par eruditrotsk » 07 Juin 2006, 16:26
Je voudrais faire remarquer au convive de pierre (quel pseudo !) que ce qu'il nous raconte sur la "révolution culturelle" chinoise, la prétendue "grande révolution prolétarienne" pour ses laudateurs, faisait partie en son temps (66-67) des âneries que véhiculaient non seulement les maoïstes mais aussi toute l'extrême gauche, y compris la plupart des trotskystes, toujours prête et prêts à courrir après tout ce qui bouge et à le peindre en rose (ils semblent pour la plupart incapables d'avoir une attitude de soutien qui ne revienne pas à mettre une étiquette socialiste là où il n'y a pas lieu, même ceux dont Vérié dirait qu'ils ne sont pas orthodoxes).
Bien sûr qu'il était difficile de savoir ce qui se passait en Chine à cette époque, et dans une certaine mesure aujourd'hui encore car, parmi les "faiseurs de livres", entre les porteurs de lunettes roses et ceux qui voient, par anticommunisme, des communistes là où il n'y en a pas, cela laisse peu de place à des gens proposant une analyse lucide.
L'effort des camarades qui ont rédigé le CLT sur la révolution culturelle était d'essayer de comprendre à travers des faits palpables, ce qui était en jeu, avec bien sûr un arrière-fond politique. Ils ne confondaient pas les étudiants et les prolétaires. Et ils comprenaient que quand l'armée (et donc l'appareil d'Etat chinois, caractérisé par ailleurs comme un Etat bourgeois, ce qui me semble tout à fait juste, le prolétariat ayant été écarté politiquement de 1927 à 1949, et a fortiori ensuite) fournissait des moyens de transport aux "gardes rouges" étudiants pour les transporter à travers le pays, cela avait un sens de classe précis, qui n'était pas prolétarien. C'était la petite bourgeoisie encadré par l'Etat représentant des possédants, et si ces gardes rouges encadrés par l'armée s'affrontaient avec des prolétaires, cela avait un sens bien précis. L'histoire du prolétariat est malheureusement pleine d'épisodes de ce genre où l'on a pu mobiliser contre lui, qui les paysans, qui les lumpen, qui la petite bourgeoisie, intellectuelle ou pas.
Evidemment pour ceux qui croyaient voir dans ces étudiants des étudiants gauchistes comme ils l'étaient alors dans les pays capitalistes industrialisés, c'était difficile à comprendre. Mais à la même époque il y avait aussi des "grèves" racistes contre l'intégration scolaire des Noirs aux Etats-Unis, des "grèves" que les grévistes professionnels que sont censés être les trotskystes (malheureusement trop souvent sur le papier) auraient dû combattre. La réalité est complexe, et faire de la politique c'est d'abord essayer de la comprendre...
Et faire cette analyse (celle du CLT) à l'époque n'était pas chose simple, et en tout cas pas dans le courant et la mode maoïste de l'époque (à la fin des années soixante, les maos étaient beaucoup plus nombreux que les trotskystes, certainement la majorité de l'extrême gauche, mais ils ont bien vite fourni des troupes, du moins en France, à la social-démocratie renaissante).
Quand des années après, j'ai lu "les années rouges", j'y ai plutôt trouvé la confirmation de l'analyse du CLT, en tout cas des éléments allant de le même sens. Mais on en trouve aussi des éléments dans un témoignage, moins connu, intitulé "La vengeance du ciel", autre témoignage d'un ex-garde rouge (publié chez Laffont, je crois). Il y a là aussi une partie sur les rapports avec la classe ouvrière assez nette, du moins si on se place du point de vue où se plaçait le CLT.
En tout cas, ce n'est pas en prenant l'idéologie maoïste pour argent comptant ; idéologie qui avait le même sens mystificateur que l'idéologuie "marxiste" des staliniens russes, qu'on risque de comprendre quoi que ce soit à la "révolution culturelle".
Le convive de pierre serait mieux inspiré de faire moins d'effet de manche et de retourner à l'ABC du marxisme, dont il n'y a pas une once dans les textes de Mao. Par contre, il y a des textes très clairs sur le fait que Mao n'avait pas l'intention de faire une révolution prolétarienne (c'est d'ailleurs le sens même du "bloc des quatre classes"), où il lira des déclarations du genre "nous n'avons pas l'intention d'abolir l'opposition entre le capital et le travail"...
Le convive de pierre devrait aussi se demander pourquoi les capitalistes chinois ont été généralement maintenus à la tête de leurs ex-entreprises comme directeur, en même temps qu'ils continuaient à percevoir des remboursements (des dividendes ?), sur leurs propriétés "nationalisées" au moins de 1949 à 1966 (sans parler du fait qu'ils se sont rétabli sans aucune difficulté ces dernières années).
Et aussi pourquoi Mao Tsé-Toung a été accueilli, si chaleureusement, à son arrivée à Pékin en 1949, à la tête de sa prétendue "armée rouge" (verte aurait été plus juste) par l'un des massacreurs de la commune ouvrière de Shangaï (la photo est dans le livre d'Harold Isaacs). Gallifet n'a jamais embrassé Blanqui.
Quant au rappel pris au premier degré des analyses de la direction chinoise, le camarade devrait méditer sur une formule de Lénine, qui dit que celui qui juge sur les étiquettes, en politique, est perdue. Mieux vaut en effet essayer de comprendre - ce n'est pas toujours facile - les rapports de classes qui sont en jeu. Et comprendre que le prolétariat, c'est-à-dire la classe ouvrière, ce n'est ni les étudiants, ni les paysans, ni la petite bourgeoisie, et a fortiori la bourgeoisie. Et qu'aucune des autres classes sociales ne peut faire à la place de la classe ouvrière ce qu'elle ne fait pas elle-même.