la Turquie dans l'Europe

Dans le monde...

Message par Terouga » 17 Mai 2004, 13:05

La TURQUIE dans l'EUROPE

Au bénéfice de qui ?

I) Dissiper les fantasmes

Il n'existe aucun élément sérieux qui s'oppose à l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne. Les raisons invoquées par les politiciens soucieux de radicalité de façade ne tiennent guère. On oppose aux Turcs leur islamité... Rappelons que l'Etat turc est depuis longtemps acquis à la modernité politique. Si l'Islam est enseigné dans les écoles publiques l'Etat est très rigoureux vis-à-vis des militants réactionnaires. Le Mustapha Kemal des années 20-30 est comparable à Mussolini (la guerre en moins), ce fut une sorte de dictateur "éclairé" soucieux d'unifier et moderniser au pas de charge un pays agricole aux structures sociales à peine post-féodales. Une entrée de la Turquie "musulmane" ne donnerait pas plus de poids aux religieux que les agissements des élus démocrates-chrétiens au Parlement européen...
Plus suspect encore, on reproche aux Turcs leur "pauvreté". A mots couverts on ne souhaite aucunement l'arrivée de nouveaux "bronzés" plus ou moins désargentés. Cet argument aussi est fallacieux. Si les différences de revenus persistent dans l'Union, elles n'entraînent pas d'exodes de populations "pauvres" vers des régions "riches". Point d'Irlandais en Angleterre, pas de Grecs en Italie...
Pour finir l'argument géographique est une pure fumisterie : les frontières artificielles entre l'Europe et l'Asie ne font pas de la Turquie un pays extra-européen, pas plus en tout cas que les îles méditerranéennes "africaines", la Russie "asiatique" ou la Guyane "sud-américaine", etc.
Plus encore l'histoire attache la Turquie à l'Europe : occupation de l'Europe du sud-est à l'époque moderne, fascination de l'Occident dans les palais de La Porte et aujourd'hui immigrés turcs présents en Europe depuis des décennies. Or ces immigrés s'intègrent au même rythme que les autres, c'est à dire lentement vu la conjoncture.
Pas plus que la Russie ou les Balkans la Turquie est intrinsèquement étrangère à l'Europe. Il serait dommage de tomber dans l'amalgame Islam égale pauvreté égale violence.


II) Dissoudre la Turquie dans le chaudron de l'Europe fédérale

Le seul problème est qu'il ne s'agit pas de rejoindre l'Europe en tant que telle, ni même un modèle progressiste. Hors de question de créer une nouvelle nation... L'Europe en gestation n'est ni un empire égalitaire comme l'URSS, ni une union de citoyens égaux.
Il ne s'agit que d'une zone de "libre-échange" c'est à dire un espace où les lois des Etats associés s'effacent devant les rapports de force économiques. Point d'Etat impérial en Europe, non, mais des entreprises capitalistes géantes qui, dans le cadre de l'Europe et de ses règlements, négocient le contournement des lois sociales, la mise en sommeil du code de travail, etc.
L'idéologie sous-jacente de l'Europe est intrinsèquement libérale. Si cela va permettre de mettre aux pas les tortionnaires des prisons turques, cela va aussi permettre de cesser toute planification dans le développement du pays. M. Kemal était ouvertement nationaliste et souverainiste, il n'aurait jamais approuvé une adhésion de la Turquie dans un ensemble vague dont la seule mission est de paralyser la gestion des pays pour laisser libre court aux forces du Marché.
La Turquie actuelle est certes sur la pente de l'occidentalisation générale des meours, mais elle est aussi attachée au cadre national où Kemal a agit depuis les années 20. Cela explique la triste répression des Kurdes, la mémoire interdite du génocide arménien ou encore la surveillance générale des mouvements d'extrême-gauche. Reste que si cette politique doit évoluer pour que les citoyens turcs puissent s'exprimer librement, il n'est pas pensable que "l'Europe des régions" soit une solution.
Car il est là le "modèle" européen. Il n'est pas dans une extension des droits sociaux et politiques, mais bien dans la promotion d'une autre gestion des Etats nationaux. Si cela correspond à des pays superficiellement unifiés comme l'Allemagne ou l'Espagne, cela ne saurait être une solution pour la France et la Turquie, Etats-Nation récents très attachés à leur unité et à leur indivisibilité.
Amarrer la Turquie au "marché européen" serait une aubaine pour les capitalistes turcs et européens, mais cela signifierait aussi un éclatement possible de la Turquie. Comme aujourd'hui la France est grignotée de l'intérieur par des minorités qui usent et abusent de l'Europe pour faire leur miel discriminatoire (mafieux corses, autonomistes, islamistes médiatiques, groupes gay, écologistes sectaires...).
Soyons précis l'abolition de la peine de mort et la dépénalisation de l'homosexualité sont des mesures positives, mais c'est bien maigre pour constituer une plate-forme progressiste. Le monde du travail est le grand absent de l'Europe. La Confédération Européenne des Syndicats est un conglomérat pitoyable d'organisations modérées et stipendiées par le capitalisme international. Le fait que N. Notat préside cette engeance achève de décrédibiliser la CES. Les travailleurs d'Europe ont-ils quelque chose à attendre de l'Union Européenne ? L'effacement des frontières ne va faire qu'exacerber la concurrence entre les salariés, encourageant ainsi le racisme.

