Haïti : lutte des travailleurs contre l'impôt

Article du journal Combat Ouvrier du 18 novembre 2017 concernant Haïti
Haïti : IRI, la pression des ouvriers fait reculer les patrons du groupe WILBÈS
En Haïti, dans les entreprises, les patrons prélèvent les impôts à la source notamment l’impôt sur le revenu imposable ou IRI. Durant l’année passée, les ouvriers du parc industriel de Port au Prince se sont battus pour supprimer cet impôt pour tous ceux qui touchent le salaire minimum. Le gouvernement a reculé en élevant la barre de 60 000 gourdes à 120 000 gourdes. Nos camarades de l’OTR étaient à leurs côtés, voici un article tiré de leur journal « La voix des travailleurs ». Ces affameurs et leurs sous-fifres ne s’attendaient pas à la réaction presque simultanée de ces milliers de travailleurs qui se sont soulevés comme un seul homme pour protester contre la perception, par la direction, de l’Impôt sur le Revenu Imposable, IRI.
Les termes venaient d’être modifiés par le gouvernement suite à des manifestations ouvrières. Passant de 60 000 à 120 000 gourdes, ce nouveau plafond du Minimum de Revenu Imposable exclut donc presque la totalité des ouvriers de la sous-traitance dont les revenus malgré une année de dur labeur ne dépassent pas 120 000 gourdes. Sur la base du salaire minimum de 350 gourdes, en effet, un ouvrier qui travaille 5 jours par semaine gagne 7 000 gourdes le mois et dans le meilleur des cas 84 000 gourdes l’an (soit 1 120€ l’an).
Tout d’abord, ce sont les ouvriers des bâtiments 11-17 du parc industriel Sonapi qui sont entrés en grève. Pendant plus de 8 jours, les activités étaient arrêtées, les ouvriers ont tenu malgré les pressions de la direction. Au numéro 34, les ouvriers ont observé un arrêt de travail d’une demi-journée. Aux numéros 52-53, si les ouvriers n’ont pas fait grève, ils ont toutefois manifesté leur colère en brisant quelques chaises. Aux numéros 41, 42, les ouvriers étaient menaçants, avec des tracts, ils s’en prenaient à la direction et faisaient appel à l’unité pour contrer la cupidité des patrons du groupe WILBÈS.
Pendant ce temps-là, l’Etat n’a pas pipé un mot. Aucune de ses institutions n’est intervenue dans ce conflit. Garant des intérêts généraux des classes riches, elles laissent les patrons égorger les ouvriers comme bon leur semble. Mais ce n’était sans compter sur une nouvelle conscience des ouvriers que la défense de leurs intérêts passe par la lutte.
Deux semaines après le début de ce mouvement, devant la ferme détermination des ouvriers de ne pas se laisser faire, les directions les unes après les autres ont fini par céder. Au 11-17, la direction a accepté de ne plus prélever l’IRI du salaire des ouvriers, elle a été contrainte aussi de payer les jours de grève. Aux numéros, 34, 41, 42, ils n’ont pas osé prélever IRI de la paye des ouvriers. Reprenant le travail mardi dernier, une ouvrière satisfaite du dénouement du conflit en faveur des travailleurs déclara « Nous avons trouvé la méthode efficace de combat contre les patrons, la grève générale. Nos conditions de travail et d’existence ne seraient pas ce qu’elles sont aujourd’hui si plus tôt tous les ouvriers l’avaient adoptée comme moyen privilégié de leurs luttes contre ces sangsues ». Il n’y a pas meilleure école d’apprentissage des luttes pour les travailleurs que l’expérience des affrontements quotidiens avec les patrons et leurs collaborateurs dans les usines. Hier amorphes et indifférents subissant les coups de boutoir de leurs exploiteurs, aujourd’hui un nombre croissant de travailleurs acquiert de la conscience et semble avoir compris que leur exploitation n’est pas éternelle et qu’elle peut changer par leur lutte collective contre la classe capitaliste et l’État qui les protège.