Selon le KPRF (Parti "Communiste" de la Fédération cde Russie, le PC officiel) 224.000 personnes ont participé aux actions de protestation du 12 février. L'impression que j'ai c'est que ces protestations sont l'expression d'un ras-le-bol massif des classes populaires de Russie face aux réformes capitalistes. En lisant le compte-rendu du camarade de Iaroslav, où presque 700 journaux trotskistes ont été vendus, je me dis que la situation actuelle en Russie doit être exceptionnelle...
Voilà quelques informations sur cette journée tirée de sites russes :
a écrit : La mobilisation dans différentes régions de Russie
Source : site du KPRF
Belogorsk (Oblast de l’Amour) : Rassemblement d’environ 800 personnes.
Birobidjan (Région Autonome Juive) : Environ 4.000 personnes ont manifesté contre la politique sociale et économique du gouvernement.
Blagovetchensk (Oblast de l’Amour) : Le meeting a regroupé environ 2.000 personnes. Dans de nombreuses autres villes de l’oblast, il y a également eu des actions.
Daguestan : A Makhatchkala, capitale du Daguestan, 1.500 personnes se sont rassemblées contre la loi sur la monétarisation des aides sociales. D’autres actions ont été organisées dans cette république du Caucase, rassemblant en tout 6.000 manifestants.
Kaliningrad : Plus de 2.000 personnes se sont rassemblées devant le monument de la Mère Russie au centre de la ville. Lors du meeting, on peut noter l’intervention d’Elbrous Abdoulovitch Beliaev, âgé de 79 ans et représentant de l’Union des Vétérans de la Grande Guerre Patriotique (deuxième guerre mondiale) qui a dit : « J’ai défendu Moscou en 1941, et aujourd’hui, 60 ans après la victoire, on me dit que je n’ai plus le droit au métro gratuit dans la capitale ! ».
Komsomol-sur-l’Amour : Le meeting de protestation a rassemblé 3.000 personnes.
Kraï de Stavropol : Des actions ont été organisées dans 9 villes du kraï de Stavropol comme Stavropol, Nevinnomisk, Blagodarnom ou Minerlanye Vody. En tout, 30.000 personnes ont participé aux protestations. A Stavropol, le meeting a rassemblé 8.000 personnes. Parmi les slogans, on peut noter « Non à la monétarisation ! », « Démission du gouvernement Fradkov-Poutine », « Démission de la Douma de Russie ! » ou « Rendez les acquis ! ».
Krasnoïarsk : Environ 3.000 manifestants lors de l’action contre la monétarisation des aides sociales. Un meeting s’est d’abord tenu devant le Théâtre d’Opéra et de Ballet, puis la manifestation est passé par la rue Karl Marx pour se terminer devant le mémorial de Lénine, Place de la Révolution.
Moscou : Entre 7 et 8.000 personnes (selon l’AKM) jusqu’à plus de 10.000 (selon le KPRF) ont participé au rassemblement contre la politique sociale du gouvernement à l’appel de différents partis, mais aussi de syndicats et d’associations de retraités. Ce meeting a, selon le reportage du KPRF, rassemblé aussi beaucoup de jeunes. A la tribune, les mesures anti-populaires et les ministres capitalistes ont été dénoncés. Le représentant de l’Union des Jeunes Communistes a, lui, expliqué : « Nous sommes les enfants de l’URSS, les enfants du socialisme, et nous construirons le communisme ! ». Après le meeting, alors que le KPRF appelait les manifestants à ne pas les suivre, les militants de l’AKM (Avant-Garde de la Jeunesse Rouge) ont tenté de partir en manifestation, sous les applaudissements de vétérans. Ils ont été très vite sauvagement matraqués par l’OMON (équivalent de nos CRS), plusieurs militants de cette organisation ont été victimes de commotions sérieuses et l’un d’entre eux, Roman Katkov, a dû être hospitalisé.
Nijni-Novgorod : Prêt de 12.000 manifestants contre la politique sociale de Poutine. Parmi les slogans, on peut noter « A bas les ministres capitalistes ! ». Les manifestants s’en sont essentiellement pris à la Douma d’Etat, à la réforme des tarifs municipaux et à la loi sur la monétarisation des avantages. Des actions ont également dans les 37 centres de rayon de l’oblast comme Bor, Kstovo, Bogorosk, Sarov, ou Dzerjinsk. En tout, 30.000 personnes ont manifesté dans l’oblast de Nijni-Novgorod.
