
a écrit : ALERTE EUROPE 2020 / Rupture Systémique Globale
20-26 Mars 2006 : Iran/US - Déclenchement d’une crise mondiale majeure
Le Laboratoire européen d’Anticipation Politique Europe 2020 (LEAP/E2020) estime désormais à plus de 80% la probabilité que la semaine du 20 au 26 Mars 2006 voit se déclencher la principale crise politique mondiale depuis la Chute du Rideau de Fer en 1989, accompagnée d’une crise économique et financière d’une ampleur comparable à celle de 1929. Cette semaine de la fin Mars 2006 marquera le point d’inflexion d’évolutions critiques, entraînant une accélération de tous les facteurs conduisant à une crise majeure, même sans intervention militaire américaine ou israélienne contre l’Iran. Dans le cas d’une telle intervention, les probabilités d’une crise majeure, selon LEAP/E2020, atteignent 100%.
Une Alerte fondée sur 2 événements vérifiables
L’annonce de cet événement résulte de l’analyse de décisions prises par les deux acteurs-clés de la crise internationale principale actuelle que sont les Etats-Unis et l’Iran :
--> il s’agit d’une part de la décision iranienne d’ouvrir à Téhéran le 20 Mars 2006 la première bourse pétrolière en Euros, ouverte à tous les producteurs de pétrole de la région ;
--> et d’autre part, de la décision de la Réserve Fédérale américaine d’arrêter à partir du 23 Mars 2006 de publier les chiffres de M3 (l’indicateur le plus fiable sur la quantité de dollars circulant dans le monde [1]).
Ces deux décisions constituent à la fois les indices, les causes et les conséquences de la transition historique en cours entre l’ordre créé après la 2° Guerre Mondiale et le nouvel état d’équilibre international en gestation depuis l’effondrement de l’URSS. Leur magnitude comme leur simultanéité vont agir comme un phénomène catalyseur de toutes les tensions, faiblesses et déséquilibres accumulés depuis plus d’une décennie dans le système international.
Une crise mondiale déclinée en 7 crises sectorielles
Les chercheurs et analystes de LEAP/E2020 ont ainsi identifié 7 crises convergentes que les décisions américaine et iranienne de la semaine du 20 au 26 Mars 2006 vont catalyser en crise globale, affectant toute la planète dans les domaines politique, économique et financier, et probablement militaire :
1. Crise de confiance dans le Dollar
2. Crise des déséquilibres financiers américains
3. Crise pétrolière
4. Crise du leadership américain
5. Crise du monde arabo-musulman
6. Crise de la gouvernance mondiale
7. Crise de la gouvernance européenne
L’ensemble du processus d’anticipation de cette crise est détaillé dans le les prochains numéros du « GlobalEurope Anticipation Bulletin » élaboré par LEAP/E2020, et en particulier dans le N°2 qui paraît ce 16 Février 2006. Y figureront les analyses détaillées de chacune de ces sept crises ainsi que les recommandations pour diverses catégories d’acteurs (notamment gouvernements et entreprises) et des conseils opérationnels et stratégiques pour l’Union européenne.
Décryptage de l’événement « Création de la bourse pétrolière iranienne en Euros »
Cependant, et afin de ne pas limiter cette information aux seuls décideurs, LEAP/E2020 diffuse largement ce communiqué ainsi que les éléments suivants issus de ses travaux.
L’ouverture par l’Iran d’une bourse pétrolière libellée en Euros à la fin mars 2006 marquera la fin du monopole du Dollar sur le marché mondial du pétrole. Le résultat immédiat sera de nature à bouleverser le marché mondial des devises puisque les pays producteurs pourront désormais utiliser l’Euro également pour facturer leur production. Parallèlement, les pays européens en particulier pourront acheter le pétrole directement dans leur devise sans passer par le relais du Dollar. Concrètement, dans les deux cas cela signifie qu’un moins grand nombre d’acteurs économiques aura besoin d’un moins grand nombre de Dollars [2] . Cette double évolution s’exercera donc dans le même sens, à savoir celui d’une réduction très significative de l’importance du Dollar comme monnaie internationale de réserve, et donc d’un fort affaiblissement, durable, de la devise américaine en particulier par rapport à l’Euro. Les évaluations les plus conservatrices placent l’Euro à 1,30 Dollar à la fin 2006. Mais si la crise est de l’ampleur qu’anticipe LEAP/E2020, les estimations donnant l’Euro à 1,70 Dollars en 2007 ne paraissent plus irréalistes.
