Darfour

Dans le monde...

Message par pelon » 02 Sep 2004, 17:48

a écrit :
Soudan - Répression sanglante au Darfour

Au Soudan, depuis un an et demi, une nouvelle guerre ravage la région du Darfour située à l'extrême ouest du pays. À ce propos, nous reproduisons ci-dessous l'article paru dans le mensuel Le pouvoir aux travailleurs, édité par nos camarades de l'Union Africaine des Travailleurs Communistes Internationalistes.

"La situation des paysans dans le Darfour est devenue préoccupante au point que le PAM (Programme alimentaire mondial) parle d'une catastrophe humanitaire qui pourrait faire "des dizaines de milliers de morts".

Alors qu'un accord est en passe d'être conclu à Washington entre le gouvernement soudanais et John Garang, leader du Mouvement de libération des peuples du Soudan, pour mettre un terme à une rébellion qui sévit dans le sud du Darfour depuis des années, un autre conflit fait des ravages dans l'ouest de la région.

Des hélicoptères continuent de tirer sur les villages; au sol, les "djandjanwids" achèvent le sale travail de l'aviation. Les "djandjanwids" (cavaliers armés) sont des milices composées d'Arabes, fortement équipés par le régime soudanais. Ils débarquent dans les villages à cheval ou à dos de chameau, et massacrent les paysans qui n'ont pas pu fuir; ils s'emparent de leurs troupeaux, pillent les habitations, violent les femmes, quant aux enfants, ils sont emmenés et certains réduits à l'esclavage.

La création de ces milices comme supplétifs de l'armée soudanaise ne fait qu'aggraver le vieux conflit entre populations arabophones nomades et négro-africaines sédentaires, c'est-à-dire entre éleveurs et paysans. Avant, quand un différend opposait ces deux groupes à propos du bétail allant brouter dans un champ ou dévaster les récoltes, cela se réglait à l'amiable, par dédommagement, sans recours à la violence. L'existence des "djandjanwids" a fait voler en éclats cette façon pacifique de régler un conflit, vieille de plusieurs décennies. Bien sûr, tous les éleveurs ne font pas partie des milices, mais la plupart bénéficient de leur protection.

On compte aujourd'hui 110000 personnes réfugiées au Tchad et 670000 déplacées qui se trouveraient dans une situation très précaire. En effet, depuis l'échec des négociations entre le gouvernement soudanais et les rebelles du Mouvement de libération du Soudan (LMS), avec la médiation du Tchad, l'armée soudanaise déploie de gros moyens militaires pour en finir avec ce mouvement né en décembre 2002. Les rebelles accusent le régime du général Béchir de pratiquer une politique d'exclusion des minorités noires, notamment celles du Darfour, deuxième région la plus peuplée du Soudan. Ces populations ne bénéficient pas non plus des infrastructures comme celles des régions du Nord. C'est cette politique d'exclusion et d'abandon qui les a poussés à prendre les armes.

Le gouvernement soudanais soupçonne le régime tchadien de soutenir ces rebelles dont la plupart appartiennent à la même ethnie qu'Idriss Déby (le président tchadien), les Zaghawa. C'est un fait que par le truchement de leurs proches demeurés dans la capitale tchadienne, les rebelles reçoivent armes et munitions. Des cadres de l'armée ont également rejoint le MLS. Est-ce pour cela que Khartoum n'hésite pas à poursuivre les rebelles soudanais au-delà de la frontière entre les deux pays? Et à tirer sur les camps de réfugiés à l'intérieur du Tchad? C'est ainsi que le 11 mai, un accrochage entre des éléments de l'armée tchadienne et une milice soudanaise a fait 61 morts de part et d'autre, selon des sources tchadiennes. Auparavant, en janvier, le gouvernement soudanais avait bombardé le camp de réfugiés de Tiné, en territoire tchadien. Il y eut trois morts et quatorze blessés graves parmi les réfugiés.

Pour éviter ces attaques, les organisations humanitaires ont demandé et obtenu le déplacement du camp vers l'intérieur du pays, loin de la frontière. Quant aux réfugiés, outre l'aide humanitaire pour le moment insuffisante, ils bénéficient de la solidarité des populations tchadiennes, surtout celle de leur ethnie. Malgré leur dénuement, elles font tout pour venir en aide à leurs frères.

Si rien n'est fait le plus rapidement possible pour secourir les réfugiés dont le nombre augmente à chaque attaque de l'aviation soudanaise relayée au sol par les milices djandjanwids, on risque, selon le PAM, de voir mourir "des dizaines de milliers de réfugiés.
pelon
 
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Message par mael.monnier » 19 Jan 2005, 18:28

(pelon @ jeudi 2 septembre 2004 à 17:48 a écrit :
a écrit :
Soudan - Répression sanglante au Darfour

[...]

Les rebelles accusent le régime du général Béchir de pratiquer une politique d'exclusion des minorités noires, notamment celles du Darfour, deuxième région la plus peuplée du Soudan. Ces populations ne bénéficient pas non plus des infrastructures comme celles des régions du Nord. C'est cette politique d'exclusion et d'abandon qui les a poussés à prendre les armes.

Il y a des Noirs qui sont Arabes, non ? Alors pourquoi un gouvernement Arabe irait-il exterminer les Noirs ?

Sur cette question, selon un article du Réseau Voltaire du 14 septembre 2004, ce ne serait pas un conflit entre Noirs et Arabes (ce qui est un non-sens), un conflit ethnique, mais entre populations sédentaires et nomades pour l'accès à l'eau. En fait, il y aurait une volonté de l'administration Bush de mettre la main sur le pétrole qui existe potentiellement au Darfour, et donc il serait de leur intérêt d'opposer artificiellement Arabes et non-Arabes pour affaiblir le gouvernement soudanais... Voilà l'article :

a écrit :14 septembre 2004 - Focus
Plus de 30 000 morts au Darfour
Fodel Tijani : « Les initiatives de paix se sont heurtées aux manœuvres des USA »

Le Dr Fodel Tijani, ministre d'État aux Affaires étrangères de la République du Soudan, rejette les accusations de génocide portées contre son gouvernement par les États-Unis et le Royaume-Uni. Il assure que Khartoum tente de désarmer les milices qu'il contrôle et de négocier avec les autres. Il accuse Washington de chercher un prétexte pour s'ingérer dans son pays et de verser de l'huile sur le feu pour faire main basse sur son pétrole. Enfin, il souligne que plusieurs organisations intergouvernementales partagent l'analyse de son gouvernement.



Le conflit du Darfour, qui prolonge vingt et un ans de guerre civile soudanaise, a déjà provoqué le déplacement d'environ 1,2 million de personnes et la mort d'au moins 30 000 autres. Il n'oppose pas seulement le gouvernement et des rebelles, mais aussi une kyrielle de milices, mal identifiées et poursuivant des intérêts distincts. Des organisations régionales comme l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), puis l'Union africaine (UA) ont proposé leur médiation et mis en place un embryon de force d'interposition. Cependant les progrès accomplis sont très insuffisants. Les massacres continuent [1].

Dans ce contexte, les États-Unis ont ouvert une vaste campagne de communication pour sensibiliser la communauté internationale à ce drame. Mais leur analyse du conflit diffère notablement de celle des organisations régionales. Washington a déposé un projet de résolution au Conseil de sécurité qui prévoyait d'exercer des sanctions contre le gouvernement de Khartoum s'il ne mettait pas fin à la crise. Or ce texte a été rejeté par la Russie et la Chine qui contestent à la fois l'analyse du conflit et le choix des sanctions.