Novossibirsk : 600 à 700 personnes se sont rassemblées contre la politique anti-sociale de Poutine par une température de –17 degrés. Le Parti « Edinaïa Rossia » organisait de son côté un meeting pour soutenir Poutine, meeting qui n’a rassemblé que 200 personnes et qui s’est déroulé « sans enthousiasme » selon le KPRF.
Oblast de Sakhaline : 2.000 habitants de l’oblast ont participé aux actions de protestation.
Oudmourtie : La manifestation à Ijevsk a rassemblé au moins 8.000 personnes (7.500 selon la police, entre 8.000 et 9.000 selon le KPRF local).
Oufa (Bachkirie) : Environ 2.000 personnes ont participé au meeting de protestation Place des Soviets à Oufa. Deux autres milliers de personnes ont participé à des actions dans d’autres villes de Bachkirie.
Oulan-Oude (République des Bouriates) : Le meeting de masse pour protester contre la monétarisation et la politique de Poutine a regroupé 1.500 personnes dans la capitale bouriate. Lors du meeting, un groupe de provocateurs du LDPR (parti de Jirinovsky, extrême-droite alliée à Poutine) ont tenté de perturbé l’action de protestation, ce qui a provoqué une bagarre qui a été dispersée par la milice.
Orel : Plus de 2.000 personnes se sont rassemblées à Orel contre la monétarisation de l’aide sociale et la politique sociale du gouvernement. A noter que dans d’autres villes de l’oblast se sont tenus des meetings (Mtsensk, Bolkhov, Dmitrovsk…) ou des piquets (Livny, Sverdlovsk, Soskovsk…). C’est en tout plus de 4.000 personnes qui ont manifesté dans l’oblast.
Pskov : 2.000 personnes, essentiellement des retraités, des invalides et des étudiants se sont rassemblées Place Lénine pour participer à un meeting de protestation.
République des Komis : En tout 4.150 personnes ont manifesté dans la République.
Rostov-sur-le-Don : Piquet de protestation contre la monétarisation.
Saint-Pétersbourg : Meeting de 5.000 personnes.
Saratov : Manifestation d’environ 3.500 personnes qui ont traversé le centre-ville sous les drapeaux rouges pour finir par un meeting sur la place principale de la ville.
Vladivostok : Plus de 2.000 manifestants.
a écrit : Le meeting à Kourgan, sud-ouest de la Sibérie
A 11 heures commençait, à côté du Palais de la Culture des Constructeurs de Machines le meeting organisé par les communistes de Kourgan, les gauches syndicales et les associations patriotiques de vétérans. La place principale, la Place Lénine, où se tiennent habituellement de tels meetings, avait été formellement refusé par les autorités municipales. C’est donc sur une petite place que se sont rassemblées plus de 2.000 personnes. Pour les communistes, tenir un meeting par un tel froid était une nouveauté. Pas de tribune, seule une petite place sur le perron du Palais de la Culture des Constructeurs de Machines. Le froid, 27 degrés en dessous de zéro, ne permettait pas de longues discussions. Les gens se sont approchés tout prêt du perron, et pendant une heure, tant que durait le meeting, personne n’est parti. Sur le perron, les représentants des collectifs ouvriers ont pris la parole, puis V.A Kislitsyn, premier secrétaire du Comité Régional du Parti Communiste de la Fédération de Russie. Dans chaque intervention, on pouvait entendre la même ligne : « Tout ce pouvoir doit partir, du président du pays aux administrations locales ». En outre, la revendication de démission de Poutine et de dissolution de la Douma et du gouvernement se faisaient entendre.
L’intervention de l’assistant du gouverneur Alexandre Mazeine fut la plus courte. Après avoir déclaré deux fois que la loi sur la monétarisation avait été accepté, qu’il n’y avait rien d’autre à faire que de l’accepter et de travailler avec, et qu’il faisait tout son possible pour adoucir son application, le grondement des voix indignés ont interrompu son intervention.
On ne sait pourquoi, mais après les mots sur « les conséquences de l’application de la loi », on avait la sensation réelle d’entendre parler d’une opération de combat avec des victimes inévitables dans la population civile. Le meeting s’est ensuite achevé brusquement, même pour nous les organisateurs. Ayant annoncé la fin du meeting, L.M. Zoteev, le secrétaire du comité de la ville de Kourgan du Parti Communiste, a entonné d’une voix puissante : « Debout les damnés de la terre, debout les forçats de la faim… ». Et l’Internationale a été reprise par toute la place. Lors du meeting, la décision de créer des conseils pour l’auto-organisation et la légitime défense des citoyens avait été accepté.
