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Message Publié : 25 Jan 2007, 23:31
par Proculte
Meurtre du journaliste Hrant Dink
Le journaliste turc Hrant Dink a été tué par balle, vendredi à la mi-journée, alors qu'il sortait des bureaux de son journal, à Istanbul. D'origine arménienne, Hrant Dink suscitait la controverse dans son pays en raison de ses prises de position sur le passé arménien de la Turquie. Il était la bête noire des nationalistes turcs. Un jeune homme, âgé de 17 ans et proche des milieux nationalistes selon la presse, a avoué avoir tué le journaliste. Six autres personnes, soupçonnées d'implication dans l'assassinat, ont été arrêtées.

Istanbul, Ankara : plusieurs manifestations ont été organisées par des associations des droits de l’homme pour protester contre l’assassinat d’Hrant Dink.


Hrant Dink se savait la cible des cercles nationalistes et détesté d'une certaine droite dure, il avait même reçu des menaces de mort, et pourtant, il n'avait demandé aucune protection de police et continuait avec beaucoup de courage à lutter pour la liberté de pensée et d'expression en Turquie.

Avec d'autres intellectuels, dont Orhan Pamuk, qui a obtenu le prix Nobel de littérature 2006, il se battait pour la suppression de l'article 301 du code pénal qui permet de poursuivre pour atteinte à l'identité turque toute personne qui ose, notamment, parler de génocide arménien, plutôt que de massacre, comme le veut la terminologie officielle.

Cette liberté de pensée lui valut plusieurs procès, des insultes et des menaces, elle lui valut sans doute aussi d'être tué.
Ahmet Insel
Directeur de la revue politique Birikim

«En Turquie, il y a suffisamment de fascistes, de fous, d'assassins qui ont les yeux noircis par la haine de l'autre.»


Cette liberté, il la souhaitait aussi pour ses adversaires. Soucieux de l'ouverture d'un vrai débat pacifique sur la question arménienne, il n'avait pas approuvé la décision des députés français qui ont pénalisé, dans le droit français, la négation du génocide arménien. Hrant Dink s'était dit prêt «à aller en prison en France» pour défendre cette liberté d'expression.

Son combat était difficile, car le «tabou» ne se lève que très lentement en Turquie. Pourtant, il était hors de question pour lui d'abandonner à leur sort ceux qui luttaient pour la démocratie. Son assassinat représente un choc pour tous les démocrates de Turquie.
Ahmet Sever
Président du groupe de communication turc avec l'Union européenne

«C'est un attentat qui nuit à la communauté turque et arménienne. Il compromet aussi les relations avec l'Europe.»

Message Publié : 26 Jan 2007, 08:22
par Jacquemart
Salut Proculte et bienvenue sur le forum !

:wavey:

Quand tu fais un copier-coller d'un article de presse, n'hésite pas à employer le bouton "quote" pour que l'article apparaisse encadré, et à donner la source de l'information.

Bonne continuation.

Message Publié : 13 Fév 2007, 11:39
par Indesit
Bonjour,

Pour info, voici un article paru il y a quelques mois sur le site du Courrier des Balkans mais repris sur le site d'une association franco-turque ; bien que consacré au départ au Prix Nobel de Littérature, il a un lien direct avec l'assassinat de Dink dont le nom est même cité (et que j'ai mis en rouge) ; j'ai enlevé les passages qui ont le moins de rapport avec Dink mais l'article est consultable en version intégrale ici :

http://www.ataturquie.asso.fr/static.php?o...e_061021&npds=1
a écrit :

Orhan Pamuk, premier prix Nobel turc de littérature

Fabio Salomoni
Traduit par Vincent Doumayrou
Le Courrier des Balkans - 21/10/2006



Titulaire du Prix Nobel de Littérature 2006, Orhan Pamuk est le premier écrivain turc à obtenir cette reconnaissance internationale. Depuis Istanbul, un rappel de la vie de l’auteur, ainsi que des diverses phases artistiques et politiques de son œuvre. En 2005, Orhan Pamuk a été traduit en jugement pour avoir évoqué le génocide arménien.

(...)

Orhan Pamuk est sans doute conscient de la pirouette que le destin lui a réservé en une seule journée très particulière. Au moment même (à quelques heures près) où l’Académie Royale suédoise annonçait sa décision, le Parlement français approuvait à une large majorité une proposition de loi qui punit la négation du génocide arménien perpétué par les Ottomans en 1915 d’une peine de réclusion pouvant aller jusqu’à un an et d’une amende de 45 000 euros.

Malice du destin, ou bizarrerie, selon le terme que Pamuk a employé pour parler de ses mésaventures judiciaires, sur lesquelles il faut s’arrêter car dans un passé récent le nom de Pamuk est apparu dans les pages internationales des journaux plus pour les effets de ses déclarations sur le génocide arménien que pour le caractère indiscuté de ses mérites littéraires.

Et le jour même de cette reconnaissance internationale, la joie du succès en Turquie passe au second plan, étouffée par le brouhaha des réactions à la décision du Parlement français. « Toute la Turquie se soulève » est l’expression la plus communément employée pour qualifier l’indignation générale qui règne ici. Le Président du Parlement Arinc qualifie la décision française de honteuse, alors qu’un peu partout se répandent les appels au boycott des produits français.

(...)