Décryptage de l’événement « Suppression de la parution de l’indicateur macro-économique M3 »
La suppression de la parution de l’indicateur M3 [3] (ainsi que d’autres indicateurs connexes) par la Réserve Fédérale américaine, décision fortement critiquée par la communauté des économistes et analystes financiers, aura pour conséquence, à la même date, de rendre invisibles les évolutions du nombre de Dollars en circulation dans le monde. On assiste déjà depuis quelques mois aux Etats-Unis à une forte augmentation de M3 (ce qui indique que la «planche à billets » [4] tourne déjà un régime élevé à Washington) ; or le nouveau président de la Réserve Fédérale, Ben Bernanke, est un adepte déclaré de la « planche à billets » . Comme une forte baisse du Dollar se traduira probablement par une vente massive de Bons du Trésor américain détenus en Asie, en Europe ou dans les pays producteurs de pétrole, LEAP/E2020 estime que la décision américaine de ne plus publier M3 vise uniquement à cacher le plus longtemps possible deux décisions américaines, en partie imposées par les choix politiques et économiques de ces dernières années [5]:
. la monétarisation de la dette US
. le soutien monétaire à l’activité économique américaine.
… et ce au moins jusqu’aux élections « mid-term » d’Octobre 2006 afin d’éviter une déroute du Parti Républicain.
Cette décision illustre également l’impuissance des autorités monétaires et financières américaines et internationales face à une situation qui les conduit à préférer supprimer les indicateurs qu’agir sur la réalité.
Décryptage du facteur-aggravant « Intervention militaire contre l’Iran »
Outre les atouts géostratégiques de l’Iran dans la crise actuelle, qui notamment lui permettent d’intervenir aisément et avec un impact majeur sur l’approvisionnement pétrolier de l’Asie et de l’Europe (en bloquant le Détroit d’Ormuz), sur les conflits en cours en Irak et en Afghanistan, sans même mentionner le recours éventuel au terrorisme international, le contexte global de défiance envers Washington crée une situation particulièrement problématique. Loin de calmer les craintes éventuelles concernant l’accession de l’Iran au statut de puissance nucléaire, tant en Asie qu’en Europe [6], une intervention militaire contre l’Iran entraînera une désolidarisation quasi-immédiate des opinions publiques européennes, dans un contexte d’absence quasi-complète de crédibilité de Washington sur ce type de dossiers depuis l’invasion de l’Irak, qui empêchera les gouvernements européens de faire autre chose que suivre leurs opinions publiques. Parallèlement, le risque de flambée des cours du pétrole qui suivrait une telle intervention conduira les pays asiatiques, Chine en tête, à s’opposer à une telle option, obligeant dans ce cas les Etats-Unis (ou Israël) à intervenir seuls, sans caution de l’ONU, et ajoutant donc une grave crise militaire et diplomatique à la crise économique et financière.
Les facteurs pertinents de la crise économique américaine
LEAP/E2020 estime également que ces deux décisions, non officielles, vont entraîner les Etats-Unis et le monde dans une crise monétaire et financière, puis économique sans précédent à l’échelle planétaire. La monétarisation de la dette américaine est en effet un terme très technique pour décrire une réalité d’une simplicité catastrophique : les Etats-Unis entreprennent de ne pas rembourser leur dette, ou plus exactement de la rembourser en « monnaie de singe ». Et ils anticipent une accélération du processus fin Mars en coïncidence avec le lancement de la Bourse Iranienne du Pétrole qui ne peut que précipiter les ventes de Bons du Trésor US par leurs détenteurs non américains.
A ce propos, il est utile de méditer l’information suivante [7] : la part de la dette du gouvernement américain possédée par les banques américaines est tombée à 1,7% en 2004, alors qu’elle était de 18% en 1982. Parallèlement la part de cette même dette détenue par les opérateurs étrangers est passée de 17% en 1982 à 49%.
--> Question: Comment se fait-il que ces dernières années les banques américaines se soient débarrassées de presque toute leur part de la dette publique américaine ?
