
a écrit :Copenhague de notre envoyé spécial
Divorce à la scandinave : LO (Landsorganisation), la principale confédération syndicale danoise, vient de rompre ses liens avec le Parti social-démocrate (PSD), après un siècle de relations quasi incestueuses. L'influente organisation syndicale parie sur cette émancipation, entérinée lors d'un congrès extraordinaire, début février, pour enrayer le transfert de ses membres vers d'autres syndicats à l'image plus moderne : quelque 115 000 personnes ont quitté LO depuis 1996, année record pour elle en terme de membres payants (1,3 million de personnes sur une population totale de 5,5 millions de Danois).
Conçue à l'origine pour défendre les intérêts des "travailleurs", elle ne répond pas aux attentes des jeunes qui s'orientent de plus en plus vers le secteur des services.
La confédération estimait en outre pâtir de ses liens étroits avec un parti désavoué par une majorité de ses membres : seulement 30 % d'entre eux ont voté pour le PSD lors des élections législatives de 2001, contre 32 % pour le Parti libéral.
Cette rupture constitue un nouveau revers pour les sociaux-démocrates. Moins bien implantés que leurs "frères" suédois, ils ont dû retourner dans l'opposition depuis le scrutin de 2001 (29 % des voix), après neuf ans passés à la tête d'un gouvernement minoritaire de centre-gauche. Depuis, ils n'ont pas réussi à redorer leur blason, en dépit d'un changement de chef. Hormis le camouflet idéologique infligé par LO au PSD, cette prise de distance va se traduire par un important manque à gagner financier. Chaque année, la centrale syndicale versait au total 11 millions de couronnes (1,5 million d'euros) au parti à la rose. La direction de LO laissera toutefois aux vingt fédérations qui lui sont affiliées la possibilité de continuer à soutenir le PSD en période préélectorale.
"LE PRIX À PAYER"
Certaines de ces fédérations, métallurgistes en tête, auraient souhaité maintenir les liens avec le PSD. Au QG flambant neuf de LO, bâti dans l'ancien port de Copenhague, Rune Noergaard, son porte-parole, reconnaît que la confédération était "globalement satisfaite de la politique menée par les sociaux-démocrates quand ils étaient au pouvoir". Certes, il y a eu des périodes de frictions : dans les années 1970, un ex-président de LO avait même traité le premier ministre social-démocrate de l'époque de "petite merde"... Mais, en général, les deux partenaires faisaient cause commune face au camp "bourgeois".
"La rupture était le prix à payer pour assurer le renouvellement de LO", concède M. Noergaard. Exit donc l'étiquette social-démocrate : lors de son congrès, l'organisation a adopté une série de principes autour desquels elle compte désormais mener son action. "Plus de liberté pour les individus, tout en garantissant l'égalité et la solidarité", résume le porte-parole.
LO se veut désormais indépendante des partis et prête à collaborer avec tous ceux qui le souhaitent pour accroître son influence. Le dialogue existe avec le gouvernement de centre-droite mené par le libéral Anders Fogh Rasmussen, mais le courant passe nettement moins bien qu'avec son prédécesseur. LO devra s'y faire, puisque le premier ministre semble solidement installé aux affaires, bien qu'il dépende du soutien, au Parlement, du Parti du peuple danois (DF), une formation d'extrême droite.
Antoine Jacob
Le Monde 25/02/2003
Encore une illustration et pas forcément réjouissante.