Côte d'Ivoire : La logique du profit au détriment

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Message par Bertrand » 11 Sep 2006, 20:15

Editorial du 11/09

a écrit :LES EMPOISONNEURS

    Cela se passe à Abidjan, principale ville de Côte-d'Ivoire, une agglomération de près de quatre millions d'habitants, avec ses quartiers pauvres à perte de vue. Un navire russe battant pavillon panaméen, appartenant à une compagnie grecque, a déchargé nuitamment 400 tonnes de produits hautement toxiques qui, transportés par des camions-citernes, ont été déversés dans une dizaine de décharges à l'air libre, la plupart situées au milieu des habitations.
    Aux habitants des quartiers concernés qui se sont inquiétés de l'odeur nauséabonde, des autorités locales ont répondu qu'il s'agissait d'une campagne de démoustication. Cinq personnes, dont deux enfants, sont mortes d'intoxication, et ce n'est malheureusement pas fini car quelque sept mille personnes sont passées dans les hôpitaux avec les symptômes d'une intoxication plus ou moins grave.
    Les autorités ont attendu plus de deux semaines pour réagir, lorsque des manifestations de plus en plus nombreuses, des barricades exprimant la colère des habitants, ont menacé de bloquer la ville. Entre temps, le bateau avait quitté le port d'Abidjan et l'armateur assura que le déchargement était légal car il avait toutes les autorisations nécessaires.
    Tout en faisant réprimer violemment les manifestations, le Premier ministre a donné la démission de son gouvernement. Mais le président de la République l'a aussitôt chargé de constituer le nouveau gouvernement. Et pour le moment, dans la chaîne de responsabilités qui va du capitaine du port jusqu'au gouverneur du district et des ministres, seuls quelques lampistes sont poursuivis.
    Bien sûr, seul un pouvoir corrompu jusqu'à l'os pouvait accorder l'autorisation de déverser des produits hautement toxiques et qui plus est dispersés en plusieurs points d'une grande ville. Il aurait cherché à empoisonner la population qu'il ne s'y serait pas pris autrement !
    Cela éclaire ce qu'est le pouvoir et les hommes qui l'incarnent à différents niveaux dans bien des pays pauvres. Mais qui dit corruption et corrompus, dit aussi corrupteurs. On ne sait pas encore qui a produit les déchets toxiques et qui a décidé de les faire déverser dans un pays pauvre où l'on peut acheter les autorités pour pas cher. Ce que l'on sait cependant, c'est qu'il s'agit de sous-produits de raffineries de pétrole. Ce n'est certes pas la première fois que des groupes industriels d'Europe occidentale ou des Etats-Unis se débarrassent de leurs déchets toxiques dans des pays pauvres sans s'occuper des conséquences désastreuses pour la population. Que l'on se souvienne aussi de la récente affaire du "Clémenceau", ce navire de guerre que le gouvernement français voulait envoyer en Inde pour désamiantage.
    Pendant que les dirigeants politiques parlent cyniquement de la nécessité de co-développement pour justifier l'instauration de barbelés contre l'immigration venant de pays pauvres, voilà le seul co-développement pour pays pauvres : devenir la poubelle des industriels des pays riches.
    Alors, le crime commis à Abidjan - car cela en est un - illustre le fonctionnement d'une économie où la recherche du profit est censée tout justifier. Traiter les produits toxiques pour les rendre inoffensifs ou, lorsque cela n'est pas possible, les enfouir sans que cela cause des dégâts, cela coûte cher, cela rogne les profits, en l'occurrence ceux des raffineries des trusts pétroliers. Alors, on va les déposer devant la porte des pauvres.
    C'est la même logique, celle du profit au détriment des êtres humains et de la société, qui a conduit aussi à la pollution des côtes bretonnes par le naufrage de l'Erika. Cette pollution n'a pas fait de morts, si ce n'est dans la faune. Mais l'utilisation de l'amiante des décennies après que sa nocivité a été connue, elle, a fait des morts et continue à en faire.
    Au-delà de la responsabilité de la chaîne de corruptions dans l'empoisonnement d'Abidjan, il y a celle, fondamentale, d'un système économique dont les dégâts pour l'humanité sont incommensurables.