Parallèlement, afin d’essayer d’éviter en interne l’explosion de la « bulle immobilière », sur laquelle repose l’essentiel de la consommation des ménages américains, et à un moment où le taux d’épargne américain est devenu négatif pour la première fois depuis 1932 et 1933 (au creux de la « Grande Dépression »), l’administration Bush, en partenariat avec le nouveau patron de la Fed, adepte de cette approche monétaire, va inonder le marché américain de liquidités.
Quelques effets attendus de cette rupture systémique
Pour LEAP/E2020, la conjonction, non accidentelle, des décisions iranienne et américaine, marque donc une étape décisive dans le déclenchement d’une crise systémique marquant la fin de l’ordre international tel que constitué après la Deuxième Guerre Mondiale et se caractérisera notamment d’ici la fin 2006 par une chute brutale de la valeur du Dollar US (pouvant conduire à 1 Euro = 1,70 Dollars en 2007) et une pression à la hausse immense sur l’Euro, une hausse importante du prix du pétrole (plus de 100 le baril), une aggravation de la situation militaire américaine et britannique au Moyen-Orient, une crise budgétaire, financière et économique américaine comparable par son ampleur à celle de 1929, des conséquences économiques et financières très graves pour l’Asie en particulier (et notamment la Chine) mais aussi pour le Royaume-Uni [8], un arrêt brutal du processus économique de globalisation, un effondrement de l’axe transatlantique et une montée générale connexe de tous les dangers politiques intérieurs et extérieurs sur l’ensemble du globe.
Pour le particulier détenteur de Dollars, comme pour l’entreprise transnationale ou les décideurs politiques et administratifs, les conséquences de cette semaine de la fin Mars 2006 seront cruciales. Ils impliquent dès aujourd’hui de prendre des décisions difficiles (anticiper une crise est toujours un acte complexe puisqu’il se fonde sur un pari) mais urgentes car une fois la crise déclenchée, c’est le « sauve-qui-peut » général, et l’échec assuré pour ceux qui auront choisi d’attendre.
Pour les particuliers, le choix s’impose de lui-même : le dollar n’est plus une valeur refuge. La montée vertigineuse de l’or depuis un an prouve d’ailleurs que nombreux sont ceux qui ont anticipé cette évolution de la monnaie américaine.
Anticiper… ou être balayé par les vents de l’histoire
Pour les entreprises et les gouvernements, en particulier européens, LEAP/E2020 développe dans sa lettre confidentielle – le GlobalEurope Anticipation Bulletin -, et en particulier dans le N° 2 paru le 16 février, une série de recommandations stratégiques et opérationnelles qui, si elles sont intégrées dans le processus décisionnel dès aujourd’hui, peuvent permettre d’amortir considérablement le « tsunami monétaire, financier et économique » qui va commencer à déferler sur la planète à la fin du mois prochain. Pour prendre une image simple, qui est d’ailleurs directement issue du scénario d’anticipation politique « USA 2010 » [9], les évènements de la semaine du 20 au 26 Mars 2006 seront comparables en termes d’impact sur l’ « Occident » tel qu’on le connaît depuis 1945, à celui de la Chute du Rideau de Fer en 1989 sur le « bloc soviétique ».
Si cette Alerte est si précise, c’est qu’à ce stade de ses analyses, LEAP/E2020 estime désormais que tous les scénarios envisageables conduisent à une seule et même conclusion : nous approchons collectivement d’un « nœud historique » qui est dorénavant inévitable quelle que soit l’action des acteurs internationaux ou nationaux. A ce stade, seule une action directe et immédiate de l’administration américaine visant d’une part à empêcher une confrontation militaire avec l’Iran, et d’autre part, à ne pas « monétariser » la dette extérieure des Etats-Unis, pourrait changer le cours des évènements. Pour LEAP/E2020 il est évident que non seulement une telle action ne sera pas entamée par les dirigeants actuels à Washington, mais qu’au contraire ils ont déjà choisi de « forcer le destin » en se défaussant de leurs problèmes économiques et financiers sur le reste du monde. Les gouvernements européens notamment doivent en tirer très rapidement les conséquences.
