À propos du «Château de Presles» :
ARLETTE LA GUILLER MÉCÈNE ET CHÂTELAINE ?
Arlette Laguiller vient de recevoir cette lettre :
Madame,
Je suis une «travailleuse» sociale en retraite depuis un an et c’est pourquoi ma longue expérience me fait trouver vos discours inadaptés aux réalités. Vous répétez depuis plus de dix ans les mêmes paroles sans les approfondir, ce qui nuit considérablement à votre sincérité.
… Mais ce n’est pas en critique littéraire de la teneur des discours que je vous écris.
Presles… Vous connaissez ?
Pour moi, cela représente auprès de mes grands-parents des vacances merveilleuses, quoique simples, avant la dernière guerre. Le dimanche, à la messe, les bancs du «château» étaient remplis, la famille de Galard était châtelaine.
Les temps ont passé où les anciens ou actuels aristocrates n’ont plus eu les moyens d’entretenir château et terres, et Presles voyait le parc devenir forêt vierge.
Heureusement, un mécène arriva : tout fut défriché, petites portes et grandes grilles refaites, murs rebâtis. De grands éclairages installés le long de l’allée principale conduisant au château (sur la garenne).
Quel mécène ?
Arlette Laguiller !
Avouez ! Je trouve cela.
rudement drôle et j’en souris en l’écrivant. Madame Laguiller, châtelaine : vous ne voyez pas là le comble des combles ?
Sur toutes les chaînes de télévision vous nous expliquez (répondant à la question) que les frais de votre campagne électorale sont payés uniquement par les «travailleurs qui vous font confiance». D’accord. Sont-ce ces mêmes travailleurs qui vous ont offert ce château ?
Chaque année une petite affiche nous «tirait l’œil» : «Lutte Ouvrière vous invite à sa fête annuelle à Presles». Sans autre indication de lieu. Honte d’écrire «au château de Presles» ?
Nous connaissons trop Presles, nous, pour ne pas arriver à trouver l’endroit. Aurions-nous pu penser au château et ses hectares ?...
Alors nous avons cherché. et trouvé. J’attends avec impatience votre réponse et vous en remercie.
A bientôt donc de vous lire - encore mieux une bonne et sincère explication sur les ondes - car vous devez bien penser que je ne suis pas la seule à connaître Presles et pour notre part, nous avons contribué à une large information. Vous pourriez ainsi mettre les choses au point pour tout le monde, ce qui serait tellement mieux. Recevez mes salutations distinguées. : Mme H. Résidence. Puteaux
PS. Vous avez deviné, je suis de «droite». mais des connaissances de gauche ont été aussi étonnées que nous.
PS.-2. La maison de mes grands-parents : sur la place de l’Eglise ; toute transformée, on y vend des fleurs.
Madame,
Vous êtes de droite, et c’est votre droit ; vous avez la nostalgie du temps des aristocrates, et c’est encore votre je suis, cela va sans dire, pour la plus liberté d'opinion.
Vous regrettez votre jeunesse et les églises d'alors, et c’est humain.
Mais j'ai bien peur qu’il faille vous faire à l’idée que ni le temps des aristocrates, ni celui de votre jeunesse, ne reviendront jamais. Les châtelains qui faisaient la charité et paradaient, “le dimanche matin, devant les yeux émerveillés des petites filles des gens du peuple, appartiennent à une autre époque, comme vous le dites. Ils ne peuvent plus entretenir leurs châteaux, ils ont été obligés de les vendre à des gens de la bourgeoisie ‘ou à des sociétés qui s’en servent pour recevoir leurs clients ou encore, pire certainement pour vous, à des comités d’entreprise, ou à des colonies de vacances. ll faut donc vous faire une raison, Madame. Cela dit, le «château de Presiles, comme
vous l’appelez, et que je connais bien, effectivement, ne m’appartient pas, et je ne suis pas le mécène que vous voudriez que je sois. L’organisation dont je'suis la porte-parole, Lutte Ouvrière, loue cette propriété à ses actuels propriétaires, pour y faire sa fête annuelle. Cela, vous en avez connaissance, puisque vous avez vu chaque année les affiches concernant cette fête.
