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Le vent du boulet pour le gouvernement Olmert
En Israël, une commission d'enquête parle-mentaire va être lancée pour répondre aux critiques sur la conduite des opérations.Par Didier FRANÇOIS
QUOTIDIEN : Mardi 15 août 2006 - 06:00
Jérusalem de notre correspondant
Un front s'éteint, l'autre s'embrase. «Le cessez-le-feu entré en vigueur est respecté en dehors d'incidents localisés», a assuré le ministre de la Défense, Amir Peretz, aux élus de son parti réunis à Jérusalem pour une session extraordinaire du Parlement. Mais la bataille, pour le gouvernement israélien, s'est désormais déplacée sur le «front» intérieur.
Se sentant libérés de l'obligation de réserve que leur imposait la guerre, les députés commencent à donner de la voix. Benyamin Nétanyahou, chef de file de la droite nationaliste, a certes évité les attaques frontales contre le Premier ministre Ehud Olmert lors de son discours d'orientation devant la Knesset pour ne pas pouvoir être accusé de construire son image sur les morts de ce conflit. Mais tout, dans son attitude, suggérait la condamnation des choix opérationnels retenus au Sud-Liban. Et, pour que les choses soient absolument claires, le Likoud a fait monter au créneau l'entourage immédiat du patron, envoyant Yuval Steinitz décrire l'offensive libanaise comme «la guerre la plus misérablement conduite de toute l'Histoire d'Israël».
«Leurre». Plus à droite, Effi Eytam, du Parti national religieux, a fustigé «ce cessez-le-feu qui n'est qu'un leurre, un simple répit dont le Hezbollah a besoin pour pouvoir se réarmer et se préparer au prochain round». La gauche n'est pas en reste dans la critique. «Nous devons savoir pourquoi Tsahal a reçu l'ordre de réaliser en 48 heures ce qui n'a pas pu être fait en un mois», s'est interrogé Yossi Beilin, tête de file des laïcs du Meretz et promoteur de l'initiative de paix de Genève. Il a également réclamé la constitution d'une commission d'enquête parlementaire. Amir Peretz a d'ailleurs cédé à cette demande : «Je suis disposé à la constitution d'une équipe qui examinera de manière approfondie tout ce qui s'est passé avant le déclenchement de la guerre et pendant qu'elle se déroulait», a-t-il affirmé devant ses députés.
Cet ancien syndicaliste au passé militaire des plus ordinaires sait être la cible, au sein de son parti, d'une campagne de sape menée par une brochette d'anciens généraux reconvertis en politique et qui acceptent mal sa direction. Mais la fronde couve également au sein même du cabinet, à l'encontre d'Ehud Olmert, premier chef de gouvernement sans passé d'officier. Le seul ministre à s'être abstenu lors de la ratification de la résolution de cessez-le-feu est le général Shaul Mofaz, ancien chef d'état-major et ministre de la Défense de Sharon.
«Trous». «Cet accord est plein de trous», s'est permis hier le ministre des Infrastructures, Binyamin Ben-Eliezer, alors que ses collègues s'escrimaient à expliquer que la résolution 1 701 est une victoire d'Israël. «Il donne le sentiment que nous avons perdu la guerre.» Autre preuve de dissensions croissantes, un ministre a décidé de s'adresser anonymement au quotidien Maariv pour expliquer que le «gouvernement ne pourra pas échapper à la création d'une commission d'enquête, car l'opinion veut un coupable pour les manquements constatés».
Le pire reste que le jeu de la patate chaude ne semble pas se limiter aux cercles des politiciens. Les généraux de Tsahal commencent à se renvoyer la responsabilité d'une campagne qui ne se termine pas sur une victoire glorieuse et indiscutable. Le général Dan Haloutz, chef d'état-major et aviateur, aura certainement contribué à aiguiser les passions en chargeant son adjoint direct, le général Moshé Kaplinsky, de coordonner les opérations aériennes, navales et terrestres au Liban, au beau milieu de la semaine dernière. Cette décision a eu l'effet de désavouer dans les faits le général Udi Adam, commandant du front nord, officier de cette armée de terre qui contemplait avec scepticisme la priorité donnée à l'armée de l'air au début de l'offensive. Ces différends dans les hautes sphères militaires devront peut-être être mis de côté si les pronostics du général Amos Yadlin sont exacts. Le patron des renseignements militaires a déjà fait savoir qu' «une prochaine confrontation avec le Hezbollah est inéluctable».
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