Pour information, la méthode d’anticipation politique de LEAP/E2020 a notamment permis à plusieurs de ses experts d’anticiper (et de publier) : dès 1988, la prochaine fin du Rideau de Fer ; dès 1997, l’effondrement progressif de la capacité d’action et la légitimité démocratique du système communautaire ; dès 2002, de prévoir l’enlisement US en Irak et surtout l’effondrement durable de la crédibilité internationale américaine ; dès 2003, d’anticiper l’échec des referenda sur la Constitution européenne. Sa méthodologie d’anticipation des « ruptures systémiques » étant désormais bien établie, il apparaît de notre devoir de chercheurs et de citoyens d’en faire part aux citoyens et aux décideurs européens en particulier ; surtout que pour beaucoup d’acteurs individuels ou collectifs, privés ou publics, il est encore temps d’agir afin de réduire de manière significative l’impact de cette crise sur leurs positions qu’elles soient économiques, politiques ou financières.
L’analyse complète développée par LEAP/E2020 ainsi que ses recommandations stratégiques et opérationnelles à destination des acteurs privés et publics, seront présentées dans les prochains numéros du GlobalEurope Anticipation Bulletin, et plus particulièrement dans son N°2 (parution 16 Février 2006).
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1. Ces décisions ont été prises il y a déjà plusieurs mois :
. les informations sur la création par le gouvernement iranien d’une bourse pétrolière en euro (http://www.mehrnews.com/en/NewsDetail.a ... sID=260851 )ont commencé à être citées par la presse spécialisée dès l’été 2004.
. la Réserve fédérale a annoncé le 10 Novembre 2005 qu’elle cesserait de publier les informations concernant M3 à partir du 23 Mars 2006 : http://www.federalreserve.gov/releases/h6/discm3.htm
2. Il est intéressant de noter en consultant le tableau 13B des statistiques financières de Décembre 2005 de la Banque des Règlements Internationaux intitulé International Bonds and Notes (in billions of US dollars), by currency ), qu’à la fin de 2004 (hors Chine), 37.0% des actifs financiers internationaux étaient labellés en Dollars US contre 46,8% en Euros ; alors qu’en 2000, la proportion était inverse avec 49,6% labellés en Dollars US et seulement 30,1% en Euros. Cela indique que les décisions de fin mars 2006 ne vont faire qu’accélérer une tendance de fuite hors du Dollar qui est déjà en cours.
3. Les agrégats monétaires (M1, M2, M3, M4) sont des indicateurs statistiques économiques. M0 est la valeur d’une monnaie, en l’occurrence le Dollar, qui existe sous forme de billets et de pièces. M1 représente M0 plus les comptes bancaires dans cette monnaie. M2 est constitué de M1 plus les dépôts d’épargne et les certificats de dépôts (CD) inférieur à 100.000. M3 comprend M2 plus les dépôts à terme au sens large (réserves d’Eurodollars, instruments financiers plus importants ainsi que la plupart des réserves des pays non-Européens) de 100 000 dollars ou plus. L’élément décisif, c’est donc qu’avec la fin de la publication de M3 par la Réserve fédérale américaine, le monde entier perdra toute visibilité sur la valeur des réserves en Dollars par les autres pays et les institutions financières majeures.
4. Voir son discours éloquent sur ce sujet devant le Club des Economistes à Washington DC en Novembre 2002
(http://www.federalreserve.gov/boarddocs ... efault.htm )
5. L’évolution prévisible des taux d’intérêts aux Etats-Unis et dans la zone Euro indique d’ailleurs que la hausse des taux d’intérêts américains est en phase finale alors qu’elle commence dans la zone Euro. Cela réduira d’autant l’attractivité du Dollar par rapport à l’Euro. Il faut noter que l’évolution à la hausse du Dollar en 2005 a été essentiellement nourrie par ce différentiel de taux d’intérêts favorable au Dollar, et par la loi de rapatriement des avoirs américains à l’étranger (valable uniquement pour une année) qui a fait revenir plus de 200 milliards aux Etats-Unis au cours de l’année 2005.
(source : CNNmoney.com
http://money.cnn.com/2005/10/05/news/econo...erseas_profits)
6. Et en ce qui concerne l’Europe, LEAP/E2020 souligne que les gouvernements européens ne sont plus en phase avec leurs opinions publiques sur les grands sujets, en particulier concernant l’intérêt collectif européen. Le GlobalEuromètre de Janvier 2006 souligne d’ailleurs très bien cette situation avec un indice TIDE-Légitimité à 8% (qui indique que pour 92% des sondés les dirigeants de l’UE ne représentent pas leurs intérêts collectifs) et un indice TIDE-Action à 24% (qui indique que moins d’un sondé sur 4 pense que les dirigeants européens sont capables de traduire leurs décisions en actions concrètes). Selon LEAP/E2020, les déclarations publiques de soutien à Washington venues de Paris, Berlin ou Londres ne doivent pas cacher le fait que les Européens se désolidariseront très vite des Etats-Unis en cas d’attaque militaire (le GlobalEurometre est un indicateur d’opinion européenne publiant chaque mois dans le GlobalEurope Anticipation Bulletin 3 chiffres dont 2 sont publics).