Arlette Laguiller
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Bertrand
 
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Message par Combat » 17 Sep 2006, 02:54

Pollution à Abidjan: 36.000 consultations et sept décès

AFP - 9/16/2006 3:11:15 PM

Les autorités ivoiriennes ont enregistré plus de 36.000 consultations médicales, 24 hospitalisations et sept décès de personnes intoxiquées par les émanations des déchets toxiques déversés fin août à Abidjan, a annoncé samedi le ministère de la santé.

Depuis le déversement de ces déchets, le ministère a recensé 36.574 consultations de personnes intoxiquées, 24 hospitalisations et et sept décès, selon les chiffres officiels transmis à l'AFP.

Le précédent bilan officiel, fourni jeudi, faisait état de plus de 26.000 consultations, de 23 hospitalisations et de sept décès.

Le nombre de personnes intoxiquées est toutefois inférieur à celui des consultations, plusieurs malades ayant pu consulter plusieurs fois les médecins, précisent les autorités.

Selon le gouvernement, les six premiers décès, qui concernent notamment quatre enfants, étaient dus à des "insuffisances respiratoires" engendrées par les émanations des déchets toxiques.

Les victimes ont été intoxiquées par les émanations des centaines de tonnes de déchets toxiques déversés dans la nuit du 19 au 20 août à Abidjan par une mystérieuse société ivoirienne, Tommy.

Tommy avait déchargé 528 tonnes de déchets toxiques d'un navire grec, le Probo Koala et est allé en déverser une partie (la proportion est encore inconnue) sur au moins onze sites de la ville, principalement des décharges publiques et des points d'enlèvement des ordures.

Selon le négociant international Trafigura, affréteur du Probo Koala, la solution toxique est issue du mélange de résidus pétroliers et de la soude caustique utilisée pour nettoyer les cuves après chaque déchargement.

La justice ivoirienne a, jusqu'ici, arrêté huit personnes en lien avec cette affaire, selon une source gouvernementale, dont trois dirigeants de sociétés travaillant au port d'Abidjan (dont le directeur général de Tommy, l'ancien directeur des Affaires maritimes, Tibé Bi Ballou (en fonction fin août au moment de la pollution) et trois douaniers.

A la suite de cette affaire, la présidence ivoirienne a annoncé samedi la composition du nouveau gouvernement de transition, qui succède à l'équipe démissionnée le 6 septembre par le Premier ministre Charles Konan Banny après l'éclatement de l'affaire des déchets.

A l'exception des départs des ministres des Transports, Anaky Kobenan, et de l'Environnement, Jacques Andoh, éclaboussés par l'affaire, ce gouvernement comporte peu de changements par rapport au précédent.

Le directeur général des douanes, le directeur du port autonome d'Abidjan, le gouverneur du district d'Abidjan et le directeur des affaires maritimes du ministères des Transports, soupçonnés de "défaillances" dans cette affaire, ont également été "suspendus" de leurs fonctions.

Les opérations de circonscription et d'enlèvement des déchets, confiés au groupe français Séché, doivent en principe débuter dimanche, selon M. Banny.
Combat
 
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Message par Combat » 17 Sep 2006, 03:01

Reaction de la population(lu dans le Front, quotidien Ivoirien: http://news.abidjan.net/article/?n=212933)

Vingt-quatre (24) heures après le discours de Charles Konan Banny, la tension est montée d’un cran à Abidjan. Le ministre des Transports a été passé à tabac et le domicile du directeur général du port, incendié par une population en colère.

