Ephéméride du 1er mars

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Zappa » 01 Mars 2010, 21:28

Je précise à toutes fins utiles que ce fil n'est pas à des fins de polémiques par des petits bouts de lorgnette mais parce que le sujet m'intéresse vraiment.

Dans ce texte d'Engels, extrait de Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande,

http://jeanzin.fr/ecorevo/philo/pretapen/engels.htm

on trouve cette phrase : " Et lorsque apparut la bourgeoisie, l'hérésie protestante se développa, en opposition au catholicisme féodal, d'abord dans le midi de la France, chez les Albigeois, à l'époque de la plus grande prospérité des villes de cette région. "

Engels semble tenir le caractère bourgeois du mouvement Cathare pour acquis. La revendication d'une Eglise bon marché et soumise aux institutions politiques est effectivement le cri de ralliement de la bourgeoisie au 16è siècle, avec notamment le développement du protestantisme... L'article montre bien les rapports de rivalité entre princes et Eglises qui vont devenir des rapports encore plus complexes entre bourgeoisie, royauté, princes, Eglise. Effectivement au 12è/13è siècle, on voit une lutte entre seigneurs et Eglise pour le pouvoir de leurs institutions respectives et bien des seigneurs féodaux pouvaient être tenté par le projet d'une Eglise pauvre et apolitique. Mais finalement les princes allemands et la royauté anglaise, pour ne citer qu'eux, trouveront bien leur compte dans le protestantisme. Comme il est dit dans l'éphéméride, la région de Toulouse était en plein essor commercial. Dans un Que Sais-Je sur le catharisme, l'auteur allait jusqu'à dire de Toulouse qu'elle était la troisième ville occidentale la plus développée après Rome et Venise. Et si je ne m'abuse l'organisation de la ville de Toulouse était de type communale, avec élections des instances dirigeantes de la ville, ce qui était à l'époque un moyen pour accorder des bribes de pouvoir politique à la bourgeoisie locale.
Dans le Que Sais-Je si l'auteur réfutait le caractère bourgeois du mouvement, c'était pour une mauvaise raison à savoir qu'il y avait des individus de chaque couches et classes sociales qui avaient participé au mouvement, ce qui est plus ou moins le lot de tout mouvement massif.

Bref, l'éphéméride est loin de mettre l'accent sur un quelconque caractère bourgeois du catharisme et me voilà tout perplexe. Est-ce que des camarades ont des billes là dessus ? J'espère un peu secrètement que l'auteur de cet article fréquente le FALO.
Zappa
 
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Message par Zappa » 26 Août 2010, 21:32

J'apporte un élément de réponse à moi même. J'espère, d'ici 3 mois, avoir de nouveau de quoi poursuivre avec moi même cette discussion passionante. :smoke:

De Jacques Le Goff, tiré de La Civilisation De L'Occident Médiéval, p.288

" On a parfois soutenu que la foi religieuse a fourni à certaines révoltes sociales le ciment et l'idéal dont leurs revendications matérielles avaient besoin. La forme suprême des mouvements révolutionnaires aurait été l'hérésie. Il est hors de doute que les hérésies médiévales ont été surtout adoptées, plus ou moins consciemment, par des catégories sociales mécontentes de leur sort. Même dans le cas de la participation active de la noblesse méridionale à la première phase de la croisade des Albigeois aux côtés des hérétiques, on a pu souligner l'importance de ses griefs à l'égard de l'Eglise qui, en augmentant les cas d'impossibilité de mariage pour consanguinité, favorisait le morcellement des domaines de l'aristocratie laïque qui tombaient plus facilement entre ses mains. Il est surtout certain que beaucoup de mouvements hérétiques, en condamnant la société terrestre et spécialement l'Eglise, recelaient un ferment révolutionnaire très puissant. Cela est vrai pour le catharisme, pour l'idéologie plus diffuse du joachinisme, pour les divers millénarismes dont les aspects subversifs ont déjà été soulignés. Mais les hérésies ont rassemblé des coalitions sociales hétérogènes à l'intérieur desquelles les divergences de classe ont affaibli l'efficacité du mouvement. On pourrait dans le catharisme - sous sa forme albigeoise en tout cas - distinguer une phase nobiliaire où l'aristocratie mène le jeu, une phase bourgeoise où marchands, notaires, notables des villes dominent le mouvement abandonné par la noblesse après la croisade et le traité de Paris, à la fin du XIIIè siècle enfin, des séquelles d'aspect plus franchement démocratique où artisans des bourgs, montagnards et bergers pyrénéens continuent presque seuls la lutte.
Surtout les mots d'ordre proprement religieux des hérésies évacuent finalement le contenu social de ces mouvements. Leur programme révolutionnaire dégénère en anarchisme millénariste qui prend des utopies pour solutions terrestres. Le nihilisme qui vise notamment le travail plus durement condamné que par quiconque par de nombreux hérétiques - les parfaits cathares ne doivent pas travailler - paralyse l'efficacité sociale des révoltes placées sous le signe de la religion. Les hérésies ont été les formes les plus aiguës de l'aliénation idéologie. "

Petite précision, Le Goff parle des hérésies comprises entre le 10è et le 14è siècle environ.
Zappa
 
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