La Chine devient la troisième puissance économique mondiale
LE MONDE | 19.07.07 |
La Chine est devenue théoriquement la troisième puissance économique du monde. Après avoir dépassé en 2005 la France et le Royaume-Uni, elle a détrôné l'Allemagne et se trouve maintenant derrière le Japon et les Etats-Unis. Le produit intérieur brut (PIB) chinois devrait dépasser cette année 3 100 milliards de dollars (2 246 milliards d'euros) contre moins de 3 000 milliards pour celui de l'Allemagne.
Le principal risque aujourd'hui pour l'économie chinoise est celui de la surchauffe. Si l'on en juge par les derniers chiffres de la croissance pour le premier semestre 2007, rendus publics jeudi 19 juillet, Pékin va devoir appuyer vigoureusement sur la pédale de freins.
Le moteur continue de tourner à plein régime : le PIB a progressé de 11,5 % pour les six premiers mois de l'année et, rien que durant le deuxième trimestre, le taux de croissance s'est élevé à 11,9 %, le plus important depuis douze ans. Les investissements en capital fixe ont augmenté de 25,9 % durant la même période, alors que l'inflation est plus conséquente qu'on ne le craignait avec un taux de 3,2 % au premier semestre et même 4,4 % en juin.
A la fin de l'année dernière, en annonçant que le chiffre de la croissance du PIB n'avait été "que" de 10,4 % au troisième trimestre 2006, le porte-parole du bureau des statistiques, Li Xiaochao, se félicitait que "les mesures macro-économiques prises depuis le début de l'année connaissent un premier succès". Jeudi, lors de la conférence de presse rituelle, M.Li a répété la même antienne mais sur un ton dépourvu de triomphalisme : "Nous continuerons à renforcer et améliorer les mesures de contrôle macro-économiques." Le gouvernement chinois, partagé entre la nécessité sociale et politique de maintenir une croissance soutenue et d'éviter les risques de surchauffe, a pris cette année une série de mesures visant à calmer l'activité : deux hausses successives des taux d'intérêts, cinq augmentations des taux de réserve obligatoires des banques pour limiter le crédit, et des réformes fiscales pour freiner les exportations.
Le même porte-parole du bureau des statistiques a admis que la République populaire continuait à faire face à une série de problèmes susceptibles de contrecarrer les efforts déployés pour empêcher un emballement de la machine. Entre autres obstacles, il a cité "le déséquilibre dans le commerce international, la hausse des prix des aliments, la pression pour les économies d'énergie et la réduction de la pollution". Il a ensuite promis que le gouvernement "pour-suivra[it] dans la voie de l'ajustement de la structure industrielle pour changer la structure de la croissance et permettre à l'économie de croître de manière équilibrée".
ÉCHAPPER À TOUT CONTRÔLE
La veille, la presse officielle a fait état d'un rapport, concocté par le comité des affaires économiques et financières de l'Assemblée nationale populaire, dans lequel les députés s'inquiètent : "La tendance à la surchauffe est claire, préviennent-ils, l'inflation progresse, plus particulièrement pour les prix de l'alimentation et de l'immobilier." "Le comportement du gouvernement chinois ressemble à celui d'un surfeur qui négocie la crête d'une vague. Il veut éviter une chute trop importante de la croissance, mais craint d'être emporté par la surchauffe et l'inflation", observe un expert étranger de l'économie chinoise basé à Pékin.
Certes, le scénario catastrophe n'est sans doute pas près de se réaliser, les tendances inflationnistes étant pour le moment la résultante de phénomènes conjoncturels. Mais le même expert prévient que, si les mesures prises ou annoncées ne se traduisent pas concrètement dans un délai assez court, l'économie chinoise va échapper à tout contrôle. "Cela fait plusieurs années que le gouvernement dit qu'il faut rééquilibrer la croissance, mais cela fait des années que rien ne change vraiment… Ça ne peut pas durer indéfiniment. Je pense que la marge de manœuvre de Pékin n'excède pas les deuxans. Si d'ici là rien ne bouge, il y a risque de choc conjoncturel et la formation d'une dangereuse bulle spéculative."
Une entrée colossale et permanente de capitaux, des excédents commerciaux qui pourraient se chiffrer à 250milliards de dollars pour 2007, une économie tirée principalement par les investissements et les exportations, tous les indicateurs démontrent que l'on est encore loin de l'indispensable "rééquilibrage" annoncé par les autorités. Or les risques et les enjeux politiques sont considérables pour le gouvernement chinois. Pékin doit faire face à des tensions sociales grandissantes dans les campagnes et, dans le même temps, à l'explosion de mécontentement d'une population qui demande justice et compensation face à la corruption, la pollution et la dégradation de l'environnement.