(redaxe @ samedi 30 juin 2007 à 21:40 a écrit :Beaucoup de choses ont déjà été dites sur le sujet, et je n'ai finalement rien de très construit à apporter. Simplement ce mot de "communautarisme", je commence à m'en méfier, parce que je l'entend à tout propos, parce que le débat, en France, se fait de façon complètement binaire, avec l'opposition Républicanisme/communautarisme.
Pour moi ce mot a au moins 3 significations :
1) Un certain type d'idée reçue, de sentiment qui revient souvent chez ceux qui se sentent à raison rejetés pour des raisons raciales, ethniques, religieuses, historiques etc... : "retrouvons nous entre nous, gardons nos propres valeurs morales, et on ira mieux" ;
2) un certain type de discours qui s'appuie sur le sentiment décrit en 1, dans le but de rallier les membres d'une communauté à un discours politique donné ;
3) un certain type de politique "intérieure" vis à vis des populations principalement d'origine étrangère (mais pas seulement ou pas forcément), qui vise à les encourager au "communautarisme" (dans le sens 1 ou 2) et a désigner, plus ou moins officiellement, des représentants à ces "communautés".
Ce sont trois "communautarismes" bien différents et qu'à mon avis on doit combattre tous les trois, mais c'est vraiment pas la même chose. Le premier est une réaction compréhensible, pas forcément mauvaise en soi, ça peut même être la base d'une défense d'intérêts communs à une communauté et donc être assez positif. L'ennui c'est quand ce sentiment commence à justifier un retour à la religion ou à des pratiques sociales archaïques, au nom du respect de la tradition et des "racines". Aucune nation n'a un mode de vie ou des valeurs supérieurs à l'ensemble de l'humanité, donc on ne peut pas encourager les communautés à se refermer sur elles-mêmes.
Après il y a ceux qui se servent de ce sentiment communautaire pour gagner à peu de frais une base populaire à leurs idées ou à leur politique. Ce genre de stratégie a le défaut d'encourager la communauté à se replier sur elle même, et comme elle ne peut marcher que pour des mouvements qui défendent des intérêts propres à une communauté, elle ne peut donc que difficilement servir à une cause un tant soit peu universelle - bon, ça serait à nuancer, j'ai même des contre-exemples en tête... le Bund au début du vingtième siècle... Mais on voit bien que ce sont surtout des positions soit nationalistes, soit religieuses intégristes, qui profitent de ce genre de stratégie. Combattre le repli communautariste sert aussi à couper l'herbe sous le pied à ces dangereux démagos.
Enfin il y a la politique intérieure "communautariste" par opposition à la politique "d'intégration". C'est le genre de politique qui a été mise en place en particulier au Royaume-Uni pour "gérer" les populations d'origine étrangère, indiens, pakistanais, chinois, africains, antillais... Et que Nicolas Sarkozy a commencé à copier quand il était encore ministre de l'intérieur en mettant en place son "Conseil Français du Culte Musulman". Là c'est beaucoup plus vicieux, et je pense qu'il faut vraiment combattre ce genre de politique. C'est une politique qui prend acte de la division de la population du pays entre communautés et au lieu de tenter de la réduire, consiste à désigner des représentants de chaque communauté et à les faire participer à la vie politique (en particulier locale), à encourager la création d'écoles privées, les associations communautaires, les lieux de cultes, etc... Comme les "représentants" sont sensés "représenter", il faut qu'ils soient "représentatifs" (d'ailleurs en anglais représentant et représentatif c'est le même mot, "representative"), donc on choisit... des religieux bien sûr ! Puisqu'ils disent représenter la communauté, on les laisse faire, et même on les encourage puisqu'ils servent la bonne politique. Bref, c'est une manière de gérer la cohabitation entre plusieurs populations qui n'a pas que des désavantages (il y aurait paraît-il moins de discriminations à l'embauche ou pour l'accès au logement puisqu'un contrôle est possible, contrairement à la France où l'appartenance à une communauté est niée par l'administration), mais qui encourage naturellement les religieux et les réacs de tout poil.
(redaxe @ samedi 30 juin 2007 à 21:40 a écrit :Or moi la République qui intègre je n'y crois pas et je n'en veux pas. Donc en fait, entre les républicains qui veulent enseigner aux petis noirs et aux petits arabes que leurs ancêtres sont gaulois, et entre les Indigènes de la République qui mélangent tout et qui se construisent en opposition à cette fameuse république, et bien vraiment je ne choisis pas. Ils sont tous hors-sujet à mon sens.
=D> Là j'ai rien à redire là dessus ! Je vis à Birmingham et je peux constater souvent des aspects choquants du communautarisme "à la brittanique", mais je suis bien forcé de reconnaître que la situation des gens d'origine pakistanaise ici n'est pas plus beaucoup plus mauvaise que celle des gens d'origine maghrébine en France. Ils ont peut-être plus qu'en France la pression de la religion et de la tradition (mais il faut aussi considérer que l'Islam pakistanais est beaucoup plus strict et fondamentaliste que celui d'Afrique du Nord), mais ils n'ont pas forcément l'avenir bouché du seul fait de ne pas être né anglais de souche... Beaucoup plus font des études, en particulier.
(redaxe @ samedi 30 juin 2007 à 21:40 a écrit :Pour terminer, le terme de communautarisme est également pas mal utilisé dans la rhétorique arabophobe, ce qui fait que maintenant il est super connoté. Dites "communautarisme", et tout de suite on pense arabe, musulman, voile, cité.... Pour toutes ces raisons je suis reservée sur ce terme de communautarisme. Après je suis consciente qu'il y a une réalité qu'il faut pouvoir nommer, mais au jour d'aujourd'hui le mot me semble déborder la réalité qu'il voudrait ou qu'il devrait désigner.
Mouais. Il y a aussi des gens qui ne veulent plus utiliser le mot "communisme" parce qu'ils disent qu'on entend tout de suite goulag, Pol Pot, Corée du Nord... Par ailleurs moi quand je vivais en France (il y a de ça deux-trois ans, pas plus) quand on disait "communautarisme" c'est plutôt au CRIF et aux différentes organisations qui déclaraient représenter la communauté juive, en servant en réalité une soupe sioniste et violemment pro-israëlienne, que ça me faisait d'abord penser. Les premiers communautaristes musulmans que j'ai rencontré (c'était les "Etudiants Musulmans de France"), je me suis dit "voila-t-il pas qu'ils font comme les sionistes !" Mais plutôt que de réagir de façon irrationnelle en disant "ceux qui dénoncent le communautarisme sont craignos donc moi je fais gaffe", je pense qu'il faut comprendre les origines du communautarisme (une tendance somme toute naturelle de ceux qui se sentent opprimés à se serrer les coudes), l'utilisation qui en est faite par des démagogues et en particulier des religieux, et enfin l'utilisation qui en est faite par l'Etat, du type "diviser pour régner". Quoi qu'il en soit, un obstacle de plus à la conscience de classe, une barrière de plus à l'union des travailleurs.