
Théologos Psaradellis - Théo pour les amis - est derrière les barreaux.
Résistant contre la dictature des colonels, ancien militant de l'Organisation des
communistes internationalistes de Grèce (OKDE), section grecque de la IVe
Internationale, il a été arrêté cet été dans le cadre de l'offensive des services de
sécurité grecs contre le groupuscule dit 17 Novembre.
Dans les années 1970, le groupe 17 Novembre (17N) prenaient pour cibles des
tortionnaires et des agents de la CIA proches de la dictature militaire, ce qui lui
avait valu une popularité certaine, due au sentiment d'injustice face à l'impunité
des bourreaux. Evoluant vers un "marxisme-léninisme" sectaire et chauvin, le 17N
s'est mis ensuite à pratiquer l'assassinat politique là où d'autres organiseraient
une grève. Le groupe s'isole et se sectarise, comme le suggère la démoralisation
de plusieurs de ses militants qui, à peine arrêtés, se sont mis à se dénoncer
mutuellement. Psaradellis nie toute participation au 17N, dont il ne partageait ni
l'idéologie nationaliste, ni les méthodes : les assassinats politiques de députés,
d'industriels, de journalistes de droite, de diplomates turcs...
Il reconnaît, en revanche, avoir participé en 1986 au hold-up d'une banque qui n'a
fait ni mort ni blessé. Ce hold-up est aujourd'hui attribué au 17N par la police.
Théo explique avoir été entraîné dans cette action par un militant, mort depuis
dans un accident de voiture, dans le but de financer la publication des oeuvres de
Pandelis Pouliopolos, le fondateur du trotskysme grec. "Mon idéologie, a-t-il
déclaré dans sa déposition, ne m'interdit pas les expropriations de banques, mais
elle condamne, politiquement et moralement, les assassinats d'adversaires
politiques."
Un militant
Ceux et celles qui connaissent Théo et ont milité à ses côtés reconnaîtront dans
ce mélange de crédulité et d'honnêteté politique ce lithographe courageux qui,
comme d'autres ouvriers grecs de sa génération et de sa tradition politiques
vouait une véritable vénération à la culture en général et à l'héritage politique du
marxisme révolutionnaire en particulier. Une vénération d'autant plus grande qu'il
avait dû arrêter ses études à l'école primaire. Homme d'action plutôt qu'idéologue,
il fut un combattant exemplaire contre la dictature des colonels (1967-1974), ce qui
lui valut un "diplôme" trônant dans sa cuisine !
Arrêté une première fois en 1969, il fut torturé. Avec obstination - comme le héros
du film de Bresson, Un condamné à mort s'est évadé - il réussit, à l'aide d'une
cuillère, à démonter la serrure de sa prison et à prendre la clé des champs. Les
autorités bulgares livrèrent le fuyard aux policiers grecs. Au juge militaire qui, lors
de son procès, ironisait sur la trahison des "frères communistes bulgares",
Psaradellis rétorqua : "Ceci n'est pas votre affaire monsieur le juge. Ce sera celle
des travailleurs bulgares." Condamné et incarcéré de nouveau, Théo s'évade une
nouvelle fois ! Il parvient en France au début des années 1970, où de nombreux
militants de la gauche radicale feront sa connaissance. Parmi eux, Nadia, devenue
son épouse et la mère de ses deux enfants.
De retour en Grèce en 1974, après la chute des colonels, Théo milite dans l'OKDE
jusqu'à la scission de 1979. Il cherche à surmonter cette crise. Et c'est en militant
convaincu de l'urgence d'éditer les classiques du marxisme révolutionnaire qu'il se
laisse piéger - non sans naïveté - dans ce hold-up de 1986. Il abandonne le
militantisme actif dans les années 1990 après une grave opération du coeur.
Le délit de 1986 est prescrit. Dans sa déposition, Théo souligne que cette action,
qu'il considère maintenant comme une erreur, n'était pas connue de ses
camarades trotskystes. Ces derniers, solidaires des motivations de Théo,
désapprouvent ce hold-up. Aucune preuve n'existe de la participation de
Psaradellis au 17N. Certains militants de ce groupe, espérant profiter des
privilèges accordés par la loi antiterroriste sévissant en Europe aux "repentis"
délateurs, ont, dans un premier temps, prétendu qu'il en était membre. Mais ils se
sont depuis rétractés publiquement.