L'Association des avocats américains (partenaire de la Freedom House [2]) et la Coalition pour la Justice internationale (liée à George Soros [3]) ont réalisé une enquête auprès de réfugiés au Tchad. Selon eux, le conflit se résume à une tentative d'extermination des villageois non-Arabes par les Arabes (gouvernement de Khartoum et milices). Ces conclusions ont été diffusées par le département d'État et ont servi de documentation à Colin Powell pour qualifier la situation de « génocide » devant la Commission des affaires étrangères du Sénat états-unien. M. Powell s'est efforcé de créer un consensus politiquement correct sur la nécessité d'une intervention au Soudan en faisant valoir qu'il s'agissait bien d'un génocide des Noirs par les Arabes. Disposant à ce propos d'un assez large soutien au Congrès, où l'on ignore que l'on puisse être à la fois Arabe et Noir [4], le secrétaire d'État a alors introduit son projet de résolution à l'ONU en vue de faire adopter des sanctions. Il entendait en l'occurrence prononcer un embargo sur le pétrole soudanais au détriment des compagnies chinoises et indiennes qui l'exploitent.

Si les manœuvres états-uniennes sont aisées à interpréter, il est difficile de se faire une idée précise de la réalité des forces en présence dans la mesure où seul le point de vue des grandes puissances trouve à s'exprimer dans les médias occidentaux. Nous avons sollicité le gouvernement soudanais pour connaître le sien. Il conviendrait de connaître aussi celui des rebelles, mais nous n'avons pas été en mesure de le recueillir. Néanmoins, le lecteur pourra déjà se faire une opinion plus équilibrée des évènements.


Entretien avec le Dr. Fodel Tijani, ministre d'État aux affaires étrangères de la République du Soudan

Voltaire : Quel est l'historique du conflit au Darfour ?

Dr Fodel Tijani : D'abord permettez-moi de vous mentionner le fait que je suis moi-même originaire du Darfour ainsi que sept autres ministres au sein du gouvernement soudanais. La situation conflictuelle qui règne actuellement au Darfour trouve son origine dans des rivalités traditionnelles qui ont dégénéré en conflit meurtrier sous l'influence de facteurs nouveaux agravants.
Il existait au Darfour, comme dans d'autres régions du monde, une rivalité traditionnelle entre populations sédentaires et populations nomades pour le contrôle des accès à l'eau et aux pâturages. Ces situations étaient habituellement gérées par des arbitrages confiés aux chefs traditionnels, mais ceux-ci ont vu, sous l'effet de la modernisation des relations sociales, leurs influences diminuer, ce qui cette fois-ci les a empêché d'imposer un compromis acceptables pour les deux parties.
À cela il faut ajouter que le Darfour est confronté au grave problème de l'avancée du désert, ce qui rend la compétition pour l'accès aux pâturages et aux points d'eau de plus en plus exacerbée, l'augmentation de la population contribuant aussi à cette spirale. Autrefois, les tensions restaient peu meurtrières puisque les protagonistes utilisaient des armes blanches, alors que aujourd'hui, suite aux guerres civiles qui ont eu lieu dans le passé au Tchad et en République centrafricaine, il est possible de se procurer des armes automatiques sans avoir à les payer cher, ce qui multiplie le nombre de morts à chaque incident. Le nombre de morts augmentant, il devient impossible de gérer les choses par le biais de la coutume. Lors du premier incident grave qui est à l'origine des problèmes actuels, il y a eu une cinquantaine de morts de la tribu « Zagawoua » et une quinzaine parmi les « Arabes ». Autrefois, pour régler un tel incident, il fallait payer le « prix du sang », mais avec une telle quantité de morts il est devenu impossible de payer le prix et les Zagawouas ont alors demandé au gouvernement de Khartoum de payer ce prix du sang, ce qu'il a refusé pour ne pas entrer dans une logique qui ne ferait qu'encourager à multiplier ce type de situation. Cette réponse des autorités a servi de prétexte aux rebelles pour qu'ils accusent le gouvernement d'avoir pris partie pour leurs adversaires.
Il existe aussi des manipulations politiques, comme le rôle de Hassan El Tourabi, un ancien dirigeant soudanais connu pour ses positions islamistes extrêmes et qui a rompu en 1999 avec le gouvernement de Khartoum. Depuis, il a essayé de peser sur la vie politique en s'appuyant un temps sur la rébellion du Sud-Soudan et en aidant aujourd'hui un des deux mouvements rebelles du Darfour, le Mouvement Justice et Égalité. Nous venons par ailleurs de découvrir, à Khartoum même, des caches d'armes mises en place par des militants du parti de Tourabi. À cela on peut ajouter que le conflit au Darfour correspond aux intérêts du dirigeant rebelle sudiste John Garang qui, malgré les accords de paix qui viennent d'être signés, tente d'affaiblir la position du gouvernement soudanais. Et enfin, il y a le rôle des solidarités tribales qui expliquent que certains groupes bénéficient de complicités à l'extérieur des frontières soudanaises.

Quelles ont été les réactions des autorités locales au début du conflit ?

Le Soudan est un État fédéral et les gouverneurs des trois provinces du Darfour, qui sont originaires de la région, ont demandé au début à ce que le gouvernement central n'envoie pas de troupes dans la région mais laisse les problèmes être réglés par les autorités locales. Les rebelles en ont alors conclu qu'ils pouvaient accentuer la pression armée pour établir un rapport de force qui leur soit favorable. Ils ont attaqué des postes de police, tué 408 policiers et 22 officiers afin de se procurer les armes qui leur ont permis de défier les autorités.

D'où vient l'appellation de « Janjawids » ? Ce conflit est-il une guerre entre Noirs et Arabes ?

Traditionnellement dans la région, il existait des « Janjawids », c'est-à-dire des groupes de bandits recrutant dans toutes les tribus de la région mais, lorsque la rébellion a commencé, le gouvernement ne voulant pas envoyer l'armée, il a fait appel à des volontaires pour former des milices locales. Celles-ci proviennent de toutes les ethnies de la région mais, pour semer la confusion, elles se sont vus appelées « Janjawids » par les rebelles. Mais il faut dire aussi que les milices utilisent le terme de « Tora-Bora » (en allusion au refuge afghan de Ben Laden) pour désigner les groupes rebelles. Ces milices pro-gouvernementales n'ont jamais été formées sur une base tribale ou ethnique et le gouvernement n'a jamais armé quiconque sur une base ethnique. L'idée qu'il puisse y avoir un conflit entre « Noirs » et « Arabes » n'a pas de sens, dans la mesure où la totalité de la population du Darfour est musulmane sunnite et que les intermariages ont abouti à un mélange complet de la population locale si bien qu'il n'y a pas d'Arabes d'un côté et de Noirs de l'autre. Il y a en revanche des populations sédentaires et des populations nomades, toutes d'origine ethniques mélangées. La tribu au Darfour est une réalité sociale et non pas une réalité ethnique.

Quels sont les objectifs politiques des rebelles ?