7.(source : Bond Market Association,
http://www.dailykos.com/story/2006/1/28/122315/558 )
8. Le Royaume-Uni est en effet détenteur de près de 3.000 milliards de créances en , soit près du triple de pays comme la France ou le Japon. (source Banque des Règlements Internationaux, Table 9A, Consolidated Claims of Reporting Banks on Individual Countries )
9. Cf. GlobalEurope Anticipation Bulletin N°1 (January 2006)
(Source : http://www.europe2020.org/fr/section_global/150206.htm)
a écrit :
Communiqué Public LEAP/E2020
15 Mars 2006
Usa-Dollar-Iran / Confirmation Crise Systémique Globale
fin Mars 2006
Neuf indices prouvent que la crise est en train de commencer
A travers notamment l’analyse de 9 indices développée dans le GlobalEurope Anticipation Bulletin N°3 coordonné par Franck Biancheri, et dont cinq sont présentés dans ce communiqué public, LEAP/E2020 confirme son alerte concernant le déclenchement d’une crise systémique globale pour la fin du mois de Mars 2006. Les évolutions internationales récentes affectant en particulier le fonctionnement du système financier international et les évolutions préoccupantes aux Etats-Unis notamment quant à la fiabilité des statistiques concernant l’économie américaine [1], conduisent en effet notre équipe de recherche à conclure que cette crise systémique globale est déjà en train de commencer.
Tout se joue bien autour de M3 [2] …
Comme l’illustre la plupart des 5 indices présentés dans ce communiqué, les dernières semaines ont confirmé le rôle d’indicateur décisif que constitue la décision par la Réserve Fédérale américaine d’arrêter le 23 Mars 2006 la publication de M3 [3]. LEAP/E2020 est désormais convaincu que cette décision anticipe une période qui va voir une accélération de fonctionnement de la planche à billets des Etats-Unis, camouflée derrière un discours de maîtrise de l’inflation, aboutissant à un effondrement du Dollar US et une monétarisation de la dette américaine (publique et privée) dont un nombre croissant de spécialistes aux Etats-Unis estiment qu’elle ne pourra jamais être remboursée [4] vu son montant gigantesque en augmentation constante (la dette publique américaine représente désormais plus de 8.000 milliards de Dollars [5], soit près de 4 fois le budget fédéral 2006 [6]). Selon la très conservatrice Heritage Foundation, si l’on intègre les conséquences budgétaires des décisions prises récemment par l’administration Bush concernant la santé et les retraites, la dette réelle est de 42.000 milliards de Dollars, soit 18 fois le budget fédéral, et trois fois et demi le PIB américain de 2005 [7].
… et de l’Iran
Tout en confirmant le rôle catalyseur de l’ouverture d’une bourse pétrolière en Euro par l’Iran (dont les récentes déclarations iraniennes laissent entendre qu’en cas d’aggravation de la crise les autorités iraniennes [8] pourraient tout simplement décider d’effectuer leurs transactions internationales en Euro, suivant en cela la Syrie [9] qui a décidé d’adopter cette politique il y a quelques semaines) et/ou d’une attaque américaine et/ou israélienne contre l’Iran qui sera probablement une « attaque surprise » et sans soutien du Conseil de Sécurité de l’ONU [10], l’ampleur de la réaction à la publication du communiqué LEAP/E2020 a mis à jour un malaise profond d’une partie des acteurs du système financier, en particulier des acteurs individuels. L’impact particulièrement important aux Etats-Unis où les réactions se sont focalisées sur la question, centrale à nos yeux désormais, de M3, de la bulle immobilière, des déficits américains et de la réalité des résultats annoncés de l’économie américaine, a conduit LEAP/E2020 à centrer ce deuxième communiqué mensuel public sur cet aspect de la crise systémique globale, d’autant que des éléments particulièrement préoccupants se sont faits jours ces dernières semaines.