Hier, la tension, était à son comble. Motif ? Le scandale du déversement des déchets toxiques dans plusieurs quartiers d’Abidjan. Ainsi, vingt-quatre (24) heures après l’intervention du Premier ministre Charles Konan Banny à la télévision nationale, plusieurs centaines de personnes ont manifesté leur colère, en s’en prenant à des personnalités soupçonnées d’être les auteurs de la tragédie que vivent les Abidjanais. Le ministre des Transports Anaky Kobena a été rué de coups par des manifestants d’Akouédo. Selon des sources proches de son parti, le ministre Anaky se rendait à la levée du corps de son frère cadet à Ivosep – Treichville. Quand il a été extrait de sa voiture par une foule surexcitée à la Riviera, avant d’être battu. « Ce matin, on allait à Ivosep pour la levée du corps de son frère. C’est en cours de route, au niveau du carrefour de la Riviera Palmeraie, on a vu des jeunes qui ont barricadé la voie. Ils étaient surexcités. Ils ont reconnu le ministre et aussitôt, ils ont commencé à attaquer le véhicule. On l’a sorti de là, avec des collègues et quelques bonnes volontés et on l’a conduit au camp d’Akouédo », a expliqué un garde du corps du ministre. Par ailleurs, la résidence du directeur général du Port autonome d’Abidjan (Paa), Marcel Gossio, a été incendiée et pillée, alors que celui-ci n’était pas à son domicile.
Jeudi dernier, dans une déclaration télévisée, le Premier ministre Charles Konan Banny a suspendu quatre responsables administratifs de leur fonction. Le directeur général des douanes, du Port autonome d’Abidjan, des affaires maritimes et le gouverneur du district d’Abidjan. Le chef du gouvernement a, par ailleurs, soutenu que l’eau courante n’avait pas été contaminée. Mais, a interdit la pèche dans la lagune, et a décidé la destruction des jardins potagers situés près des sites. Charles Konan Banny a mis en place une commission d’enquête nationale. Il a aussi annoncé que l’enlèvement des déchets toxiques a été confié à l’entreprise française Tredi et qu’il débuterait demain dimanche. La montée de l’adrénaline, hier, à Abidjan, serait due à la découverte de nombreux sites à Yopougon et la rumeur de nouveaux déversements dans la nuit à Akouédo.
Le dernier bilan communiqué par le ministère de la Santé, fait état de plus de 26.000 personnes qui se sont rendues dans les hôpitaux. Il y a eu sept (07) morts.

Ci dessous une manif de rue a Abidjan.


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Message par Combat » 17 Sep 2006, 15:49

Resultat de l'affaire: on ne peut plus ramasser les dechets en ville puisqu'il n'y a plus d'endroits surs ou les deverser. Abidjan entier devient donc une poubelle puisque les ordures restent sur place notamment dans les quartiers populaires.


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Message par Combat » 23 Sep 2006, 14:09

Le mercure a pris de l’ascendant, le vendredi 22 septembre 2006, à Williamsville, dans la commune d’Adjamé, dans la matinée. La voie express d’Abobo avait été coupée vers Macaci, en face du quartier Sodeci. Il en avait été de même pour les voies qui débouchent sur l’échangeur, non loin de la gare Nord de la Sotra. Les fauteurs de trouble étaient des habitants de Williamsville, riverains du vaste espace non occupé d’où avait été déguerpie la casse en 2002, au lendemain du coup d’Etat et singulièrement de l’attaque contre le camp de gendarmerie d’Agban. Ceux-ci protestaient contre la décision annoncée deux jours auparavant, selon eux, de déverser des ordures ménagères à l’espace ci-dessus indiqué, en raison de la fermeture de la décharge publique d’Akouédo, dans la commune de Cocody par les villageois. La manifestation a démarré, à l’aube. Non seulement tous les camions bourrés d’ordures ménagères étaient refoulés, mais aussi, tous les véhicules de transport en commun et de particuliers n’étaient pas autorisés à circuler sur les voies. Ils étaient obligés de faire demi-tour. Les forces de l’ordre, malgré les bombes lacrymogènes libérées, arrivées vers 7h sur les lieux, ont dû battre en retraite, pour n’avoir pas pu venir à bout des premiers manifestants postés à quelques encablures de l’échangeur et armés de pierres et de bâtons. C’est alors que les barrages dressés ont commencé à se multiplier sur les voies, vers 8h. Toute la matinée, il y a eu échanges de projectiles entre manifestants et forces de l’ordre. Les premiers cités ont poussé leur outrecuidance jusqu’à déverser des ordures ménagères au domicile du maire Youssouf Sylla d’Adjamé sis à Williamsville. Mais le calme n’est revenu dans l’après-midi qu’après la tenue d’une réunion d’informations entre des jeunes dudit quartier et le premier magistrat de la commune d’Adjamé. Rencontre au cours de laquelle le maire a précisé que le site où seront déversés les ordures n’est pas celui de l’ancienne casse, mais plutôt, le centre de traitement des ordures de Ash. A l’issue des échanges, le représentant des jeunes a appelé à l’arrêt des manifestations.
par Dominique FADEGNON