En fait leurs objectifs politiques sont peu précis et se limitent à de vagues exigences, généralement très exagérées, portant sur le partage du pouvoir et des richesses avec le gouvernement central. Dans l'ensemble cependant, la rébellion est d'essence locale, sans programme ni national ni séparatiste. Elle cherche à devenir un moyen de pression en profitant, par le biais d'une crise humanitaire, de l'appui de puissances extérieures pour négocier des subsides et des postes dans l'administration au profit de ses membres. Le gouvernement soudanais, de son côté, a engagé des négociations en accord avec l'ONU avec les rebelles. Les sanctions prononcées par les USA contre le Soudan poussent toutefois les rebelles à ne pas négocier pour faire monter les enchères.

Quelles sont les organismes qui tentent d'aider à trouver une solution pacifique ?

Avant tout l'Union africaine qui, par le biais de son Conseil de sécurité, est en charge du problème et qui a élaboré une série d'initiatives de paix qui se sont heurtées aux manœuvres des USA dont les objectifs au Soudan ne semblent pas être pacifiques pour le moment. Cette situation risque de tenter aussi certains dirigeants du Sud du pays de remettre en cause les accords de paix signés récemment afin d'obtenir plus que ce qu'ils ont obtenu à la suite d'un très long et très difficile processus de négociations et de compromis.

Comment le gouvernement du Soudan envisage-t-il la restauration de la paix au Darfour ?

Le gouvernement a envoyé dans cette région 12 000 policiers. Il cherche à réaliser le désarmement de ses milices contre le cantonnement des forces rebelles dans des espaces définis, ce qui permettrait de cesser le conflit et de négocier une issue pacifique. Mais les rebelles exigent le désarmement des milices tout en voulant continuer à se déplacer librement à travers le territoire pour pouvoir essayer de le contrôler. L'Union africaine a appuyé la position de Khartoum visant à un désengagement simultané des deux protagonistes.

Quelle est la situation des déplacés ?

Certains se sont réfugiés au Tchad, d'autres dans différentes régions du Darfour, d'autres dans les villes. Il faut souligner le fait que, à l'encontre des accusations de génocides, beaucoup de déplacés sont venus se réfugier dans les zones contrôlées par le gouvernement, ce qui démontre clairement que ces populations ne voient pas dans le gouvernement un pouvoir génocidaire mais plutôt un pouvoir protecteur. Il y a aujourd'hui, selon les chiffres de l'ONU, 1 million d'habitants du Darfour qui sont déplacés pour une population totale de 5 millions de résidents.

Pour quelles raisons les autorités de Washington semblent-elles attiser le conflit ?

Il y a d'abord une conjoncture électorale. Il s'agit de faire preuve, dans la conjoncture actuelle, vis-à-vis de certains électeurs des États-Unis de fermeté anti-arabe tout en essayant d'accréditer auprès des électeurs afro-américains l'idée que le gouvernement des États-Unis a à cœur la défense des Noirs dans le monde. Il y a aussi la nécessité pour Washington de détourner l'attention de l'opinion mondiale des conflits en Irak et en Palestine en redonnant aux États-Unis un visage de « pays-défenseur des droits de l'homme ».
Et puis, il y a du pétrole au Tchad et en Libye, deux pays voisins et tout indique en conséquence que le Darfour en contient aussi même si aucune recherche n'a encore pu être menée sur le terrain. On peut aussi supposer que les satellites états-uniens ont peut-être découvert ce pétrole.
Pour le moment, le pétrole exploité au Soudan l'est par le biais d'une participation de la Chine, de la Malaisie et d'une société soudanaise. Une compagnie canadienne participait à son exploitation, mais elle s'est retirée sous la pression des États-Unis. Nous savons que les États-Unis veulent contrôler l'exploitation et l'acheminement du pétrole partout dans le monde. Les compagnies des États-Unis ont été les premières à découvrir du pétrole dans notre pays, mais, croyant être sans concurrents, elles ont exigé de notre part des conditions inacceptables pour sa mise en exploitation, ce qui nous a amené à rechercher et finalement à conclure un partenariat avec la Chine, ce qui ne plait pas aux États-Unis. Nous avons déjà eu d'ailleurs le bombardement de l'usine pharmaceutique de Khartoum par l'aviation des USA en 1998 sous un prétexte que même Washington a aujourd'hui reconnu comme étant faux.

On accuse l'armée soudanaise d'avoir bombardé des villages du Darfour ?

Il faut savoir qu'au Darfour, il n'y a pas de forêts et que les rebelles se regroupent donc aux alentours des villages existants et que, lorsque l'aviation soudanaise bombarde leurs positions, ils se réfugient dans les villages où le moindre incident aboutit à un incendie généralisé puisque les villages sont construits en paille.

Le gouvernement soudanais n'a-t-il pas désavantagé largement le Darfour dans le passé, ce qui justifierait la rébellion ?

Comme je vous l'ai dit, au sein du gouvernement, nous sommes huit ministres originaires du Darfour. En outre, certains rebelles ont aussi occupé des postes au sein du gouvernement. Il existe en revanche au Darfour un grave problème de sous-développement qui n'a pu être réglé à cause de la longue guerre au Sud qui a grevé le budget de l'État et au fait que, suite aux sanctions économiques engagées sous la pression de Washington, le Soudan n'a pas pu avoir accès pendant une dizaine d'années aux différentes aides au développement. Le Soudan a donc été une victime constante de la politique unilatérale de grande puissance.

Dans quelle mesure la position du gouvernement soudanais est-elle corroborée par des institutions neutres ?

Le Haut commissariat aux droits de l'homme de l'ONU a mené une mission d'enquête au Darfour et dans les camps de réfugiés au Tchad. Elle a abouti à la rédaction d'un rapport précisant que les violences qui se sont produites au Darfour ne peuvent être considérées comme une tentative d'épuration ethnique. De même, la Ligue arabe, Médecins sans frontières, l'Organisation de la conférence islamique et l'Union africaine ont également produit des documents démentant qu'il y avait un génocide en cours au Soudan. Même le secrétaire d'État des USA, Colin Powell, a d'abord admis que le gouvernement soudanais faisait des efforts louables pour tenter de trouver une issue au problème, jusqu'à ce que la pression venant d'éléments plus durs, en particulier au sein du Sénat des États-Unis, le pousse à faire des déclarations utilisant le terme de « génocide » pour qualifier le désordre et les violences qui règnent au Darfour. Le gouvernement fédéral du Soudan continuera à mener sa politique de recherche de paix, d'indépendance, d'unité nationale et bonne volonté envers l'ensemble de ses citoyens et de ses régions et visant tous les fauteurs de violences contre les civils quelque soient leurs appartenances.



Propos recueillis par Bruno Drweski



[1] « Cessez-le-feu au Soudan », Voltaire, 12 avril 2004.

[2] « Freedom House, quand la liberté n'est qu'un slogan », Voltaire, 7 septembre 2004.

[3] « George Soros, spéculateur et philanthrope », Voltaire, 15 janvier 2004.

[4] Les Arabes sont les personnes de langue maternelle arabe. Les Noirs sont les personnes à la peau noire. En se convertissant à l'islam, des Noirs ont appris l'arabe. En outre, l'islam a favorisé les mariages entre Sémites arabes et Noirs. Bref, les analyses raciales ne rendent pas compte d'une réalité humaine, mais révèlent l'idéologie de ceux qui s'y réfèrent.



Page d'origine : www.reseauvoltaire.net/article14914.html
mael.monnier
 
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Message par com_71 » 28 Jan 2005, 15:44

(mael.monnier @ mercredi 19 janvier 2005 à 18:28 a écrit :
Il y a des Noirs qui sont Arabes, non ? Alors pourquoi un gouvernement Arabe irait-il exterminer les Noirs ?
Il y a des juifs qui sont allemands, non ? Alors pourquoi un gouvernement allemand irait-il exterminer les juifs ?

