
a écrit :Les Irakiens ont défié par les urnes les menaces terroristes
LE MONDE | 31.01.05 | 14h40
Le scrutin du dimanche 30 janvier a vu une participation supérieure à celle que craignaient les autorités. Malgré plusieurs attentats meurtriers, on a voté massivement à Bagdad, dans les régions à prédominance chiite et au Kurdistan. Le processus n'a guère atteint le "triangle sunnite".
Bagdad de notre envoyé spécial
"Aujourd'hui, l'Irak a vaincu les terroristes. La tentative d'assaut d'Abou Moussab Al-Zarkaoui pour faire dérailler le processus électoral a échoué. Les terroristes ont perdu la guerre. C'est une victoire pour les Irakiens", a claironné Taher Naqib, porte-parole du premier ministre intérimaire Iyad Allaoui, dimanche soir 30 janvier, deux heures après la fermeture des bureaux de vote à 17 heures locales.
"Les choses se sont bien passées et les Irakiens ont participé au scrutin à travers tout le pays. Désormais, les terroristes auront moins de liberté d'action", a-t-il ajouté, minimisant les différentes attaques au mortier et les attentats-suicides qui se sont produits au cours de cette journée qualifiée d'"historique".
Pour M. Naqib, toutes les actions armées qui ont eu lieu dimanche à travers le pays et principalement à Bagdad sont comparables, si l'on peut dire, à une journée normale de violences. D'ailleurs, le couvre-feu sera levé dès lundi matin. Toutefois l'état d'urgence restera en vigueur.
Trente-six personnes, 30 civils et 6 policiers, ont été tuées et 96 autres, en majorité des civils, ont été blessées dans des actes de violence sur l'ensemble du territoire irakien, selon un bilan du ministère de l'intérieur. Sept attentats-suicides ont été commis rien qu'à Bagdad, selon l'armée américaine qui a assuré que dans la plupart des cas les forces irakiennes ont empêché les auteurs des attentats d'arriver jusqu'aux bureaux de vote.
Toutefois, dans un communiqué publié sur un site Internet, au nom du terroriste jordanien Abou Moussab Al-Zarkaoui, "émir" du groupe Al-Qaida en Irak, il y aurait eu treize attentats-suicides au total au cours de la seule journée du scrutin. Ils ont visé, selon le texte, des bureaux de vote et "la zone verte", cette partie ultra-fortifiée du centre de Bagdad qui abrite, entre autres, le siège du pouvoir provisoire irakien, ainsi que les ambassades des Etats-Unis et de Grande-Bretagne. Samedi, un obus de mortier avait visé l'ambassade américaine, tuant deux Américains et blessant cinq autres. "Nous avons gâché leurs noces", indiquait le texte.
M. Naqib a dit sa confiance "dans la reprise de contrôle de la situation dans un futur proche", en mettant en avant la mise sur pied des forces de sécurité irakiennes qui, selon lui, ont montré leur efficacité en cette journée cruciale. De fait, l'attentat spectaculaire et extrêmement meurtrier tant redouté, qui aurait déstabilisé le scrutin et terni son déroulement, ne s'est pas produit.
"UNE PREMIÈRE ÉBAUCHE"
S'agit-il donc d'un succès ? Pour le savoir, il faudra attendre les résultats définitifs du taux de participation. Après l'avoir chiffré à 72 %, les responsables de la commission électorale indépendante (CEI) ont fait machine arrière dans la soirée en faisant remarquer qu'il ne s'agissait que d'estimations fournies par des agents électoraux à 14 heures, sur la base des votes enregistrés et de l'importance des queues devant les bureaux de vote. "Ce sont des chiffres bruts établis à partir de comptes rendus verbaux en fonction de la situation sur le terrain", indique un communiqué qui souligne qu'"il faudra un certain temps avant d'avoir des chiffres précis".
Sans doute un ou deux jours, a fait remarquer Farid Ayar, porte-parole de la commission. "Nous espérons plus ou moins 8 millions de votants, mais pour le moment nous n'en savons rien", a-t-il confié.
Si cette évaluation était confirmée, elle correspondrait à un pourcentage supérieur à 50 %, sans que l'on soit en mesure de l'établir avec précision, car l'évaluation du nombre total des électeurs inscrits a constamment varié, passant de 12,6 millions à 14,2 millions. L'enregistrement s'est fait sur la base des cartes de rationnement de l'époque des sanctions contre le régime de Saddam Hussein. A l'exception toutefois de deux provinces, celle d'Al-Anbar, à l'ouest, et celle de Ninive (Mossoul) au nord, deux régions perturbées par la guérilla pour lesquelles il a été décidé d'inscrire les votants sur les listes électorales lors du vote. Si bien que la participation, même si elle est faible, ce qui est probable, sera de 100 % puisque le nombre des électeurs ne sera pas connu.
Quoi qu'il en soit pour M. Ayar, "la roue de la démocratie a commencé à tourner car les bases et les principes d'un processus électoral ont été établis. C'est une première ébauche, une tâche difficile et nous l'avons réussie. Désormais, il y aura toujours des élections libres. Le sang n'a pas coulé dans les rues de Bagdad comme certains messages l'avaient prédit".
DOUBLE COMPTAGE
Il a malgré tout reconnu qu'une soixantaine de bureaux électoraux n'avaient pas ouvert leurs portes. Pour bon nombre d'entre eux, il s'agit de la région agitée au sud de Bagdad appelée "triangle de la mort" en raison des attaques permanentes qui y sont effectuées par la guérilla. En revanche, à en juger d'après l'affluence dans les régions à majorité chiite ou kurde, le taux de participation devrait être élevé.
Après l'annonce définitive de ce taux, il faudra encore attendre quelques jours pour savoir qui l'a emporté et, finalement, tiré les leçons de cette triple consultation, nationale, provinciale et kurde dans la seule région du Kurdistan.
La centralisation des bulletins de vote et le double comptage vont prendre du temps. Les résultats ne devraient être connus, au mieux, que dans le courant de la semaine.
Michel Bôle-Richard
Je trouve la partie sur la participation assez significative. Il a été proclamé jusqu'à 80% de participation hier soir, puis 72% et finalement autour de 60% et peut-être au bout du compte "superieur à 50%".