Soir Info - 9/22/2006 8:46:33 PM
http://news.abidjan.net/h/214327.html
Combat
 
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Message par Combat » 23 Sep 2006, 18:31

Caricature parue dans la presse ivoirienne sur la reaction des populations:


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Message par roudoudou » 24 Sep 2006, 21:30

QUOTE Les déchets toxiques d'Abidjan proviendraient d'une "raffinerie flottante"
LEMONDE.FR avec AFP, Reuters et AP | 24.09.06 | 16h13  •  Mis à jour le 24.09.06 | 17h06 

 

Le Probo Koala n'était probablement pas un simple réservoir flottant de pétrole brut, ni ses déchets de simples eaux de vidange. Le navire a raffiné en pleine mer du pétrole brut, en mélangeant soufre et naphte, un processus dont les résidus toxiques ont causé la mort de sept personnes à Abidjan (Côte d'Ivoire), selon une enquête du parquet néerlandais sur l'affréteur du navire. C'est ce qu'a affirmé samedi 23 septembre le quotidien néerlandais de centre gauche De Volkskrant.

 

Selon une reconstruction technique du parquet dont le journal néerlandais a pris connaissance, le Probo Koala aurait fait fonction de "raffinerie flottante" pour transformer 70 000 tonnes de pétrole brut en essence, en pleine mer, en mai et juin derniers, au moment où les cours de l'essence étaient au plus haut.

Le Probo Koala a notamment reçu trois cargaisons de 28 000 tonnes de naphte en provenance des Etats-Unis, selon De Volkskrant. L'opération de transformation, qui consistait à libérer le soufre compris dans le naphte à l'aide de substances dérivées de la soude et d'une substance adjuvante "normalement utilisée exclusivement dans les raffineries", aurait généré un bénéfice de 8 millions de dollars (5,5 millions d'euros) pour Trafigura Beheer, l'affréteur du navire, poursuit le quotidien.

Un porte-parole de Trafigura Beheer a jugé ces informations "complètement inexactes".

CINQ ENQUTES EN COURS

Le raffinage aurait surtout mené à la constitution de déchets très toxiques, parmi lesquels plus de 72 000 kilos de résidus à base de soufre, qui ont pollué la ville d'Abidjan depuis leur déversement fin août. Outre les sept morts, 66 personnes ont été hospitalisées, parmi 60 000 qui ont consulté un médecin.


L'affaire des déchets toxiques d'Abidjan semble loin d'être refermée. Aux Pays-Bas, quatre enquêtes ont lancées au cours des derniers jours, par le parquet, la ville d'Amsterdam, le ministère des transports et celui de l'environnement. La question centrale est de savoir si les autorités auraient dû, et pu, empêcher le Probo Koala d'exporter ses déchets.


En Côte d'Ivoire, la crise qui a mené au remaniement du gouvernement n'est pas plus achevée. Lundi, au cours d'une session extraordinaire de l'assemblée nationale, les ministres ivoiriens de l'environnement et des transports, tous deux limogés à la suite du scandale, et les directeurs des douanes et du port, ainsi que le gouverneur du district d'Abidjan, suspendus de leurs fonctions, devront se justifier. Les débats seront retransmis sur la télévision publique.[/quote]

:x
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