L'erreur de Mael est de chercher une logique dans la folie nationaliste.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par mael.monnier » 28 Jan 2005, 16:05

(com_71 @ vendredi 28 janvier 2005 à 15:44 a écrit :
(mael.monnier @ mercredi 19 janvier 2005 à 18:28 a écrit :
Il y a des Noirs qui sont Arabes, non ? Alors pourquoi un gouvernement Arabe irait-il exterminer les Noirs ?

Il y a des juifs qui sont allemands, non ? Alors pourquoi un gouvernement allemand irait-il exterminer les juifs ?
Parce que le gouvernement allemand n'était pas juif et était composé de xénophobes qui voulaient atteindre une soit-disant pureté...

Dans le cas du Darfour, le gouvernement est Noir ET Arabe à ce que je sache...
mael.monnier
 
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Message par Nadia » 28 Jan 2005, 16:09

L'excellent article de la LDC (pseudo-mensuel de fond de LO) :
a écrit : Lutte de Classe
N°84
Novembre 2004

Guerre du Darfour - Hypocrisie et responsabilités de l'impérialisme



En juin dernier, les gouvernements et les médias occidentaux se sont mis à s'intéresser à la guerre sanglante sévissant au Darfour, une région située à l'ouest du Soudan. On vit apparaître à la télévision et dans la presse des reportages horrifiants sur la situation de la population. Ils montraient comment troupes gouvernementales et milices locales pratiquaient une politique de la terre brûlée et terrorisaient la population en détruisant les villages, en tuant les hommes et en violant les femmes.

La réalité de cette guerre brutale et de la catastrophe qui en découle est indéniable et les estimations de l'ONU parlent d'elles-mêmes : dans une région peuplée d'à peine 7 millions de personnes, on compte plus de 50 000 victimes, un million de réfugiés internes au Darfour et 200 000 au Tchad. Un grand nombre de réfugiés sont parqués dans des camps de fortune surpeuplés installés au milieu de zones quasi-désertiques, dont certains ressemblent davantage à des camps de concentration qu'à des refuges humanitaires. Dans tous ces camps, les réfugiés arrivent à peine à survivre dans des conditions de précarité extrêmes et on estime que des centaines d'entre eux meurent de faim chaque semaine.

Face à une telle situation, pour une fois, les puissances occidentales auraient pu se servir des ressources considérables de leurs forces armées militaires à des fins utiles. Les armadas d'hélicoptères et autres engins aéroportés géants, qui jouèrent un rôle décisif dans les opérations précédant l'invasion de l'Irak, auraient pu apporter la nourriture, les médicaments et les équipes d'assistance dont le Darfour avait un besoin urgent, tandis que des unités du génie auraient pu mettre en place très rapidement des équipements décents, des tentes et des infrastructures médicales appropriées. Une telle opération aurait été un simple exercice de routine pour les armées des puissances occidentales, comparée aux énormes moyens logistiques déployés en Irak depuis avril 2003.

Au lieu de cela, les gouvernements occidentaux ont sous-traité le travail à des ONG qui ont dû louer des avions commerciaux et acheter tous les équipements nécessaires au prix du marché, avec un budget total alloué d'à peine plus de 120 millions de dollars - une aumône comparée aux besoins réels des réfugiés et bien moins que ce que les États-Unis dépensent officiellement pour chaque jour d'occupation en Irak !

C'est dire ce que valent réellement les cris d'alarme lancés par les puissances occidentales à propos de la catastrophe humanitaire qui se déroule au Darfour.

Les grandes puissances et leurs beaux discours

Pourtant, en juin, à la tribune de l'ONU, le secrétaire d'état américain Colin Powell s'était posé en champion des droits de l'homme dans les pays du tiers monde, et en particulier au Darfour. Après avoir lancé une attaque cinglante contre ce qu'il avait qualifié de « génocide » perpétré par le régime de Khartoum, il avait menacé le gouvernement soudanais de représailles de la part de l'ONU. A l'époque, nombre de commentateurs avaient noté que le ton et le langage utilisés par Powell étaient étonnamment semblables à ceux qu'il avait utilisés pendant la mise en scène médiatique sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein, au cours des mois précédant l'invasion de l'Irak. Par la suite, Powell avait rendu une visite très médiatisée aux camps de réfugiés au Darfour, exprimant son « inquiétude » pour le sort des réfugiés et répétant sa menace à peine voilée à l'intention de Khartoum.

Comme on pouvait s'y attendre, le gouvernement britannique n'avait pas tardé à suivre. Plusieurs ministres anglais s'étaient rendus à leur tour au Darfour, non pas une, mais plusieurs fois, afin d'exprimer, eux aussi, leur soutien aux réfugiés face au régime de Khartoum. Mais, comme souvent dans la « relation spéciale » que Londres se targue d'avoir avec Washington, Blair avait tenu à ajouter son propre piment à la rhétorique de Colin Powell. A la mi-juillet, des « sources autorisées » avaient annoncé aux médias britanniques qu'une intervention militaire occidentale pourrait fort bien être envisagée. Il en avait résulté des rumeurs qui avaient culminé fin juillet dans une déclaration du général Mike Jackson, chef d'état-major général britannique, selon laquelle il était prêt à envoyer 5 000 soldats au Darfour quand il le faudrait.

Ces nouveaux champions des droits de l'homme au Darfour « oubliaient » néanmoins de préciser un détail. Lorsque la guerre y avait éclaté, en février 2003, personne parmi eux n'avait jugé utile de protester contre les exactions du régime soudanais contre la population. Après tout, le Darfour est une contrée africaine bien lointaine que la plupart des responsables politiques occidentaux auraient probablement été bien en peine de situer sur une carte. Pour eux, la guerre du Darfour, dans la mesure où ils en connaissaient l'existence, n'était sans doute qu'une « guerre africaine » de plus, dans un continent qui en avait connu tant depuis la décolonisation. Or jamais les leaders occidentaux ne se sont soucié de ces guerres tant qu'elles n'empêchaient pas les entreprises impérialistes de piller l'Afrique. Et puis, en février 2003, Londres et Washington étaient bien trop occupées à préparer le bombardement des villes irakiennes et l'invasion du pays pour se préoccuper des bombes que le gouvernement soudanais lâchait sur les villages du Darfour !

Mais aujourd'hui, la situation a changé. Comme on pouvait s'y attendre, l'invasion de l'Irak a tourné au bourbier et les prétextes invoqués pour la justifier se sont révélés n'avoir été que des mensonges éhontés. Aux États-Unis comme en Grande-Bretagne, cette situation a fait basculer une partie de l'opinion publique contre la guerre. Dans ces conditions, le Darfour n'offre-t-il pas une occasion idéale pour les gouvernements de Londres et de Washington d'améliorer leur image face à leurs opinions publiques, en prétendant prendre parti pour une population manifestement victime d'un régime répressif ? D'autant que si les pressions diplomatiques permettent d'obtenir un engagement plus ou moins symbolique de la part de Khartoum à s'orienter vers un réglement négocié du conflit, cela pourrait permettre à Bush et à Blair de se targuer d'avoir réussi à éviter la catastrophe.

