(LE FIGARO ÉCONOMIE a écrit :PAUVRETÉ Le développement doit être un engagement sur le long terme
Landau: «L'idée d'une taxation internationale avance»
Lancée en novembre 2003 par Jacques Chirac, l'idée d'un «impôt mondial» pour financer le développement fait son chemin. Hier, le groupe de travail créé à l'initiative du président de la République sous l'égide de Jean-Pierre Landau, inspecteur général des finances, pour étudier les différentes possibilités de ressources additionnelles dans la lutte contre les inégalités a rendu son rapport. Quelque 150 pages auxquelles des économistes, altermondialistes et chefs d'entreprise ont apporté leur contribution. L'ensemble des solutions proposées répond à un triple critère: être économiquement rationnelles, techniquement viables et socialement justes. Aucune n'est mise en avant car «elles sont toutes envisageables», a expliqué Anne Lauvergeon, présidente d'Areva, estimant qu'il s'agit avant tout d'«une démarche politique».
Propos recueillis par Sixtine Léon-Dufour
[15 septembre 2004]
LE FIGARO ÉCONOMIE. – En quoi vos travaux sur la possible mise en œuvre d'une taxation internationale diffèrent-ils de la taxe Tobin, qui a suscité tant d'opposition?
Jean-Pierre LANDAU. – Nous sommes partis d'une optique différente, qui consiste à regarder un monde où coexistent une très grande pauvreté et une immense prospérité, avec les risques géopolitiques qui en découlent. Nous avons voulu être le plus exhaustifs possible en cherchant des solutions innovantes et solidaires pour lutter efficacement contre cette pauvreté: taxes sur les ventes d'armes, les transports aériens, sur les transactions financières et maritimes, taxes additionnelles sur l'impôt des sociétés... Nous avons exploré toutes les possibilités. Le mot «Tobin» n'est même pas évoqué dans ce rapport final.
Concrètement, qu'en ressort-il?
Tout d'abord, il est important de souligner que ce rapport n'est pas en soi un plan d'action. Ce n'était pas dans le mandat que nous a confié le président Chirac. A charge pour nous de poser le débat technique dans un esprit de rationalité économique afin de lever les fonds additionnels (NDLR: 50 milliards de dollars par an) nécessaires pour atteindre les objectifs du millénaire (ODM) qui visent à réduire la pauvreté de moitié d'ici à 2015. Il n'existe pas de voie unique. Chaque pays peut proposer ses idées, à l'instar de la Grande-Bretagne, qui défend son idée d'IFF (facilité financière internationale). La seule condition est d'allouer les revenus de cet «impôt» à un objectif commun. Il n'y a pas d'effet d'annonce spectaculaire mais je constate avec satisfaction que, depuis le début de nos travaux, une vraie dynamique internationale s'est mise en place. Après le Brésil et le Chili, l'Espagne nous a rejoints en mai dernier.
Pourquoi faut-il cette fiscalité internationale?
Soyons clairs: personne ne veut d'une nouvelle organisation fiscale internationale. Les Etats ne souhaitent pas abandonner leurs prérogatives fiscales et, encore une fois, ce n'est pas ce que nous préconisons. En revanche, il faut, pour être efficaces, savoir nous engager sur le long terme. Par exemple, nous nous sommes rendu compte que pour scolariser tous les enfants d'Afrique subsaharienne, il faudrait 2,5 milliards de dollars par an à condition de soutenir cet effort sur une dizaine d'années. Ce n'est pas grand-chose à l'échelle planétaire mais le système tel qu'il est actuellement, avec notamment des budgets d'Etat votés chaque année, ne le permet pas. Pour résumer, il manque un mécanisme de ressources stable.
Quelles sont les prochaines étapes?
Le président Chirac sera au siège de l'ONU, à New York, le 20 septembre prochain pour défendre, en présence d'une cinquantaine de chefs d'Etat, l'idée de faire plus et mieux contre la pauvreté. Cela prouve que l'idée de taxation internationale avance, c'est déjà un miracle en soi! 2005 est une année importante en raison du sommet sur le développement en septembre, qui constitue une revue d'étape des ODM. Gageons également que le prochain G8 en Grande-Bretagne sera décisif sur ce point.
Il vous reste à convaincre les Américains, farouchement opposés à cette idée d'«impôt mondial»...
Il est vrai qu'il existe, outre-Atlantique, une forte opposition idéologique. Je crois néanmoins qu'il y a des réserves importantes de générosité aux Etats-Unis, qui ne demandent qu'à être utilisées. J'en veux pour preuve les 200 milliards de dollars consacrés annuellement à la philanthropie. Un mécanisme qui utiliserait les fondations, très présentes aux USA, serait peut-être une solution acceptable pour eux.
Que pensez-vous du principe? Croyez vous que ça arrivera?