Avec une pandémie comme celle-ci causée par un virus nouveau, chaque décision y compris prise par les autorités de santé est susceptible de devenir rapidement
obsolète et c'est ce qui rend les choses difficiles, la médecine en temps de paix ce n'est pas la même chose que la médecine en temps "de guerre" comme dirait Macron. Il faut sans cesse s'adapter et tous les spécialistes de la question (Raoult compris) ont été à un moment ou un autre amenés à revoir leur point de vue sur le sujet. Les choses vont vite.
D'après ce que je comprends, quand les pouvoirs publics parlent de réserver l'hydroxychloroquine aux cas sévères, ils ne parlent pas (je l'espère) des gens au stade de la réanimation mais des
nombreux patients simplement hospitalisés et dont beaucoup n'auront jamais besoin d'aller en réa. Ce n'est bien sûr pas quand les patients sont anesthésiés et intubés qu'on leur donne le médicament, il n'y a pas de forme injectable et comment feraient-ils pour avaler un comprimé même réduit en poudre dans de l'eau ?
Avec les éléments dont on dispose aujourd'hui (bien que toujours pas suffisants pour avoir des certitudes), et en recoupant avec l'exemple d'autres maladies virales comme la grippe où les antiviraux ont une (faible) efficacité mais seulement au tout début de l'infection,
oui il y aurait une logique à donner l'hydroxychloroquine plus tôt, puisque son effet supposé est antiviral. Il faudrait le faire avec certaines précautions à cause du risque d'effets secondaires, donc sous contrôle médical.
Raoult en donne carrément à tous les patients positifs, même ceux ne présentant pas de symptômes, et à tous âges, même ceux où le risque d'une forme grave est très faible, et là, on peut se demander pourquoi faire prendre le risque d'un effet secondaire grave du médicament à des gens qui ne sont pas malades ou ont très peu de risque de l'être. Sauf à se lancer dans une politique, non pas de simple traitement des malades, mais
d'éradication du virus, et alors dans ce cas, il faut le dire et... tester tout le monde mais prendre toutes les précautions nécessaires.
Or ce qui bloque toujours c'est... le manque de tests. Tant qu'on ne teste pas au moins tous les malades, on n'est pas prêts de leur donner de l'hydroxychloroquine de façon précoce quand bien même ça leur serait utile ! Pire, on ne teste même plus certains qui auraient été considérés comme à tester au début de la pandémie. Maintenant c'est : (télé)consultation auprès du médecin généraliste et si l'état n'est pas grave on reste chez soi (sans être testé et sans recevoir d'hydroxychloroquine). Si l'on se sent plus mal, on appelle le 15, si cela semble justifié on est hospitalisé, puis testé et donc là on reçoit de l'hydroxychloroquine. Le 15 lui-même ne sait pas si ceux qu'il a transportés à l'hôpital sont positifs ou pas.
Quelques exemples de contre-indications, précautions d'emploi et effets secondaires de l'hydroxychloroquine (issus du Résumé des Caractéristiques du Produit) :
- l'hydroxychloroquine est contre-indiquée chez les patients qui prennent certains antidépresseurs (citalopram / SEROPRAM et génériques, escitalopram / SEROPLEX et génériques) ou tranquillisants (hydroxyzine / ATARAX et génériques, ce produit étant aussi utilisé en préparation à l'anesthésie...) ; et chez les patients qui prennent de la dompéridone (MOTILIUM et génériques) contre les nausées et vomissements. En effet, le risque de graves troubles du rythme cardiaque qui existe séparément avec l'hydroxychloroquine et avec ces médicaments, est majoré par leur association.
- le risque doit être "soigneusement pesé" chez les patients qui prennent d'autres médicaments qui, comme l'hydroxychloroquine, "abaissent le seuil épileptogène" (= facilitent l'apparition de convulsions) "en raison de la sévérité du risque encouru". Ces médicaments sont... la plupart des antidépresseurs ; les neuroleptiques ; le bupropion (ZYBAN pour arrêter de fumer) ; le tramadol (l'un des anti-douleur les plus répandus).
- "en raison du risque génotoxique potentiel de l'hydroxychloroquine (...), par mesure de précaution, une contraception efficace est recommandée chez les hommes et les femmes en âge de procréer pendant le traitement et jusqu'à 8 mois après l'arrêt du traitement". Donc ça se discute de l'administrer à des patients jeunes en âge de procréer si les symptômes sont faibles ou absents. Le médecin doit rappeler aux patients l'importance de la contraception, mais dans la vie réelle tout ne se passe pas forcément comme prévu. D'autant que les hommes aussi doivent y recourir.
- pour la même raison, l'hydroxychloroquine "ne doit pas être utilisée au cours de la grossesse à moins que la situation clinique justifie la poursuite du traitement au regard des risques potentiels encourus par la mère et le foetus". Donc, là aussi, cas bénins / cas sévères à distinguer... Il faudra vérifier ensuite que l'enfant n'a pas de séquelles ophtalmologiques. Pour les jeunes mères, l'allaitement est contre-indiqué.
- l'hydroxychloroquine peut entraîner divers troubles ophtalmologiques bénins à graves (en général c'est plutôt en utilisation à long terme donc là le risque paraît plus faible).
- l'hydroxychloroquine peut provoquer des douleurs abdominales et des nausées, plus rarement des vomissements ou de la diarrhée.
- l'hydroxychloroquine peut provoquer "une hypoglycémie sévère avec perte de connaissance pouvant mettre en jeu le pronostic vital chez des patients traités ou non par des médicaments antidiabétiques" et elle peut augmenter l'effet hypoglycémiant des antidiabétiques. Donc, on prend un risque avec un patient qui retournerait chez lui et resterait tout seul...
- elle peut provoquer des affections cardiaques, des troubles hématologiques (rares mais parfois très graves comme l'aplasie médullaire où la moëlle osseuse ne produit plus ou plus assez de globules blancs, de globules rouges et de plaquettes), des problèmes dermatologiques bénins à graves, des troubles neurologiques et psychiatriques etc.
Ces différents effets secondaires sont généralement "rares" (mais pas "très rares"). Les douleurs abdominales et nausées sont "fréquentes".