Cela dit, ni les anathèmes que lancent les dirigeants de Washington et de Londres contre ce qu'ils appellent le « génocide du Darfour », ni les cessez-le-feu répétés et toujours violés et autres « pourparlers de paix » aussi interminables que vains auxquels ils président, n'ont réussi si peu que ce soit à faire reculer la guerre et la famine qui se sont installées au Darfour. Et il y a peu de chances que cela change car les grandes puissances n'ont aucune intention d'aller au-delà de leurs gesticulations actuelles.

D'ailleurs, si les leaders impérialistes voulaient vraiment sortir le Darfour de sa tragédie actuelle, ils pourraient commencer par aider les populations du Darfour et du Soudan à sortir de leur misère chronique, qui est l'un des facteurs alimentant les guerres interminables que connaît la région. Mais, bien entendu, cela signifierait mettre un frein au pillage impérialiste des pays pauvres, et cela, il n'en est pas question.

L'attitude hypocrite des puissances occidentales face à la guerre du Darfour ne peut pas tromper beaucoup de monde. Mais leur hypocrisie est d'autant plus cynique que non seulement elles portent une part de responsabilité dans la guerre civile permanente qui ravage le Soudan, une guerre qu'elles ont attisée en se servant des belligérants pour défendre leurs intérêts impérialistes rivaux dans la région, mais qu'en plus, elles ont également des objectifs peu avouables dans le cadre de la guerre du Darfour, objectifs liés aux circonstances dans laquelle cette guerre a éclaté.

La guerre civile entre le nord et le sud - Une odeur de pétrole

La guerre au Darfour n'est, bien sûr, pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Bien qu'il s'agisse d'un conflit séparé, il trouve ses racines dans la guerre civile qui oppose le Nord et le Sud du pays.

Cette guerre a éclaté en 1955, un an avant l'indépendance formelle du Soudan, et elle n'a pas cessé depuis, en dehors d'une interruption de 11 ans, entre 1972 et 1983. Après la reprise des hostilités, en 1983, le Front islamique national (branche soudanaise des Frères musulmans égyptiens, devenue par la suite le Parti du congrès national ou PCN) réussit à obtenir le soutien de l'armée pour imposer la charia dans le pays. De ce fait, la guerre civile prit la forme d'une confrontation entre un Nord islamique et un Sud majoritairement non-musulman, représenté par des forces « laïques » regroupées au sein de l'Armée populaire de libération du Soudan (APLS).

Sans doute la campagne d'« islamisation » de Khartoum a-t-elle contribué à renforcer le soutien des populations du Sud à l'APLS. Mais la religion n'a jamais été le principal moteur de la guerre civile. Tout au plus a-t-elle servi de levier aux dirigeants des deux camps pour justifier leurs rivalités et essayer d'entraîner derrière eux les populations. Mais les racines de cette guerre sont ailleurs. Elles remontent à l'époque où l'administration coloniale égypto-britannique (le Soudan ayant été « protectorat » d'une Egypte occupée par l'impérialisme anglais) s'était appuyée sur les dirigeants du Nord pour contrôler le Sud. Sur la base de ce contentieux laissé par le colonialisme, la guerre civile a avant tout reflété les tentatives des dirigeants du Sud d'avoir leur part de pouvoir et le refus de la couche dirigeante du Nord de leur céder cette part. Mais cette rivalité pour le pouvoir ne visait pas seulement les petits avantages liés à l'exercice du pouvoir politique. Il s'est agi également - et de plus en plus, avec le passage du temps - de savoir qui de la couche dirigeante du Nord ou de celle du Sud aurait le contrôle des ressources naturelles du pays, et en particulier des vastes réserves de pétrole découvertes à partir des années soixante-dix et situées pour l'essentiel dans le centre et le sud du pays.

Il en résulta une guerre sanglante et interminable dont on estime qu'elle fit quelque deux millions de victimes rien qu'au cours des deux dernières décennies, qui décima des régions entières dans le pays et mit à genoux une économie déjà faible.

Les puissances occidentales ne furent jamais des spectateurs passifs de cette guerre dont elles se servirent pour défendre leurs intérêts. C'est un géant américain, Chevron, qui fut le premier à découvrir du pétrole au Soudan, ce qui mit ce pays sur la carte pour les dirigeants de Washington. Toutefois, ou peut-être précisément à cause de cela, les leaders américains ne trouvèrent rien à redire lorsque, à partir du milieu des années soixante-dix, l'influence des partis religieux sur le régime commença à augmenter, ni lorsqu'ils prirent le pouvoir en 1983 et imposèrent la charia. Après tout, c'était un moyen de faire du Soudan un rempart contre l'influence soviétique dans la région, influence qui était encore bien réelle à l'époque dans l'Éthiopie voisine.

Il fallut une autre décennie avant que les leaders américains, qui s'étaient lancés entre temps dans une politique visant à isoler l'Iran de Khomeiny, décident de durcir le ton envers Khartoum, en mettant le Soudan sur leur liste des « États terroristes » et en interdisant tout investissement américain dans ce pays. A cette époque, Chevron avait déjà revendu ses droits de prospection à d'autres groupes pétroliers. Mais de toute façon, l'instabilité politique du pays interdisait toute perspective de production de pétrole sur une échelle significative avant longtemps.

Dès le début des années quatre-vingt toutefois, les leaders américains avaient commencé à aider l'APLS, dont le leader, John Garang, s'était vu offrir une formation dans les académies militaires américaines. A partir de 1986, lorsque Museveni, l'un des plus fidèles auxiliaires régionaux des États-Unis, prit le pouvoir en Ouganda, ce pays devint la principale base arrière de l'APLS et la source de ses armes, grâce au financement anglo-américain. Mais à cette époque, il semble que les États-Unis n'avaient pas encore rompu leurs relations déjà anciennes avec la hiérarchie militaire soudanaise et ce ne fut qu'au début des années quatre-vingt-dix qu'ils décidèrent de soutenir complètement l'APLS contre le régime de Khartoum.

Les dictateurs islamistes de Khartoum, quant à eux, reçurent le soutien d'autres pays, et pas seulement de l'Iran, de la Chine et de quelques émirats du Golfe, mais également de la France. En fait, cette guerre civile s'intégrait dans le cadre de la rivalité permanente qui opposait en Afrique les impérialismes anglo-saxons, d'une part, et l'impérialisme français, de l'autre. Situé à l'interface entre les deux zones d'influence, le Soudan fut pris dans cette rivalité, tout comme la région des Grands lacs (où l'État français choisit de soutenir le génocide perpétré par le dictateur rwandais pour ne pas perdre un laquais régional) ou plus récemment l'ex- Congo-Zaïre (où le nouveau régime rwandais et le régime ougandais, forts du soutien du bloc anglo-américain, ont pu se livrer aux pires atrocités contre la population congolaise et déstabiliser le pays).

Sous l'administration Clinton, les dirigeants américains adoptèrent une position dure vis-à-vis de Khartoum, bombardant en particulier une usine pharmaceutique soudanaise, en 1998, sous prétexte qu'y auraient été fabriquées des armes chimiques destinées aux terroristes islamistes. En revanche, l'administration Bush adopta une politique plus conciliante. La rhétorique resta identique, mais les sanctions économiques contre le Soudan furent en partie levées, faisant ainsi droit aux revendications des compagnies américaines qui voulaient leur part du gâteau pétrolier soudanais. En échange, Bush obtint le soutien de Khartoum à sa « guerre contre le terrorisme ». En même temps, Bush fit adopter au Congrès américain le Sudan Peace Act (loi sur la paix au Soudan), qui consacra la mainmise de la diplomatie américaine sur les négociations entre Khartoum et l'APLS. Pour inciter Khartoum à se montrer plus compréhensif, cette loi prévoyait 100 millions de dollars par an d'aide pour le Soudan, sous réserve qu'une commission idoine du Congrès constate des « progrès » dans les négociations.

