Répression syndicale en Sibérie

Dans le monde...

Message par Louis » 26 Sep 2003, 19:03

Six militantes et militantes des syndicats alternatifs de Sibérie ont mené une grève de la faim de douze jours pour protester contre la répression syndicale dont ils font l'objet.

Poussés à bout, ils se sont mis en grève de la faim le 25 août dernier, dans la région de Novosibirsk, en Sibérie. Ce sont des militants et militantes de syndicats alternatifs, ces nouveaux syndicats apparus dès la fin des années 1980, contre la politique de compromission de la Fédération des syndicats indépendants de Russie (FNPR), plus encline à prendre le parti de la direction d'entreprise ou du pouvoir qu'à défendre les intérêts des salariés. Avec la réforme ultralibérale du Code du travail et la pente répressive et autoritaire du système politique, ils voient se refermer sur eux la poigne des dirigeants d'entreprise et des pouvoirs d'Etat. Qu'ils soient pilotes d'avion - comme Vladislav Baev, président du comité syndical du personnel aérien de la compagnie aérienne Sibir - ou institutrices - comme Tatiana Novaïa, présidente du conseil de coordination du syndicat régional de Sibérie - ils subissent une répression féroce dont le licenciement n'est qu'une illustration.
La grève de la faim est venue clore une longue période de lutte ordinaire : piquets de grève, meetings, plaintes en justice à différents niveaux, exhortations à la négociation. Ces actions n'ont donné aucun résultat : la justice n'a pas donné suite aux plaintes, la direction de la compagnie aérienne n'a même pas daigné rencontrer les représentants du syndicat. Selon Vladislav Baev, la direction vise à se débarrasser du dérangeant syndicat du personnel aérien, le seul à oser tenir tête aux dirigeants de l'entreprise, comme récemment lorsqu'il a exigé le respect de l'accord collectif d'entreprise et empêché le rachat des actions des salariés par la direction à des prix largement sous-évalués. En réponse à cette opposition, la direction a repris le local qu'elle est obligée, selon la loi, d'accorder au syndicat, a confisqué les ordinateurs et autres appareils, et surtout, a licencié Vladislav Baev.

La grève de la faim constitue le pas désespéré tenté par les syndicalistes pour attirer l'attention des médias et de l'opinion publique sur la répression syndicale et les enfreintes à l'activité de lutte des syndicalistes pour la défense réelle des intérêts des salariés. Les militants des autres syndicats alternatifs de la région se sont joints à l'action dans le but de sonner l'alarme. Ainsi que nous le confie Tatiana Novaïa : "Les dirigeants ont besoin de syndicats conciliants, nous les gênons. Il est très important de montrer que, grâce à l'action collective et à la solidarité, les syndicats dignes de ce nom peuvent être efficaces et faire reculer la direction !"
Au départ, les revendications portaient sur le rétablissement en poste de Vladislav Baev, sur l'arrêt des répressions syndicales au sein de la compagnie aérienne et sur le départ de son PDG. Dès le deuxième jour, comme l'explique Tatiana Samsonova, elles se sont élargies à l'exigence de la démission de la directrice de l'école artistique pour enfants de Berdsk : "Ayant expérimenté, nous aussi, la pression de la direction, nous sommes persuadées que l'arbitraire et l'autoritarisme ne concernent pas que les entreprises privées comme Sibir, mais également les établissements d'Etat comme notre école."
Les syndicats alternatifs de la région et de quelques autres ont entamé des actions de solidarité, avec le soutien d'organisations et syndicats étrangers, organisant notamment des meetings de protestation le 5 septembre dans plusieurs villes où se trouvent des bureaux de la compagnie Sibir. Un appel à boycotter Sibir a été lancé par un groupe de passagers sympathisants. Le syndicat des travailleurs aériens (FNPR) a dénoncé publiquement l'action des grévistes - accusés de "faire le jeu des concurrents" - et mis en doute la légitimité du syndicat de Baev.
Après avoir enfin invité les syndicats à négocier au dixième jour de grève, la direction de Sibir est cependant restée sourde aux revendications portées par les grévistes. Les représentants du syndicat alternatif ont quitté la réunion et décidé, lors de la réunion syndicale qui a suivi, de commencer une procédure de conflit collectif et de préparer une grève massive.
Cependant, ainsi que l'indique Vladislav Baev, dans les conditions de répression et de violation permanente des droits, les salariés sont maintenus dans un état de peur et de précarité. De plus, les pilotes font preuve d'un grand individualisme et sont peu enclins à la solidarité. Par leur action choc, les grévistes ont fait bouger les choses et frappé les consciences. Mais cette évolution ne touche qu'une minorité de salariés. Le 5 septembre, sans obtenir satisfaction, les militants ont abandonné la grève de la faim, consacrant désormais tous leurs efforts à la mobilisation des salariés et aux actions en justice.
Louis
 
Message(s) : 0
Inscription : 15 Oct 2002, 09:33

Retour vers Actualités internationales

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 12 invité(s)