Intégrer la Turquie a l'Europe ne serait donc pas une bonne chose pour la Turquie elle-même : écartelée entre des confins sous-développés et une côté polarisée par les capitaux occidentaux, la société turque serait encore plus sous tension qu'actuellement. Comme la xénophobie rampante du FN en France la société turque serait sans doute traversée par des courants réactionnaires qui exprimeraient le malaise des déçus de l'Europe alors même que les élections perdraient encore davantage leur caractère démocratique car quand un Etat abandonne sa souveraineté économique, politique et monétaire à des commissaires lointains et non élus, quel sens a le vote ?


III) Que disent les peuples ?

Les Français (et sans doute les autres européens) sont très hostiles à l'éventualité de l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne. Les sondages sont sans équivoques : au bas mot 75 % des sondés se déclarent plus ou moins hostiles à cette éventualité. Derrière ce "score" se cache un certain racisme où le Turc est assimilé à l'Arabe, l'Arabe au jeune con de banlieue et ce dernier à la délinquance. Tout ceci n'est ni très logique ni très intéressant. Reste que derrière cette opposition se cache aussi une certaine islamophobie qui déborde des postes de télé où, effectivement, quelques filles voilées sont des paysannes anatoliennes aux familles fort peu kémalistes... Intégrer la Turquie est-il donc la meilleure façon de lutter contre ces préjugés ?
Reste que pour dépasser les 2/3 d'opposants, il faut autre chose.
A dire vrai l'Europe ne satisfait personne. Depuis l'adoption très fragile du traité de Maastricth en 92 les Français ont l'impression que l'Europe sert de paravent à l'aggravation de leur niveau de vie. Bien des gens associent, non sans raisons, le chômage de masse à l'Europe des délocalisations ou à la désindustrialisation du territoire. De même "l'Europe des régions" est suspecte car elle mène tranquillement à la liquidation des services publics, mal considérés par l'opinion, mais jugés néanmoins indispensables par cette même opinion.
Plus ou moins confusément les masses comprennent que "plus d'Europe" c'est plus de libéralisme et donc moins d'égalité pour plus de problèmes. Le libre-échange accentue la concurrence économique, mais aussi exacerbe la concurrence sociale, d'où l'impression confuse et réelle que l'Europe élargie à 25 c'est avant tout les trafics de femmes, de drogues et d'armes...
L'opposition à l'Europe donne donc quelques biscuits électoraux à des Pasqua, Villiers, Le Pen sans que cela ne change grand chose. L'Europe, au mieux on s'en fout, au pire on la rejette. L'anarque de l'euro finissant de discréditer l'ensemble.

La question turque est donc une première limite à l'Europe. Non en elle-même, mais parce qu'elle pose la question de la nature de la construction en question. Mais aussi parce qu'elle cristallise un ras-le-bol populaire d'une organisation imposée par le haut contre les nations, contre les luttes sociales, contre les sociétés.