Finalement, après des douzaines d'accords avortés, un nouvel accord de paix a été signé à Navaisha, au Kenya, en janvier 2004. Cet accord prévoyait une période de transition de six ans pendant laquelle le Sud aurait son propre gouvernement autonome, dirigé par l'APLS, tandis que des institutions fédérales soudanaises seraient mises en place, y compris une armée unifiée. Khartoum acceptait que la charia ne s'applique pas au Sud et, en retour, l'APLS abandonnait sa vieille revendication en faveur d'un Soudan laïc. Surtout, l'accord prévoyait que le revenu de l'exploitation des ressources naturelles du pays devrait être partagé également entre le Sud et le Nord. Finalement, après la période de transition de six ans, un référendum serait organisé dans le Sud pour permettre à la population de choisir entre l'appartenance à une fédération soudanaise et l' indépendance.

Il n'est pas certain que cet accord mette un terme à la guerre. Tout ce qu'on peut dire aujourd'hui est qu'il n'a pas empêché les accrochages occasionnels entre forces du gouvernement et APLS, malgré la présence d'un contingent de « maintien de la paix » des pays africains. Quoi qu'il en soit, toutes les dispositions de l'accord de Navaisha restent encore à passer dans la pratique, ce qui laisse bien des opportunités de conflit pour l'avenir.

Le Darfour pris entre deux feux

Le Darfour (le pays des Fours, nom de l'un de ses groupes ethniques les plus importants) est situé à l'ouest et au nord-ouest du Soudan, principalement le long de la frontière avec le Tchad et avec le Centrafrique. Bien que sa surface corresponde à peu près à celle de la France, il ne couvre qu'à peine un cinquième du Soudan, et une grande partie de son territoire est désertique ou semi-désertique. Surtout, c'est la région la plus pauvre du Soudan. Elle manque des infrastructures les plus élémentaires, notamment en matière de routes et de transport.

En raison de sa situation excentrée et de sa pauvreté, pendant longtemps le Darfour fut assez peu touché par la guerre civile qui se déroulait principalement dans les parties plus riches du centre et du sud et près des zones supposées renfermer des champs pétrolifères - il n'y a qu'une seule poche pétrolière connue au Darfour, qui se trouve dans le sud.

Quant au régime soudanais, il ne s'intéressa jamais de trop près au Darfour, trop pauvre et trop arriéré pour aider à remplir les caisses du pouvoir central. En l'absence d'opposition politique locale visible, la domination du régime sur la province fut moins pesante que dans les autres régions du pays. L'« islamisation » n'y fut jamais vraiment appliquée. Et bien que la population ait été de tradition musulmane, elle conserva ses traditions sans se plier aux interdits en vigueur à Khartoum. C'est ainsi qu'elle continua à boire de l'alcool, sous la forme d'une bière traditionnelle locale, et les femmes continuèrent à y jouir d'un statut social moins opprimé. En bref, le Darfour conserva une relative autonomie vis-à-vis de la démagogie intégriste des politiciens de Khartoum - tout au moins jusqu'en 2001, lorsque face à un mécontentement croissant s'exprimant dans la région, le régime commença à durcir sa position à son égard.

L'une des sources de ce mécontentement provenait du fait que, comme tous les Soudanais non considérés comme « arabes » - c'est-à-dire non originaires des abords immédiats de la vallée du Nil - les Darfouriens étaient victimes de discriminations dans les villes de l'est, et ceci bien que bénéficiant en théorie d'un statut de citoyens à part entière aux termes de la charia, puisque musulmans. Leurs chances de faire carrière dans les hautes sphères de l'État étaient ainsi pratiquement nulles. S'ils étaient très nombreux dans l'armée, celle-ci ne comptait aucun officier originaire du Darfour, alors que la moitié des effectifs entre le seconde classe et le grade de sous-officier en venait.

Face à cette discrimination, les membres de la petite couche dirigeante du Darfour qui allaient faire carrière à Khartoum se retrouvaient devant un choix difficile : ou bien ils ralliaient les rangs du PCN intégriste pour bénéficier de son réseau de clientélisme (ce que beaucoup firent) ou bien ils rejoignaient l'opposition clandestine - au Soudan, mais plus souvent en exil - dans l'espoir qu'un changement de régime leur offre de meilleures opportunités un jour. La discrimination attisait parmi ces hommes un mécontentement larvé qui ne pouvait que conduire à l'émergence d'une opposition au Darfour.

Ce qui permit à cette opposition d'apparaître au grand jour, ce fut la manière dont le Darfour se trouva impliqué dans deux guerres régionales.

L'une de ces guerres fut la guerre civile au Tchad, où plusieurs seigneurs de la guerre s'affrontaient. L'un d'eux, Idriss Deby, l'actuel président du Tchad et l'un des alliés les plus fidèles de la France dans la région, appartenait à un groupe ethnique qui avait été coupé en deux par le tracé arbitraire de la frontière entre le Tchad et le Darfour. Cela permit à Deby d'utiliser le Darfour comme base arrière et comme vivier de recrutement pour ses troupes. Et ce fut du Darfour qu'il lança l'offensive qui devait l'amener au pouvoir en 1990. Beaucoup de ressortissants du Darfour qui furent impliqués dans ces opérations militaires passèrent la frontière du Tchad avec Deby. Mais ils finirent par rentrer au pays avec des ambitions accrues et l'idée que peut-être la seule façon de changer les choses au Darfour était finalement le recours à la rébellion armée.

L'autre guerre dans laquelle le Darfour se trouva impliqué fut la guerre de Khartoum contre le Sud. Le Darfour s'y trouva impliqué parce qu'au cours des années quatre-vingt-dix, le régime de Khartoum décida d'armer certains groupes ethniques pour les utiliser comme supplétifs de l'armée officielle contre l'APLS. Seulement, comme le régime voulait avant tout des auxiliaires bon marché, il les récompensait parfois en les autorisant à s'emparer des terres de paysans morts, sans se soucier de leurs familles. Sinon, ces supplétifs utilisaient tout simplement leurs armes pour se payer sur la population des régions où ils opéraient. Et, tout naturellement, c'est ce qu'ils continuèrent à faire lorsqu'ils revinrent au Darfour.

Certains commentateurs affirment aujourd'hui, comme ils le font si souvent lorsqu'il s'agit de guerres africaines, que le conflit du Darfour est un conflit ethnique entre des éleveurs nomades « arabes » - qui constituent les milices « janjawids », responsables de nombre des massacres récents - et des fermiers sédentaires « africains ». Mais ,au cours du siècle dernier, les distinctions entre groupes ethniques d'une part, et entre éleveurs nomades et paysans sédentaires d'autre part, ont été de plus en plus gommées par les mariages mixtes et l'interdépendance économique croissante des uns et des autres. L'antagonisme a été ressuscité et attisé par la politique du gouvernement de Khartoum contre la rébellion au Darfour même.

La rébellion du Darfour, excroissance du « processus de paix »

Cette rébellion, quand elle a éclaté en février 2003, se composait de deux protagonistes principaux.