La bulle immobilière vient bien d’éclater…
Par ailleurs certaines des prévisions faites par LEAP/E2020 sont déjà devenues réalité comme l’éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis (baisse de 5% des ventes de maisons neuves en Janvier 2006 par rapport à Janvier 2005, une première depuis 5 ans, et extension à près de 6 mois du stock de maisons à la vente, chiffre le plus élevé depuis 1998 [11]). La fin de la bulle immobilière américaine va progressivement affecter la consommation des ménages américains qui est elle-même dépendante de leur endettement croissant gagé sur leurs biens immobiliers [12], parallèlement le ralentissement de l’immobilier va directement affecter la création d’emploi puisque ce secteur a à lui seul fourni 40% des créations d’emplois privés ces cinq dernières années aux Etats-Unis.
… les monnaies et les bourses des pays émergents sont bien les premières touchées par la crise…
Au cours de la semaine du 20 Février 2006, la baisse de la côte de la Couronne islandaise par les agences internationales de notation du fait de l’ampleur des déficits islandais a entraîné une baisse brutale de 10% de cette monnaie suivie de baisses connexes des monnaies brésilienne, sud-africaine, mexicaine et indonésienne [13] du fait des positions spéculatives prises par les opérateurs intervenant sur les monnaies des marchés émergents. La semaine du 6 Mars 2006, c’est au tour des monnaies d’Europe centrale et orientale [14] d’être brutalement attaquées à cause des craintes que représentent leurs déficits excessifs et des nouvelles politiques (hausses d’intérêts et/ou réduction des liquidités par les banques centrales européenne et japonaise). Enfin depuis le 14 Mars 2006, on assiste à un crash des bourses arabes [15] dont celles d’Arabie saoudite et des Emirats arabes (déjà plus de 15% perdus en vingt-quatre heures et les experts locaux s’attendent à une baisse de 50% à 60% dans les prochaines semaines).
… et la crise de confiance dans l’économie américaine est bien un facteur-clé du déclenchement de crise globale
L’un des éléments laissant penser que la crise est déjà en train de commencer est bien l’extraordinaire impact de l’Alerte LEAP/E2020 de Février 2006, qui constitue en soi un indicateur d’une inquiétude immense à l’échelle mondiale. Selon LEAP/E2020, le système financier international, et en particulier sa base « Dollar » [16], n’est en fait plus fondé que sur deux piliers interconnectés : d’une part la confiance des acteurs dans le système lui-même, et d’autre part les statistiques qui décrivent l’évolution du système. Au titre de ce deuxième pilier, l’impact de l’Alerte LEAP/E2020 au niveau mondial constitue en soi un facteur très important à analyser [17] puisque les dizaines de millions de pages vues, les centaines de milliers de visiteurs individuels sur le site Europe 2020, les traductions spontanées de l’article dans près d’une vingtaine de langues et sa reprise par des centaines de sites, de médias et de blogs dans le monde, et en particulier la popularité de l’analyse aux Etats-Unis même, témoignent d’une inquiétude croissante face à l’évolution du système lui-même. Cet élément est en effet partie intégrante de la crise systémique globale dans un système où le facteur psychologique, la confiance, est devenu central.
Cinq des neuf indices qui témoignent de l’accélération du processus de crise
Voici selon LEAP/E2020, cinq des neufs indices qui prouvent que la crise systémique a déjà commencé :
1. la situation de cessation de paiement du gouvernement américain depuis la mi-Février 2006, car il a atteint le plafond d’endettement autorisé par le congrès. Depuis cette date, le gouvernement américain a cessé d’émettre les « State and Local Government series (SLGS) nonmarketable Treasury Securities », emprunts des collectivités locales américaines, pour continuer à pouvoir émettre les Bons du Trésor US [18]. D’après le ministre des Finances US, John Snow, si à la mi-Mars, le congrès n’a pas voté une hausse du plafond d’endettement de 800 milliards de dollars supplémentaires (soit 10% du plafond actuel de 8 200 milliards de Dollars US, pourtant déjà augmenté deux fois ces 3 dernières années), la cessation de paiement deviendra effective.