Et vous m’écrivez que vous connaissez trop Presles pour ne pas arriver à trouver l’endroit, donc que vous avez cherché... et trouvé !
II n’y a pas tellement là de quoi vous vanter, ni vous prévaloir d’une quelconque perspicacité particulière. Parce que, chaque année, 30 000 personnes environ, de toute la région parisienne et de province, dont tous les habitants de Presles et des environs, depuis presque dix ans, trouvent l’endroit et le connaissent.
ll vous aurait suffi, d’ailleurs, d’y venir un week-end de Pentecôte, et des flèches vous auraient conduite, sans effort, depuis Paris et bien sûr dans Presles.
Quant à ne pas vouloir appeler ce terrain un figurez-vous que nous n’aimons ni les aristocrates, ni ceux qui les aiment, ni les châteaux. Pour nous, cette construction, qui se situe sur un terrain qui seul nous est vraiment utile pour notre fête, est une horrible bâtisse, prétentieuse et laide, à l’image de ceux qui l’ont faite construire sans doute.
Quant au parc dont vous parlez, sachez que nous en utilisons moins de la moitié puisque le terrain a été vendu en deux lots par ses anciens propriétaires. Ajouterais-je que je connais, bien sür, les actuels propriétaires, ils sont dix, et que la valeur actuelle de ce «château» et de ce «parc», entièrement _inconstructible, n’atteint pas le prix de certains des appartements de la résidence où vous habitez à la Défense et peut-être même du vôtre.
Enfin, puisque je voudrais ne vous faire grâce de rien, j'ajouterai que les grilles (où avez-vous vu de grandes grilles ?) refaites, les murs rebâtis, les grands éclairages installés le long de l’allée principale conduisant au château (et ailleurs) ont été intégralement réalisés par du travolontaire, les samedis - dimanches, et durant leurs vacances, par les camarades de notre mouvement. Dirais-je encore, que cètte fête est destinée à contribuer au financement de notre organisation politique, et que bien entendu tous ces travaux font partie des investissements nécessaires à la tenue de cette fête et que les dépenses en matériel, autres que ce travail volontaire, ont été prises sur le budget de cette fête.
Etes-vous satisfaite ? Certainement pas, car rien n’arrête l’hypocrisie méchante.
Vous ne me croyez pas ? Soit. Mais cette année, la législation fait obligation à tous les candidats à l’élection présidentielle de faire état de leur patrimoine, avant l’élection auprès du Conseil- Constitutionnel. Je n’ai pas de secret. Vous trouverez le fac-similé de ma déclaration en annexe. J'aurais pu mentir au Conseil Constitutionnel ? Oui, vous pourrez toujours le dire car rien n’arrête, nous le savons depuis le Barbier de Séville, la calomnie… surtout sous de grands airs.
Mais peut-être pourriez-vous demander à vos amis politiques de rendre publique eux aussi leur déclaration, eux qui ont décidé que cette déclaration ne serait rendue publique que pour l'élu. Ecrivez-leur pour leur dire d’en parler, sur leur temps de parole, eux qui en ont tellement, contrairement à moi. Enfin, vous persifiez que, étant de droite, ‘vous avez cependant
des connaissances de gauche, et que vous pourriez donc répandre ce mensonge que vous faites semblant de tenir de première main, mais qui, croyez-moi, dure depuis des années.
Aussi pour vous éviter cette peine, je me ferai un plaisir de publier votre lettre, ainsi que cette réponse, dans un prochain numéro de l’hebdomadaire de notre mouvement, que vous pourrez trouver dans les bons kiosques pour la modeste somme de 8 F.
Veuillez m'excuser, Madame, de ne pouvoir vous adresser les salu tations de la châtelaine que vous croyez, ou faites semblant de croire.
Arlette LAGUILLER