Le même jour, dans la même ville, deux heures plus tard, avait lieu le meeting de soutien au pouvoir. Ce meeting a réuni près de 200 personnes. Ici, il n’y avait pas de slogans sur les ours, et on ne sentait pas de souhaits vifs et sincères pour la monétarisation et le président du pays. Tout était cérémonieux et décent. Deux rangées de drapeaux bleus clairs avec des ours dessinés dessus, à côté d’eux quelques jeunes garçons avec des slogans écrits en bleu clair : « Tous avec le président » et « Plutôt de l’argent que des avantages en papier ». Les fonctionnaires se suivent à la tribune et donnent lecture de façon ennuyeuse de mots de soutien inconditionnel à la politique du président et du parti qui gouverne en pillant le peuple. Le fonctionnaire de la région rapporte avec étonnement que sur 1.500 vétérans de la région, il n’a entendu aucune plainte, que tous sont très contents. Une femme âgée à côté de moi me glisse, « oui, personne ne proteste au cimetière ». Personne n’écoute les interventions, les gens sont séparés par groupes et causent avec animation entre eux. Le fait est qu’ici, ce sont essentiellement des collaborateurs de l’Etat qui ont été regroupés sur ordre des autorités, et qu’ils n’ont aucun intérêt pour les paroles de leurs chefs. La parole est prise par un des chefs de l’organisation des vétérans. Il remarque les grands mérites pour le pays de Kroutchev, Brejnev et Gorbatchev, puis après une pause, part sur les mérites « reconnus par toute la nation » de Boris Eltsine. J’écoute avec attention, pensant qu’il s’agit d’humour chez ce vieillard, mais non, il finit tout à fait sérieusement. Vingt minutes après son commencement, le meeting s’achève. Tous s’empressent vers leurs voitures. Devant nous passe le vétéran qui parlait tout à l’heure avec des lunettes sombres. Notre vieux camarade Grigory Denisovitch Trejakov l’interpelle : « Pourquoi tu ne salues pas ? ». Il s’arrête, serre les mains, s’excuse de ne pas nous avoir remarqués à travers ses lunettes sombres. « Mais pourquoi ces lunettes, tu as si honte que ça ? » demande notre camarade au vétéran. Celui-ci ne sait que répondre, et, confus, part avec hâte.
Victor Vodennikov (Indymédia Russie)
a écrit : Témoignage d'un trotskiste sur le meeting à Iaroslav
La mobilisation de masse, qui existait depuis longtemps uniquement dans la rhétorique de la gauche, devient enfin une réalité. Cela se montre évidemment dans la croissance des protestations dans tout le pays, qui faiblissent pas, contrairement à ce que disent les médias, et malgré les appels au calme du pouvoir et les répressions contre les « instigateurs » réels ou imaginaires du mécontentement populaire. Encore récemment, Iaroslav était considéré comme un endroit assez calme : les actions de protestation organisées par le Parti Communiste de la Fédération de Russie ou les quelques antiglobalistes ne réunissaient que quelques dizaines ou quelques centaines de personnes. Seules les grandes fêtes révolutionnaires, comme le 1er Mai ou le 7 novembre, qui se déroulent traditionnellement sous les drapeaux rouges, pouvaient mobiliser 1.500 habitants de la ville.
La situation a changé depuis la fin d’octobre quand le piquet traditionnel des retraités devant le bâtiment de l’oblast s’est transformé en bagarre avec la tentative de prendre d’assaut cette citadelle du pouvoir régional. Puis, le 10 décembre, à la fin d’un meeting tout à fait ordinaire, un groupe de personnes âgées ont bloqué la circulation Place Volkov. La Douma locale examinant ce jour la suppression de la gratuité des transports publics, fut obligée de faire des concessions. (…)
Le meeting du 1er février, qui s’est de nouveau achevé par le blocage des rues, malgré cette fois l’arrestation « préventive » de quelques vieillards, n’avait pas regroupé plus de 800 personnes. Cependant, on sentait dans l’air, si ce n’est une atmosphère de « guerre civile », au moins un développement de la conscience civile. La rude augmentation des tarifs municipaux a chauffé l’atmosphère sociale de la ville à son paroxysme. Les conversations anti-gouvernementales éclataient partout, dans les transports et les cantines, dans les magasins et à la poste. La conscience indolente du provincial (au sens traditionnel et non propre du mot) s’était réveillée.
