Il y a un texte intéressant dessus de Husson (bon je sais, ce n'est pas une référence absolue mais là il est éclairant), qui montre que leur démarche était intéressante du point de vue méthodologique : Althusser aurait transformé l'économie marxiste en dogme sans prise sur le réel, tandis que l'école de la régulation aurait été plus empirique. Manque de pot, le mouvement a basculé vers de l'harmonicisme : on commence par comprendre comment le capitalisme s'est régulé dans l'histoire - ce qui n'a rien de réformiste, c'est une analyse intéressante - puis on finit par conclure que le capitalisme trouvera toujours des formes de régulation, et là on tombe dans un harmonicisme.
http://hussonet.free.fr/regula99.pdfPour critiquer l'école de la régulation, il faut avant tout revenir à Marx : la crise dans le capitalisme est son élément principal de régulation. La crise est inévitable car elle permet de créer du chômage, faire baisser le prix des machines, évincer les capitalistes les moins bons et ne laisser la vie sauve qu'aux plus forts.
Mandel avait un excellent exemple totalement actuel du débat entre libéraux/antilibéraux : il met dos à dos un syndicaliste réformiste et un PDG libéral. Le premier explique au second que l'augmentation de salaire va permettre au capitaliste d'augmenter ses débouchés, et d'éviter une crise de surproduction (= relance par la demande). Le PDG, lui, va dire que baisser les salaires, avoir des subventions, lui permettra de créer des emplois, alors qu'une augmentation de salaires pèserait trop lourd dans son entreprise et l'obligerait à licencier. Mandel conclut que les dos ont tort et raison à la fois. Le réformiste montre que le capitalisme a besoin de demande solvable pour réaliser son profit, et le capitaliste montre que le capitalisme a besoin de taux de profits élevés pour accumuler. De fait, chaque revendication entraine une crise : l'une fait chuter les taux de profit, l'autre perd sa demande solvable. On ne peut mettre tout le monde d'accord par la régulation : soit on accepte la domination des capitalistes, ce qui ne garantit pas qu'une crise de surproduction ne surviendra pas, soit on se place du côté du prolétariat et on se place dans une perspective autre que celle du capitalisme (aller vers le socialisme) pour éviter la crise. Il n'y a pas de troisième voie.