L'Armée Soudanaise de Libération (ASL) était un regroupement laïc dirigé par des hommes du Darfour appartenant à différents groupes ethniques. Ses quelque 10 000 combattants estimés furent recrutés parmi les milices d'autodéfense rurales mises en place pour s'opposer aux raids des « janjawids ». Il faut noter que l'ASL comptait dans ses rangs plusieurs compagnons d'armes d'Idriss Deby en 1990, et notamment l'un des officiers les plus gradés de son armée à l'époque, Abdallah Abakkar. D'ailleurs les équipements dont disposait l'ASL, y compris son armement, bien plus sophistiqué que celui des janjawids (voire de la police soudanaise), avaient été introduits par la frontière tchadienne, certainement avec la complicité de personnages haut placés dans l'appareil d'État tchadien, bien que pas nécessairement avec l'accord du régime. En effet, en mai dernier, une faction de l'armée tchadienne tenta de renverser Idriss Deby mais échoua. L'une des principales revendications des putschistes était que le Tchad envoie des troupes soutenir l'ASL au Darfour, contrairement à Deby qui, fidèle à la politique dictée par Paris, se contentait de servir d'intermédiaire entre Khartoum et les groupes rebelles du Darfour.

Le second groupe, plus petit, appelé Mouvement pour la Justice et l'Egalité (MJE), était dirigé par un ancien responsable du PCN intégriste, qui avait occupé des postes ministériels dans plusieurs provinces, y compris au Darfour. D'ailleurs les principaux dirigeants du MJE étaient d'anciens membres du PCN tombés en disgrâce, et le MJE lui-même était généralement considéré comme une couverture utilisée par Hassan al-Turabi, leader historique du PCN évincé en 1999 par le général al-Bashir, actuel président du Soudan. Politiquement, leurs références restaient celles du PCN.

Malgré un langage et des traditions assez différents, les deux groupes partageaient le même « programme » qui pouvait être résumé ainsi : la région du Darfour a été trop longtemps « marginalisée » et doit obtenir les mêmes droits dans un Soudan fédéral que ceux reconnus au Sud contrôlé par l'APLS, y compris une part équitable des revenus du pétrole et ses propres institutions autonomes.

Voilà donc les véritables enjeux de cette guerre : la volonté des leaders du Darfour et d'une frange dissidente du PCN islamiste d'être acceptés sur un pied d'égalité avec le régime islamiste et l'APLS dans une nouvelle série de négociations élargies sur l'avenir du Soudan.

Mais la responsabilité de la catastrophe humanitaire actuelle est aussi à rechercher parmi les dirigeants impérialistes qui ont entrepris de modeler le Soudan en fonction des besoins de leur ordre mondial - et de l'intérêt que portent leurs compagnies pétrolières aux réserves du pays. Le « processus de paix » lancé sous l'égide de l'impérialisme américain (avec le soutien total de la Grande-Bretagne), qui a conduit à l'accord de Navaisha, n'a jamais eu pour but de protéger les intérêts des populations. Son but n'a jamais été que d'imposer un compromis aux factions belligérantes afin que le pillage « ordinaire » du pays par les entreprises des puissances impérialistes puisse reprendre son cours - les ennemis « réconciliés » coopérant désormais pour soumettre la population en échange de quelques miettes prises sur les revenus pétroliers. Que les dirigeants américains l'aient prévue ou pas, cette politique s'est révélée à double tranchant. Car elle ne pouvait qu'encourager à la rébellion tous les aventuriers capables de se constituer une base suffisante pour prétendre à une place à la table des négociations, afin d'y échanger une part du gâteau pétrolier contre leur capacité à maintenir l'ordre. Et c'est exactement ce qui s'est passé au Darfour.

Les leaders occidentaux peuvent bien répandre des larmes de crocodile sur la misère du Darfour, leurs mains sont autant couvertes de sang que celles des dictateurs de Khartoum.

8 novembre 2004
Nadia
 
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Inscription : 19 Nov 2003, 17:08

Message par mael.monnier » 28 Jan 2005, 17:01

Sur Afrik.com, un article qui date un peu mais qui est intéressant :
a écrit :« Le conflit du Darfour n’est pas racial »
Marc Lavergne, spécialiste du Soudan au CNRS, revient sur les origines du conflit

vendredi 16 juillet 2004, par Saïd Aït-Hatrit

Le conflit dans le Darfour n’est pas un conflit racial entre milices « arabes » et tribus « africaines ». Mais un conflit entre des tribus arabisées, que le mode de vie a toujours tantôt rapprochées, tantôt opposées, et dont certaines sont aujourd’hui instrumentalisées par Khartoum. Marc Lavergne, chercheur au CNRS et spécialiste du Soudan, l’affirme. L’ancien directeur du Centre d’études et de documentation de l’université de Khartoum revient pour Afrik sur la crise qui secoue le Darfour.

Que se passe-t-il au Darfour ? Assiste-t-on à un conflit entre tribus arabes et noires africaines ? Fait-on face à un génocide, comme l’ont laissé entendre des diplomates onusiens, ou à un nettoyage ethnique, comme l’affirme le Congrès américain ? Qui sont ces milices Janjawid ? Celles qui ont poussé à l’exil plus d’un million d’habitants de la province du Darfour, avec le soutien du gouvernement de Khartoum, en y kidnappant, violant et tuant en toute impunité. Marc Lavergne, chercheur au CNRS, spécialiste du Soudan, a également été directeur de 1982 à 1988, du Centre d’Etudes et de Documentation Universitaire, Scientifique et Technique (Cedust) de l’Université de Khartoum. De ses nombreux aller-retours et de ses années passées au Soudan, il a acquis la certitude que le problème majeur de ce pays vient des gouvernements médiocres qui se sont succédés depuis l’Indépendance. Ceux là même qui ont ignoré les provinces périphériques de la capitale, dont le Darfour, et qui instrumentalisent aujourd’hui des miliciens à des fins économiques. Il livre ici ses convictions sur les causes et la nature de la guerre dans le Darfour, ainsi que sur l’attitude de la communauté internationale.

Afrik : Est-il juste de parler d’« Arabes » et d’ « Africains » dans le conflit du Darfour ?
Marc Lavergne :
Cette notion d’« Arabe » est culturelle, elle n’a rien de raciale. Les milices peuvent être qualifiées d’arabes parce qu’elles ont été arabisées. Elles l’ont été depuis plus longtemps que les tribus Massalits, Arawas... que l’on dit « africaines », mais ces dernières l’ont également été. Même si certaines continuent à pratiquer des parlers africains, elles utilisent toutes l’arabe. Quand à la religion, toutes sont musulmanes. Le problème est plutôt celui du mode de vie. Avec des nomades, pasteurs, et des sédentaires, agriculteurs. Une distinction qui est réelle, mais qui n’est pas « étanche ». Des tribus pastorales peuvent ainsi avoir été sédentaires par le passé. De la même façon, des nomades ont pu se sédentariser et redevenir nomades... Les tribus qui dominent la rébellion, les Arawas, les Massalits... sont ainsi d’anciens nomades. Et ils sont aujourd’hui très bien implantés dans le commerce soudanais.

Afrik : Qui sont alors ces milices Janjawid et que désigne ce terme ?
Marc Lavergne :
Ce terme est purement fonctionnel. Janjawid signifie quelque chose comme « les cavaliers du diable, armés de kalachnikovs ». Pour moi, tout le monde est noir dans cette histoire. La notion de racisme n’a pas sa place. Les milices tribales Janjawid sont des mercenaires qui ne se revendiquent pas du tout « arabes ». Ils ne sont pas le vrai problème. En exagérant, on pourrait dire que ce sont là des pauvres qui se battent contre des pauvres.