Le 12 février une nouvelle onde de protestation, initiée par une large coalition d’associations (syndicats, mouvements pour les droits humains, certains groupes anti-globalistes) unies au SOS (Conseil de la Solidarité Sociale), a traversée la Russie. A Iaroslav où, comme dans d’autres villes, on manque de syndicats alternatifs de combat, les organisateurs de la protestation étaient les « communistes », les membres du parti ultra-réactionnaire « Narodnaïa Volia » et les fascistes du Parti National-Bolchevik (PNB). La gauche alternative, « Résistance Socialiste » et une partie des anarchistes, était représenté par des dizaines de militants, essentiellement des étudiants, de jeunes professeurs et des boursiers en thèse. Le caractère massif de l’action, malgré le peu de publicité et l’autorisation donnée au dernier moment par les pouvoirs publics, a battu tous les records et surpassé tous les pronostics. La zone piétonne, devant la tour Znamenskoï, était littéralement noire de monde. Les trolley bus complètement pleins s’arrêtant à l’arrêt voisin versaient dans la foule de nouvelles centaines de manifestants. Estimer le nombre de participants à vue de nez est problématique, nous n’avons que les données des organisateurs et de la milice, mais le chiffre se compte en milliers, ce qui montre la montée extraordinaire pour Iaroslav de la mobilisation sociale.
Presque 700 exemplaires de « Notre Solidarité » et de « L’Avant garde de gauche » (NdT : journaux du groupe « Résistance Socialiste ») ont été instantanément vendus, se dissolvant comme une goutte d’eau dans la mer. L’extrême-gauche, sous la banderole de « Résistance Socialiste » et les drapeaux rouges et noirs, perchés sur un haut tas de neige au milieu de la foule rappelait les naufragés au milieu de l’océan. De tous les côtés venaient des dizaines de mains qui nous demandaient des journaux. Plusieurs en prenaient une dizaine pour « les distribuer à la maison » ou « les diffuser à l’usine ». D’autres s’empressaient de venir raconter « à la jeunesse » tout ce qu’ils avaient de douloureux sur l’âme. Des mots sonnaient comme un refrain : « si vous les jeunes, vous ne vous y mettez pas, le pays sera perdu ».
Entre temps, les membres du KPRF, de « Rodina » et les canailles nationalistes commençaient le meeting. M. Vorobev, « l’intercesseur national » dirigeait le meeting et appelait au micro « les patriotes de la terre de Iaroslav », mais inspirait moins le respect que L. Boïka, travailleuse de l’entreprise ZAO « Kholodmach », organisatrice des protestations ouvrières et des actions judiciaire contre la direction du combinat. Cependant, une grande partie des tribuns ressemblait à des fous à la bouche écumante : la poétesse soviétique Irina Barinova hurlait « La Russie au Russes » dans le micro, et Gennady Fedorov est resté dans les mémoire en prononçant la phrase « Poutine se gratte la tête en comptemplant les retraités » puis en accusant le gouverneur Lisitsyne de… pédérastie !
Il était temps de ne plus laisser se diluer ces conneries brunes de la part des tribuns, aussi avec le camarade Nastej (de Résistance Socialiste) nous avons décidé de nous frayer un chemin vers le micro. On sait cependant ce qu’est la liberté dans la société bourgeoise, une liberté formelle (…). Ayant aperçu les trotskistes prêts de lui, Vorobev a annoncé que « tous » pourront intervenir. Sans faire attention aux cris « Donnez la parole au jeune ! » qui fusaient de partout, différentes interventions se sont poursuivies au micro, avec des « poètes », des fous urbains et les mamies des villages de Lioutov . Enfin, il a annoncé la résolution de la fin du meeting puis a donné « la parole au jeune » en limitant son intervention à… une minute ! Il fallait donc formuler rapidement notre programme. Le sens de mon intervention était : « Chacun de nous doit devenir révolutionnaire ! Il faut s’unir ! Dans la lutte pour la cause commune, il n’y a pas de place pour les préjugés et le chauvinisme. Les travailleurs des différentes nationalités doivent manifester leur solidarité avec la jeunesse et la génération âgée, se délivrer des bureaucrates et des Cents-Noirs dans le mouvement. Il nous faut la paix, la liberté et la justice sociale, il nous faut la révolution socialiste ouvrière ! ». Descendant de la tribune, j’ai senti les étreintes amicales du peuple. Des dizaines de gens, des hommes et des femmes, des retraités, des invalides et des ouvriers me serraient la main et me parlaient avec des mots chaleureux et remplis d’émotion. Il semblait que j’avais exprimé quelque chose que les gens attendaient (…).
La lutte continue !
Ivan Ovsjannikov (Résistance Socialiste, Iaroslav) – Source : Indymédia Russie