L'entrée future de la Turquie est donc une évidence pour les capitalistes de là-bas et d'ailleurs, mais rien ne dit que les peuples ne vont pas clairement dire NON, comme les Chypriotes grecs qui ont clairement rejeté la réunification avec leurs cousins turcs. Xénophobie ? Malheureusement oui. Souveraineté ? Aussi. On retrouve ces motivations en Suisse ou même en Norvège.
Aux progressistes d'Europe de proposer autre chose qu'une usine à gaz capitaliste qui appauvrit les masses et ouvre les portes du racisme anti-pauvre.
Terouga
 
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Message par Pascal » 17 Mai 2004, 13:12

(Terouga @ lundi 17 mai 2004 à 14:05 a écrit : Le Mustapha Kemal des années 20-30 est comparable à Mussolini (la guerre en moins), ce fut une sorte de dictateur "éclairé" soucieux d'unifier et moderniser au pas de charge un pays agricole aux structures sociales à peine post-féodales.
Voilà une belle connerie, et dès la première ligne !!!

Mussolini un "dictateur éclairé" !!???!!! :headonwall: :headonwall:

Avant d'écrire, il faut réfléchir !
Pascal
 
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Message par Nadia » 17 Mai 2004, 13:53

(Terouga @ lundi 17 mai 2004 à 14:05 a écrit : L'entrée future de la Turquie est donc une évidence pour les capitalistes de là-bas et d'ailleurs, mais rien ne dit que les peuples ne vont pas clairement dire NON, comme les Chypriotes grecs qui ont clairement rejeté la réunification avec leurs cousins turcs. Xénophobie ? Malheureusement oui. Souveraineté ? Aussi. On retrouve ces motivations en Suisse ou même en Norvège.
Des imprécisions de ci de là, on généralise et on extrapole sa propre opinion sur l'ensemble de la population, et hop, on dit un peu n'importe quoi, pourvu que ce soit dans le sens choisi ! :-P

En rapide résumé : "je ne suis pas raciste, mais je suis ("tous sont") contre l'entrée de la Turquie dans l'Europe."

Très habile, en effet ! =D>
Nadia
 
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Message par Péricles » 17 Mai 2004, 13:53

a écrit :Mussolini un "dictateur éclairé" !!???!!!

Je pense qu'il parlait de Kemal

En revanche:
a écrit :L'Europe en gestation n'est ni un empire égalitaire comme l'URSS


:247:
Péricles
 
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Message par Terouga » 17 Mai 2004, 15:31

J'ai mis des guillemets à éclairé car Mussolini se présentait lui-même comme un moderniste. Souvenez-vous des "futuristes", artistes eux aussi auto-proclamés "modernes" qui soutinrent le fascisme.

Le despotisme éclairé en général est une tentative de modernisation du féodalisme.
Terouga
 
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Message par Terouga » 17 Mai 2004, 15:33

L'URSS se voulait égalitaire et difusait certains éléments d'égalité. C'est pourquoi ce furent les républiques "riches" qui sabotèrent l'Union et non les plus "pauvres".
Terouga
 
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Message par Nadia » 17 Mai 2004, 16:11

(Terouga @ lundi 17 mai 2004 à 16:31 a écrit : J'ai mis des guillemets à éclairé car Mussolini se présentait lui-même comme un moderniste. Souvenez-vous des "futuristes", artistes eux aussi auto-proclamés "modernes" qui soutinrent le fascisme.

Le despotisme éclairé en général est une tentative de modernisation du féodalisme.
Désolée, je ne connais aucun "artiste futuriste autoproclamé moderne qui ait soutenu le fascisme". par contre je connais (par les livres, les musées) des artistes "futuristes" ou "modernes" qui n'ont pas soutenu de fascisme (à part Dali avec Franco).

La Turquie kémalisme était un régime "féodal moderne" ? :blink: Kézako ?
Nadia
 
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Message par titi » 17 Mai 2004, 16:27

ouarf, merci terrouga, j'ai bien ris de tes approximations concernant l'histoire de la turquie sous atatürk

tu me rappelles ce crétin de ruquier samedi à l'eurovision de la chanson qui mélangeait la turquie avec les pays arabes, ou sa collègue au moins aussi marrante qui parlait "du sultan mehmet II, me demandez pas qui c'était"
titi
 
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Message par Terouga » 17 Mai 2004, 17:39

Marinetti ! Dès les années 20 il est nationaliste puis ouvertement fasciste... :(

En tant que militants on doit analyser la durabilité de ce type de régime, relisez Léon (le caractère petit-bourgeois des partis fascistes par ex, mentalité spécifique, etc.)
Terouga
 
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