2. la démission surprise du N°2 de la Réserve Fédérale, Roger Ferguson, en charge des crises une semaine après la parution de notre alerte de Février, alors qu’il lui restait encore un mandat de 8 ans [19]. Roger Ferguson était celui que les milieux créditaient de la gestion monétaire réussie du 11 Septembre 2001 puisqu’il était aux commandes alors que Greenspan était en Europe ce jour-là. Son opposition aux choix stratégiques du nouveau président de la Réserve Fédérale américaine était de notoriété publique.
3. la décision par la Banque de Chine, principal organisme chinois gérant les réserves de change, d’autoriser ses clients à échanger leurs Dollars US contre de l’or afin notamment de diversifier ses avoirs aujourd’hui principalement en Dollars US [20].
4. l’accroissement continu des déficits public et commercial US en 2006 (respectivement 119 milliards pour Février et 68,5 milliards pour Janvier) montre qu’il n’y a aucune maîtrise des tendances en cours, et qu’au contraire on constate une accélération des dérives. Le déficit mensuel du budget est le plus élevé jamais enregistré. Le discours dominant à Washington ne cherche même plus à évoquer un redressement, mais se contente d’expliquer que ces déficits sont sans importance car l’économie a changé. C’était également le discours dominant à la veille de l’éclatement de la bulle « Internet », avec la « nouvelle économie » [21]. On sait ce qu’il en a été. A titre d’information, ces cinq dernières années les Etats-Unis ont emprunté au reste du monde plus d’argent que dans toute leur histoire cumulée de 1776 à 2000 [22].
5. les doutes croissants aux Etats-Unis même sur la fiabilité des statistiques économiques américaines [23], qui débouchent sur des analyses indiquant que depuis trois ans le PNB américain est en fait en régression et non pas en croissance [24], et que l’inflation réelle est actuellement entre 6 et 12% aux Etats-Unis (ce qui évidemment à des conséquences directes sur la rentabilité réelle des différents types d’investissements).
Mesure de l’indice des prix à la consommation selon trois méthodes différentes : en Bleu la méthode utilisée sous la présidence Clinton, en Orange la méthode utilisée par l’administration Bush et en Jaune la méthode en cours d’élaboration par les autorités américaines.
L’anticipation est donc bien de circonstance pour tenter de limiter les dégâts
Une crise systémique se répand comme un tsunami progressant à travers l’océan et affectant les différentes côtes avec des délais variables. Quand la vague touche la côte, le tsunami s’est formé depuis déjà un long moment. Et c’est donc en étant informé le plus tôt possible que chacun peut espérer prendre les mesures nécessaires de sauvegarde. En tout état de cause, pour LEAP/E2020, au vu des neufs indices décrits ci-dessous, il ne fait désormais aucun doute que la crise entre désormais dans sa phase de déclenchement. Le GlobalEurope Anticipation Bulletin N°3 détaille l’ensemble de ces analyses et indique certaines pistes de solution en terme d’aide à la décision pour essayer d’éviter qu’acteurs privés ou publics ne soient pris au dépourvu.
Au vu des tendances très lourdes et convergentes en direction de la crise systémique annoncée, seules des tendances tout aussi puissantes pourraient inverser l’évolution décrite par LEAP/E2020. A ce jour, LEAP/E2020 n’est pas parvenu à identifier la moindre de ces tendances « inverses ». Contrairement à ce qu’on peut lire parfois, « les crises arrivent même si elles ne semblent pas dans l’intérêt collectif » (la première guerre mondiale ou la crise de 1929 en constituent deux bons exemples). Les dirigeants internationaux n’ont plus aucune maîtrise des évènements comme le démontre chaque jour la crise iranienne, la guerre civile irakienne, ou l’absence de maîtrise des déficits américains. Il est illusoire de les imaginer en « deus ex machina » résolvant à la dernière minute des problèmes qu’ils ont contribué à développer ces dernières années. Et enfin, en cas de crise, et contrairement à ce qu’il s’est passé ces dernières décennies, le Dollar ne jouera plus le rôle de valeur refuge car la perte de confiance dans les Etats-Unis et leur monnaie (y compris par les Américains eux-mêmes) est justement l’un des facteurs de cette nouvelle crise.
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Au-delà des analyses détaillées dans GEAB 3, LEAP/E2020 souhaite donner deux indications claires aux lecteurs de son communiqué public:
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quand une crise systémique globale approche, il est essentiel de diversifier ses avoirs au maximum, car dans l’imprévisibilité de son déroulement, seule cette diversification assure d’éviter de perdre trop. Et c’est là un élément important à garder à l’esprit : dans une crise générale, l’objectif n’est plus de gagner, mais devient de ne pas trop perdre.