Répression
Rien ne justifie le maintien en prison de Psaradellis. Rien, sauf une campagne
hystérique où la délation devient devoir civique sacré. Des exilés politiques à
Paris du temps de la dictature sont traînés impunément dans la boue, le respect
des procédures démocratiques est dénoncé comme complicité avec les assassins,
et les avocats de la défense sont désignés à la vindicte publique. Dans cette
atmosphère maccarthyste tolérée par le gouvernement et encouragée par la
police, d'anciens tortionnaires et mouchards de la junte apparaissent dans les
médias comme des "experts du terrorisme" tandis que la résistance et la lutte
armée contre la dictature sont ouvertement accusées d'avoir préparé le terrain du
terrorisme. Le courage de Psaradellis pendant la dictature devient une preuve
"qu'il est capable de tout"...
Dans ce climat de chasse aux sorcières, où une partie considérable de la gauche
adopte une attitude défensive par peur d'être assimilée au terrorisme, tout devient
possible, notamment quand le ministre grec de l'Intérieur cherche à se faire bien
voir aux Etats-Unis. On vient d'apprendre l'incarcération de Yannis Sérifis,
syndicaliste respecté connu pour son combat contre la dictature. La police
grecque avait, dans les années 1970, essayé de le faire condamner pour
terrorisme. Son innocence avait été pleinement établie dans un procès
retentissant qui avait suscité la solidarité internationale. La police l'accuse
aujourd'hui, comme Théo, d'être membre du 17N. La délation, sans preuve, permet
leur maintien en prison. La santé de Théo est menacée par cette détention.
Avec leurs camarades, soutenus par le mouvement de défense des droits
politiques et sociaux, nous demandons la libération immédiate de Théologos
Psaradellis et de Yannis Sérifis.
Michael Löwy, Catherine Samary, Elénie Varikas.
Rouge 1991 07/11/2002
Résistant contre la dictature des colonels, ancien militant de l'Organisation des
communistes internationalistes de Grèce (OKDE), section grecque de la IVe
Internationale, il a été arrêté cet été dans le cadre de l'offensive des services de
sécurité grecs contre le groupuscule dit 17 Novembre.
Dans les années 1970, le groupe 17 Novembre (17N) prenaient pour cibles des
tortionnaires et des agents de la CIA proches de la dictature militaire, ce qui lui
avait valu une popularité certaine, due au sentiment d'injustice face à l'impunité
des bourreaux. Evoluant vers un "marxisme-léninisme" sectaire et chauvin, le 17N
s'est mis ensuite à pratiquer l'assassinat politique là où d'autres organiseraient
une grève. Le groupe s'isole et se sectarise, comme le suggère la démoralisation
de plusieurs de ses militants qui, à peine arrêtés, se sont mis à se dénoncer
mutuellement. Psaradellis nie toute participation au 17N, dont il ne partageait ni
l'idéologie nationaliste, ni les méthodes : les assassinats politiques de députés,
d'industriels, de journalistes de droite, de diplomates turcs...
Il reconnaît, en revanche, avoir participé en 1986 au hold-up d'une banque qui n'a
fait ni mort ni blessé. Ce hold-up est aujourd'hui attribué au 17N par la police.
Théo explique avoir été entraîné dans cette action par un militant, mort depuis
dans un accident de voiture, dans le but de financer la publication des oeuvres de
Pandelis Pouliopolos, le fondateur du trotskysme grec. "Mon idéologie, a-t-il
déclaré dans sa déposition, ne m'interdit pas les expropriations de banques, mais
elle condamne, politiquement et moralement, les assassinats d'adversaires
politiques."