Afrik : Depuis quand parle-t-on d’elles ?
Marc Lavergne :
Elles se sont formées il y a une quinzaine d’années, mais elles n’intéressaient pas du tout la communauté internationale. Car les gens opprimés ne se révoltaient pas. Des massacres se déroulaient pourtant déjà. Mais les victimes n’avaient que leurs yeux pour pleurer. J’étais au Darfour, lors de la famine de 1985. C’était quelque chose d’absolument effrayant. Mais ce n’est que lorsque ces populations opprimées se sont défendues et ont formé une rébellion que l’Onu et la communauté internationale ont commencé à ouvrir les yeux.

Afrik : Comment les deux groupes ont coexisté, traditionnellement ?
Marc Lavergne :
Le dominante est la cohabitation. C’est le mode de vie de base. Car il y a un lien de complémentarité entre les deux communautés. Les uns ont besoin des autres. Lors d’attaques menées par les forces gouvernementales contre les Noubas, le gouvernement a déjà empêché les nomades, par le passé, d’apporter des biens de consommation, tel le sel ou le savon, aux populations retranchées... Les nomades ont pourtant pris des risques pour les rejoindre et leur amener de quoi manger.

Afrik : Qu’est ce qui a changé aujourd’hui ?
Marc Lavergne :
Les miliciens sont tout simplement des gens prolétarisés. Ils se retrouvent sans travail, le gouvernement les arme et leur dit « vous pouvez faire ce que vous voulez, voler, piller... » Un problème important que personne n’évoque est qu’ils ne sont plus soumis au contrôle des Anciens. Les nomades et les sédentaires se sont toujours battus, notamment lors de périodes de famines... Ils se battaient à coups de lances et d’épées, il y avait des morts... mais les tribus finissaient pas se réunir, par discuter et sceller des mariages, par exemple, afin d’établir des lignages entre elles et faire la paix pour une dizaine d’années. Aujourd’hui, ce mode de régulation ne fonctionne plus du tout. En réalité, c’est un phénomène que l’on retrouve dans de nombreux pays en Afrique. Les nouvelles générations ont des armes automatiques et n’estiment plus avoir de comptes à rendre. C’est le choix du gouvernement de Khartoum, depuis 1985, d’armer ces nomades pour s’en servir comme d’une force partisane. Car l’armée coûte cher. Etre militaire est un métier, il ne s’agit pas de tuer tout le monde... Alors, le gouvernement se repose sur ces milices tribales. Depuis une dizaine d’années, après chaque famine, on assiste à une exacerbation des tensions entre nomades et sédentaires et, à chaque fois, le gouvernement prend parti pour les nomades. De plus, on assiste à la désertification, au Nord du Darfour, qui pousse les nomades à rechercher des terres plus au sud.

Afrik : Comment se déroulent les attaques ?
Marc Lavergne :
Ce sont surtout des villages qui sont attaqués. En général, les milices attaquent la nuit, mettent le feu aux cases, faites de paille. Les gens sortent alors en catastrophe, à moitié dévêtus et sont tués, violés, kidnappés... Ce qui m’inquiète le plus, c’est que ces attaques n’ont plus rien à voir avec les razzias traditionnelles, car les Janjawid mettent le feu aux champs et tuent le cheptel. Ce qui signifient qu’ils ne sont absolument pas là pour les vivres.

Afrik : Pourquoi cherche-t-on à déplacer les agriculteurs sédentaires ?
Marc Lavergne :
Pour moi, la guerre au Soudan est une guerre coloniale menée par Khartoum. Une guerre d’exploitation économique. Le Sud est riche de pétrole et les richesses agricoles sont nombreuses dans le pays, longtemps considéré comme le grenier du monde arabe. Les grandes compagnies agro-industrielles du Golfe, saoudiennes, émiraties... pourraient être tentées d’investir dans ces terres, que l’on trouve également dans la province du Darfour. Depuis les années 1940-50, l’agriculture s’est développée au Soudan sur le mode capitaliste. Des dizaines de milliers d’hectares peuvent ainsi être possédées d’un seul tenant. Le général Nemeiri a octroyé nombre de ces surfaces agricoles aux compagnies arabes du Golfe, dans les années 1960. Cette dimension économique est très importante dans le conflit du Darfour, et au Soudan en général.

Afrik : Le motif principal de la rébellion du Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE) et du Mouvement pour la liberté du Soudan (MLS) est que la région du Darfour a de tout temps été négligée...
Marc Lavergne :
Les gouvernements qui se sont succédés au Soudan n’ont jamais cherché à développer le Darfour, à y créer des emplois, construire des routes. Pas plus que les empires coloniaux. C’est à peine si l’Allemagne y a posé 40 km de bitume. La province du Darfour est négligée, comme toutes les provinces périphériques de Khartoum. Les gouvernants se sont ainsi aliénés une population qui n’était pas contre eux à l’origine. Il leur aurait pourtant été facile de développer le pays, s’ils l’avaient voulu.

Afrik : La communauté internationale hésite à nommer ce qui se passe dans le Darfour... génocide, nettoyage ethnique, massacres...
Marc Lavergne :
Il n’y a aucun sentiment humain dans tout cela. Les Janjawid attaquent les tribus sédentarisées pour les faire fuir de leurs terres, afin que les barrons du régime ou les nomades, eux-mêmes, viennent y cultiver. S’il est question de chiffres, alors oui, on peut parler de génocide. Je pense qu’environ 30 000 personnes sont mortes à ce jour. Mais un million de personnes se retrouvent sans foyer, avec la saison des pluies qui va commencer et donc une grande difficulté pour leur venir en aide. Par contre, s’il est question d’une sorte de racisme, d’une volonté d’éliminer un peuple, je ne crois pas que les janjawid désirent éliminer les tribus sédentaires, leurs voisins, leurs cousins.

Afrik : Que pensez vous du rôle joué par la communauté internationale ?
Marc Lavergne :
C’est tout à fait insuffisant et hypocrite. Notamment de la part de la France, dont les gouvernements successifs ont toujours soutenu Khartoum. En sachant pertinemment que c’est un régime dictatorial. Mais ils estiment qu’il est stabilisateur pour la région. L’ambassadeur de France lui-même expliquait récemment qu’il n’y avait pas de problème au Darfour. D’autre part, je trouve à la limite scandaleux que les diplomates internationaux se succèdent à Khartoum pour demander au Président de venir au secours des déplacés et réfugiés. Comme si le problème était humanitaire. C’est choquant de les voir serrer la main de Omar el Béchir, alors qu’il faudrait qu’il quitte le pouvoir avec son régime. Car le pays n’a aucun problème de richesses, le problème vient de ses dirigeants. La communauté internationale, dans son ensemble, est aussi désintéressée. Parcequ’il n’y a pas d’intérêt stratégique au Darfour. Et parce que cela risque de déstabiliser le Tchad voisin et, du coup, toute la sous-région. Ils n’ont pas besoin de cela, ils ont d’autres soucis. On pourrait dire que le conflit du Darfour embête tout le monde et qu’ils attendent que les gens meurent, le plus vite possible.

-Visiter le site de Marc Lavergne

(Source : http://www.afrik.com/article7464.html)
mael.monnier
 
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