Orhan Pamuk est le fils d’une famille bourgeoise aisée du quartier de Nisantasi. Il a d’abord caressé le rêve de devenir peintre, puis a décidé, à l’âge de 23 ans, de devenir écrivain. Comme il me le racontait au cours d’un entretien il y a quelques années, il s’est enfermé chez lui pour n’en sortir qu’une fois terminé son premier roman. Il s’agit du monumental Monsieur Cevdet et ses fils, l’histoire, évidemment autobiographique, d’une famille bourgeoise d’Istanbul que l’on suit à travers trois générations, un point de vue idéal pour raconter le passage mouvementé de l’écroulement de l’Empire Ottoman à la naissance de la République kémaliste.


(...)


Ce magma de sentiments et de jalousies s’est manifesté d’une manière spectaculaire au lendemain de ses déclarations sur le génocide arménien. En 2005, au cours d’un entretien au supplément culturel d’un journal suisse, Orhan Pamuk a tenu les propos suivants : « Les Turcs ont tué un million d’Arméniens et 30 000 kurdes. Personne n’a le courage de le dire, alors je le fais ».

Comme l’a raconté depuis un article du quotidien Radikal, il s’ensuivit une vague de menaces de mort et une campagne de haine orchestrées par la presse nationaliste qui l’accusait « d’avoir bradé le pays pour quelques exemplaires en plus ». Le refrain des nationalistes était : Pamuk, pour être populaire à l’étranger, dit ce que les Occidentaux veulent entendre et dénigre notre pays.

Le procès

Un véritable lynchage qui a forcé Orhan Pamuk à un long silence et à l’exil sur une petite île au large d’Istanbul. Mais cela n’a pas suffi à calmer les choses parce que sur requête de Kerincsiz, avocat nationaliste spécialisé dans la provocation envers les intellectuels turcs, un tribunal a lancé des poursuites contre Orhan Pamuk en se basant sur le fameux article 301 du Code Pénal, qui établit le délit d’ « outrage à l’identité turque ». Un concept fumeux qui se prête à toutes les interprétations, même les plus fantaisistes, véritable épée de Damoclès sur la liberté de pensée et de parole en Turquie.

Les audiences du Professeur Pamuk, que les nationalistes ont su transformer en une cohue innommable, ont cependant permis de mettre au centre de la vie politique turque et de l’attention internationale le thème du contenu de l’article 301 et plus généralement de la liberté d’expression en Turquie. La notoriété de Pamuk a fait de lui un symbole et a permis de parler de ces dizaines d’écrivains et de journalistes moins connus qui ont dû comparaître devant un tribunal pour répondre de l’accusation d’avoir violé l’article. La dernière affaire, celle de l’auteure Elif Safak, a abouti à un non-lieu - comme celle de Pamuk.

L’article 301 est devenu ainsi un des sujets brûlants des relations entre la Turquie et l’Europe. Dans son dernier rapport sur l’état des réformes, l’Union Européenne demandait explicitement à la Turquie d’abolir cet article. Le gouvernement Erdogan a longtemps résisté à ces demandes, par peur d’apparaître timoré face à ces pressions. Erdogan a toujours demandé que l’on fasse attention non à la loi mais à la jurisprudence. Il est vrai qu’une grande partie des accusations a abouti à des non-lieux, mais il y a aussi eu des condamnations, comme celle de l’écrivain arménien Hrant Dink. Et comme l’a rappelé Hans Georg Kretschmer, représentant de l’Union Européenne en Turquie, ce pays est le seul pays européen où les écrivains sont poursuivis devant les tribunaux pour répondre de leurs écrits.

Cependant, réformer cet article paraît tout sauf simple. Le gouvernement Erdogan s’est dit disposé à travailler à la solution du problème, et a examiné différentes solutions. Sa liberté de manœuvre semble toutefois limitée. La montée des sentiments nationalistes, d’hostilité aux demandes de l’Union Européenne, met le gouvernement dans une situation difficile. Aujourd’hui, les pressions européennes se sont faites plus fortes et insistantes, et réformer ou même abolir l’article serait vu par une grande partie de l’opinion et de l’opposition politique comme une concession intolérable vis-à-vis de l’Union Européenne. C’est un risque que le gouvernement Erdogan ne peut guère prendre le risque d’assumer à l’approche des élections politiques d’octobre 2007. Même l’opposition envoie des signaux négatifs. Le Parti Républicain du Peuple (CHP), qui ne perd pas une occasion de déclarer son âme social-démocrate, s’est vigoureusement opposé à l’abolition de l’article 301. Il motive son opinion par le fait que des articles du même type existent dans dans le Code Pénal d’un certain nombre de pays européens, au rang desquels l’Italie.

Et l’approbation par le Parlement français de la loi sur le génocide arménien risque de représenter l’ultime coup de poignard à toute velléité de réforme. Depuis quelques jours les protestations adressées à la France se multiplient en Turquie, qui l’accusent de vouloir donner des leçons en matière de liberté d’expression alors qu’elle adopte chez elle des dispositions de censure. La conclusion que beaucoup tirent ici est la suivante : si la France, patrie de la liberté d’expression, approuve une disposition liberticide comme l’est la loi sur le génocide arménien, si elle le fait avec l’accord tacite de l’Union Européenne, de quel droit les européens peuvent nous demander d’abolir l’article 301 ?

(Cet article a paru en même temps dans Osservatorio sui Balcani et dans Liberazione).