Un militant
Ceux et celles qui connaissent Théo et ont milité à ses côtés reconnaîtront dans
ce mélange de crédulité et d'honnêteté politique ce lithographe courageux qui,
comme d'autres ouvriers grecs de sa génération et de sa tradition politiques
vouait une véritable vénération à la culture en général et à l'héritage politique du
marxisme révolutionnaire en particulier. Une vénération d'autant plus grande qu'il
avait dû arrêter ses études à l'école primaire. Homme d'action plutôt qu'idéologue,
il fut un combattant exemplaire contre la dictature des colonels (1967-1974), ce qui
lui valut un "diplôme" trônant dans sa cuisine !
Arrêté une première fois en 1969, il fut torturé. Avec obstination - comme le héros
du film de Bresson, Un condamné à mort s'est évadé - il réussit, à l'aide d'une
cuillère, à démonter la serrure de sa prison et à prendre la clé des champs. Les
autorités bulgares livrèrent le fuyard aux policiers grecs. Au juge militaire qui, lors
de son procès, ironisait sur la trahison des "frères communistes bulgares",
Psaradellis rétorqua : "Ceci n'est pas votre affaire monsieur le juge. Ce sera celle
des travailleurs bulgares." Condamné et incarcéré de nouveau, Théo s'évade une
nouvelle fois ! Il parvient en France au début des années 1970, où de nombreux
militants de la gauche radicale feront sa connaissance. Parmi eux, Nadia, devenue
son épouse et la mère de ses deux enfants.
De retour en Grèce en 1974, après la chute des colonels, Théo milite dans l'OKDE
jusqu'à la scission de 1979. Il cherche à surmonter cette crise. Et c'est en militant
convaincu de l'urgence d'éditer les classiques du marxisme révolutionnaire qu'il se
laisse piéger - non sans naïveté - dans ce hold-up de 1986. Il abandonne le
militantisme actif dans les années 1990 après une grave opération du coeur.
Le délit de 1986 est prescrit. Dans sa déposition, Théo souligne que cette action,
qu'il considère maintenant comme une erreur, n'était pas connue de ses
camarades trotskystes. Ces derniers, solidaires des motivations de Théo,
désapprouvent ce hold-up. Aucune preuve n'existe de la participation de
Psaradellis au 17N. Certains militants de ce groupe, espérant profiter des
privilèges accordés par la loi antiterroriste sévissant en Europe aux "repentis"
délateurs, ont, dans un premier temps, prétendu qu'il en était membre. Mais ils se
sont depuis rétractés publiquement.
Répression
Rien ne justifie le maintien en prison de Psaradellis. Rien, sauf une campagne
hystérique où la délation devient devoir civique sacré. Des exilés politiques à
Paris du temps de la dictature sont traînés impunément dans la boue, le respect
des procédures démocratiques est dénoncé comme complicité avec les assassins,
et les avocats de la défense sont désignés à la vindicte publique. Dans cette
atmosphère maccarthyste tolérée par le gouvernement et encouragée par la
police, d'anciens tortionnaires et mouchards de la junte apparaissent dans les
médias comme des "experts du terrorisme" tandis que la résistance et la lutte
armée contre la dictature sont ouvertement accusées d'avoir préparé le terrain du
terrorisme. Le courage de Psaradellis pendant la dictature devient une preuve
"qu'il est capable de tout"...
Dans ce climat de chasse aux sorcières, où une partie considérable de la gauche
adopte une attitude défensive par peur d'être assimilée au terrorisme, tout devient
possible, notamment quand le ministre grec de l'Intérieur cherche à se faire bien
voir aux Etats-Unis. On vient d'apprendre l'incarcération de Yannis Sérifis,
syndicaliste respecté connu pour son combat contre la dictature. La police
grecque avait, dans les années 1970, essayé de le faire condamner pour
terrorisme. Son innocence avait été pleinement établie dans un procès
retentissant qui avait suscité la solidarité internationale. La police l'accuse
aujourd'hui, comme Théo, d'être membre du 17N. La délation, sans preuve, permet
leur maintien en prison. La santé de Théo est menacée par cette détention.
Avec leurs camarades, soutenus par le mouvement de défense des droits
politiques et sociaux, nous demandons la libération immédiate de Théologos
Psaradellis et de Yannis Sérifis.
Michael Löwy, Catherine Samary, Elénie Varikas.
Rouge 1991 07/11/2002