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en matière de devises, LEAP/E2020 a pu constater que ses analyses et conseils stratégiques concernant l’Euro ont été lus et commentés largement au plus haut niveau des dirigeants de la zone Euro. Cela renforce notre sentiment que l’Euroland constitue dans les mois à venir la seule zone monétaire capable de résister correctement à la crise du Dollar. Les décideurs ont pris conscience dans les délais nécessaires des mesures à prendre pour le jour venu.
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1. Source MSN Money, 6/03/2006
2. Source Communiqué LEAP/E2020 Février 2006
3. Source US Federal Reserve
4. Déclaration de Brian Riedl, économiste en chef de l’Heritage Foundation.
5. Source US National Debt Clock
6. Source Budget Explorer
7. Source Heritage Foundation
8. Source AFP, Vienne – 9 Mars 2006 : L'Iran "n'utilisera pas l'arme du pétrole pour l'instant car nous ne voulons pas la confrontation avec les autres pays. Mais si la situation change, nous serons obligés de changer notre attitude et notre politique", a déclaré à l'AFP Javad Vaïdi, numéro deux du Conseil suprême de la sécurité nationale.
9. Source Al Jazeera 14/02/2006
10. La Russie et la Chine confirment leur opposition aux sanctions économiques et évidemment a fortiori à toute action militaire contre l’Iran (source AP/Nouvel Observateur, 13/03/2006). La coalition CDU/SPD au pouvoir à Berlin exploserait en cas d’un soutien de Berlin à une intervention militaire contre Téhéran. Et en France l’opinion publique étant très majoritairement contre une telle intervention, le gouvernement serait in fine obligé de se démarquer de cette option et ne pourrait pas y participer sauf à ouvrir une crise politique majeure dans le pays. Le temps joue donc actuellement pour Téhéran qui maintient sa menace pétrolière et monétaire (Euro).
11. Source USA Today, 28/02/2006
12. Voir GlobalEurope Anticipation Bulletin N°2
13. Source Forex, 26/02/2006
14. Sources : Warsaw Business Journal et Budapest Times
15. Source : GulfBase, 15/03/2006
16. Standard & Poor’s, l’agence internationale de notation vient d’ailleurs de préciser qu’un effondrement du Dollar face aux monnaies européennes constitue un risque très réel pour l’année 2006. Source Standard & Poor’s European Economist Forecast 2006
17. Quelques informations factuelles permettent de prendre la mesure de cet impact en un mois, qui a constitué une surprise pour notre équipe elle-même :
* le site Europe 2020 propulsé dans le top 100.000 des sites mondiaux classés par Alexa.com depuis la parution de l’Alerte
* plus de 10 millions de pages vues sur le site Europe 2020 (source Alexa.com )
* un site comme Newropeans-Magazine, qui a repris l’Alerte Leap/E2020, nous a confirmé un trafic du même ordre (source Alexa.com)
* Leap/E2020 a identifié des traductions libres sur des sites en plus de 20 langues (dont le Russe, l’Arabe, le Chinois, ….)
* une reprise en Anglais ou Français sur des centaines de sites et de blogs
* plus de 4.000 abonnements à la newsletter gratuite Europe 2020, dont près de la moitié venus des Etats-Unis
* des réactions positives à 80% et provenant pour plus des 2/3 de la communauté financière ou d’investisseurs privés, y compris de grandes banques d’investissement.
18. Source Bureau of the Public Debt – United States Department of Treasury
19. http://www.cjrdaily.org/the_audit/fed_watc...eporters_so.php
20. Source China View – Xinhua – 03/03/2006
21. De 2002 à 2005, l’estimation de la richesse nette des ménages américains s’est accrue de plus de 13.000 milliards de Dollars US soit une augmentation de 33% en trois ans, ce qui surpasse largement le précédent record de 11.000 milliards de Dollars US d’accroissement de cette même « richesse » entre 1997 et 1999 … à la veille de l’éclatement de la Bulle Internet – Source : US Federal Reserve – Z1
22. Source SFGate – San Francisco Chronicle – 27/11/2005
23. Source Gillespie Research
24. Source JWSGS February 2006 Edition
(Source : http://www.europe2020.org/fr/section_global/150306.htm)