information communiquée par Staline, assister à ses funérailles.
« C’est dans les conditions d’un pays ruiné à fond et où les forces du prolétariat ont été épuisées en des efforts presque surhumains, que nous entreprenons l’oeuvre la plus difficile : jeter les fondements d’une économie vraiment socialiste... » : c’est ainsi que Lénine s’exprimait en août 1921, pour expliquer les difficultés que rencontraient alors les communistes russes dans l’application de la Nouvelle Politique Economique destinée à enrayer la famine et à ranimer l’économie nationale.
Pour le Parti bolchevik, c’était en effet une nouvelle lutte, sur le front économique cette fois, d’un caractère entièrement nouveau et pour laquelle il n’était pas préparé. Aussi Lénine insistait-il beaucoup sur la nécessité pour les communistes de s’instruire, d’apprendre à utiliser l’appareil d’État et à gérer l’économie. Cependant, l’appareil d’État était en grande partie hérité de l’appareil tsariste et si, comme le soulignait Lénine, les dirigeants des sphères supérieures étaient d’authentiques communistes, les milliers d’administrateurs et d’employés éparpillés dans tout le pays restaient des hommes formés dans la mentalité de leurs anciens maîtres. Comment en eut-il pu être autrement ? Les communistes, pendant ces quatre années de guerre civile, étaient au front, aux avant-postes, ou occupés à la création d’un minimum d’appareil militaire. Devant les nouvelles tâches imposées par le passage à la période « de paix », ils se trouvèrent très souvent désarmés et furent toujours en nombre insuffisant.
Pour un bon nombre de militants, le passage à la N.E.P. se traduisit dans ces conditions par une installation dans des situations permanentes, où le sentiment d’être quelque peu supérieurs (en tant que communistes) devait jouer un rôle assez important pour devenir bientôt ce que Trotsky appela de la « morgue fonctionnariste ».
Déjà un certain nombre, de militants avaient montré des dispositions à la bureaucratisation qui prirent plus tard des proportions tragiques. Ainsi dans la politique envers les minorités nationales, et la Géorgie en particulier.
Lénine insistait beaucoup sur la nécessité d’être prudent et souple envers ces minorités, mais dès février 1921, des détachements de l’Armée Rouge avaient envahi la Géorgie, sur les ordres de Staline, commissaire aux nationalités.
Par la suite, staline réussit à s’y faire au sein du parti un solide appui, cela en se couvrant de l’autorité du comité central, et par l’intermédiaire de djerzinsky et d’orjonikidze.
Ces manoeuvres, que Lénine n’apprit qu’après coup, car elles se firent derrière son dos, pendant sa maladie, l’irritaient profondément, et ce sont elles qui le firent qualifier Staline de « brutal argousin grand-russe », dans un de ses derniers écrits.
Mais ce n’est là qu’un épisode parmi d’autres qui tous montraient les germes d’une bureaucratisation de l’appareil du Parti et de l’appareil d’État. « ... Le fond de toutes les difficultés était », selon Trotsky, « dans la combinaison des deux appareils et dans la complicité mutuelle des groupes influents qui se formaient autour d’une hiérarchie de secrétaires du parti ». Cette combinaison des deux appareils, inévitable dans une large mesure, se traduisait par le fait que par exemple les membres les plus expérimentés et les plus actifs du Parti étaient employés aux postes de l’appareil syndical, coopératif, universitaire, et parmi ces membres, beaucoup d’origine prolétarienne, Ce qui se traduisit rapidement par un affaiblissement des cellules d’usine, auxquelles la lenteur de l’industrialisation ne permettait pas un afflux de sang nouveau.
Cependant, en 1922, Staline est devenu secrétaire général du Parti, et au début de 1923, au XIIe Congrès, alors que Lénine vient d’avoir sa troisième attaque - il ne peut ni bouger, ni parler, ni écrire, et c’est le premier Congrès du PC (b) de l’URSS auquel il n’est pas présent - Staline commence à occuper la première place dans le triumvirat formé par lui, avec Zinoviev et Kaménev. Le Congrès est bourré de délégués choisis par lui. C’est la période de sa mainmise sur l’appareil.
Cette année 1923 marque à tous égards une étape décisive dans l’histoire de la Révolution russe. Après deux années de N.E.P., si le pays commence un peu à « souffler », le Parti et ses membres aspirent aussi à une stabilisation. Le fonctionnarisme s’installe. Des pratiques autoritaires et administratives deviennent courantes. Une nouvelle machine s’organise et, en même temps, inconsciemment, une nouvelle caste se forme, s’appuyant sur les paysans aisés (les koulaks) et sur les commerçants encouragés par la N.E.P., sur tous les éléments petits-bourgeois en général dont l’influence dissolvante, dans cette époque de lassitude, se faisait sentir dans le Parti qui comprenait d’ailleurs à cette date deux tiers de nouveaux venus, soit à peu près un pour cent de révolutionnaires de la période illégale.
Dans les sphères dirigeantes, la fraction Staline, qui disposait de l’appareil du Secrétariat, et aussi de la puissante Commission de Contrôle avec son réseau dans tout le pays, entreprenait la lutte contre Trotsky, lequel symbolisait la fermeté révolutionnaire. C’est à ce moment que, sous le couvert de combattre le « culte des leaders », on ne mit plus le nom de Trotsky en tête des listes d’orateurs aux Congrès et Conférences, comme c’était l’habitude de le faire, en deuxième position, après celui de Lénine, et qu’on le remplaça par ceux de militants beaucoup moins connus.
Le nom de Staline y parvint ensuite graduellement.
Seule la maladie de Lénine permit les manoeuvres en coulisses, les tractations, les pressions et les calomnies dirigées alors contre le chef et l’organisateur de l’Armée Rouge. Cette maladie qu’au début tout le monde croyait de brève durée, et qui fit ensuite figure d’ » interrègne », permit à une fraction bureaucratique et conservatrice de s’emparer du pouvoir.
Lorsque Lénine mourut en janvier 1924, l’état de la bureaucratisation du Parti et de presque tout l’appareil d’État était tel qu’il était pratiquement devenu impossible d’enrayer son développement.
Les staliniens lui édifièrent un mausolée, et momifièrent sa dépouille, sa pensée et son oeuvre.

Mais le Panthéon véritable des révolutionnaires, c’est le coeur des peuples et Lénine y est à jamais.
Quant à sa pensée, elle est bien vivante.

Lutte de Classe, Série 1960-1963
n°33 (7 février 1962)
satanas
 
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