La Libye, l'autre pays du mirage

Dans le monde...

Message par com_71 » 03 Avr 2011, 01:48

tiré (je crois) du Monde 01 04 2011

a écrit :

Le passé chargé des rebelles libyens

Lorsque Moussa Koussa, le ministre des Affaires étrangères de Kadhafi a décidé de brûler les ponts avec le régime, il n’a pas rejoint la rébellion mais la capitale britannique, là où sa carrière sur la scène internationale a commencé quelque 30 ans plus tôt comme ambassadeur. En 1980, il a été expulsé de Londres sur ordre du gouvernement parce que Moussa Koussa ne cachait pas ses intentions de régler leur compte à deux opposants au régime du colonel. Compte-t-il rejoindre aujourd’hui cette même résistance ?

Quoi qu’il fasse, cet homme n’aura pas la sympathie de Sofia. Ici, l’affaire des infirmières bulgares - dans laquelle il a été l’un des principaux interlocuteurs de l’Occident - a laissé des souvenirs douloureux. Et aux yeux des Bulgares, cela commence à bien faire aussi. Moussa Koussa est au moins le quatrième acteur de poids de cette affaire à avoir retourné sa veste depuis le début de la révolte libyenne. Le leader du Conseil national de transition, Moustapha Abdeljalil, ancien ministre de la justice du colonel a été le premier. “Pour nous il reste le président de la cour d’appel de Tripoli qui a confirmé la peine de mort des infirmières”, rappelle Guéorgui Milkov du quotidien 24 Tchassa, journaliste arabisant qui a suivi depuis 1999 la saga des infirmières jusqu’à leur libération en 2007. “C’est un fidèle parmi les fidèles qui, en récompense de son intransigeance dans ce procès, a été nommé ministre en 2007″, poursuit-il.

Et puis, il y a Idris Laga. Cet homme, qui se présente aujourd’hui comme le coordinateur militaire du CNT, est surtout connu en Bulgarie comme le président de l’Association des parents d’enfants infectés - très active pendant toute l’affaire des infirmières. “Officiellement indépendante, cette organisation a été crée par le régime pour faire monter les enchères en instrumentalisant la douleur des victimes”, estime l’universitaire Vladimir Tchoukov, l’un des meilleurs spécialistes du monde arabe en Bulgarie. Et le portrait qu’il dresse d’Idris Laga n’est pas flatteur non plus : “Il s’agit d’un homme avide et sans scrupules, animé par une haine profonde de l’Occident”, estime-t-il. Ce chercheur, qui a le mérite d’avoir épluché toute la presse libyenne de l’époque - y compris celle qui se réclamait de l’opposition - dit aujourd’hui qu’il tient à ce que “la France sache qui elle soutient en Libye”.

Le 11 mars, à Bruxelles, c’est le Premier ministre bulgare, Boïko Borissov himself, qui a mis les pieds dans le plat. Il a violemment réagi à la décision - défendue par la France - de considérer le CNT comme un interlocuteur politique digne de foi. “Dans ce conseil il y a des gens qui ont torturé nos infirmières”, s’est-il insurgé après une sérieuse prise de bec à ce sujet avec Nicolas Sarkozy. Sans donner de noms, il a certainement visé encore un transfuge de poids, le ministre de l’Intérieur du régime de Tripoli, Abdel Fattah Younis. Accueilli par une foule en délire à Benghazi fin février, le général Younis est devenu la coqueluche des Occidentaux - le Quai d’Orsay relate sur son site une conversation téléphonique entre lui et Alain Jupé le 5 mars - qui espèrent que son ralliement va permettre aux insurgés de reprendre du poil de la bête sur le terrain militaire. A Sofia, la presse l’avait surnommé le “tortionnaire en chef” à cause des mauvais traitements dont se sont plaintes les infirmières - viols, électrochocs et morsures de chiens notamment - attribués à ses hommes et destinés à leur faire avouer des crimes qu’elles affirment n’avoir jamais commis.

“Plus qu’aucun autre pays, la Bulgarie devrait soutenir l’intervention militaire en Libye. Et aussi se souvenir qu’il s’agit d’un bel exemple de solidarité européenne” : depuis Bruxelles, s’élève aussi une autre voix bulgare, celle de la député européenne Nadejda Mikhaïlova-Neïnski, représentante de la droite libérale et ministre des Affaires étrangères de son pays au moment où éclate l’affaire des infirmières. Pour elle, le changement de camp des principaux acteurs libyens de cette affaire n’est pas vraiment la question. “De toute façon, ils ont agi sur ordre de Kadhafi. Or, aujourd’hui la priorité, c’est de chasser, tous ensemble, Kadhafi”.

Et après ? Après, selon Vladimir Tchoukov, l’Europe devrait surtout miser sur les représentants de la diaspora libyenne, les seuls à son avis à ne pas être compromis avec l’ancien régime. Et c’est ce que Paris et Londres font déjà, d’une certaine façon. “Mais il ne faut pas oublier que l’opposition libyenne à l’étranger n’a jamais condamné le régime au moment de l’affaire de nos infirmières”, ajoute Guéorgui Milkov. “Ses représentants l’ont soit passé sous silence soit salué les actions de Kadhafi”. Un passé - encore un -, qui ne passe pas : sur ce point les Bulgares aussi en savent quelque chose.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par abounouwas » 03 Avr 2011, 12:57

bref,
Granit est sur des positions de type "mouvements de libération nationale", ces MLN qui ont dévoyé les luttes sociales pendant des décennies avec l'assentiment des staliniens, pour regrouper les masses en lutte autour de drapeaux nationaux.
Et ce n'est même pas sûr que l'on verra une révolution bourgeoise dans ces révoltes arabes, quant à ce qu'elles aboutissent, eh bien cela dépendra des directions et des modes d'organisation qu'elles se donneront.
En Libye, on a le CNT(L) qui est issu de la même bureaucratie qui opprime la population depuis 40 ans.
Parler d'une commune, c'est vraiment se payer de mots, tiens, d'ailleurs, les insurgés n'ont pas employé ce terme, est-ce à dire qu'ils sont inconscients d'être des communards... ?
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Message par Zorglub » 03 Avr 2011, 13:19

Et comment ne pas ouvrir les yeux sur le fait que Sarkozy et Cameron, à défaut d'être des internationalistes prolétariens, sont de grands révolutionnaires bourgeois ? :altharion:
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Message par Puig Antich » 03 Avr 2011, 14:06

a écrit :Non, l'intervention militaire impérialiste n'a pas sauvé "la commune de paris" Libyenne, car il y en avait pas, car l'écrasante majorité de la population exploité en Libye ne se retrouve pas derrière les pro-kadafi ou les anti-kadafi, encore moins derrière l'impérialisme internationale !


Il n'y a évidemment aucun pouvoir ouvrier à Benghazi. Et alors ? Cela n'enlève rien au soutien que nous devons apporté à l'insurrection - en dépit de ses chefs. En prenant la Katiba et en détruisant l'appareil militaro-policier d'Etat, la population de Benghazi a mené une lutte juste et courageuse dans des conditions qu'elle ne maîtrise pas.

Et elle ne maîtrise pas notamment les calculs cyniques de l'impérialisme qui a attendu que les forces kadhafistes soient à ses portes pour intervenir pour des objectifs qui n'ont certes rien à voir avec le droit des peuples mais qui s'accommodent temporairement d'une insurrection affaiblie mais pas vaincue - pour diviser le pays. Ces calculs sur lesquels le peuple libyen n'a aucune influence, il ne peut qu'en prendre acte et tenter de les retourner en sa faveur ... la seule véritable défaite de l'impérialisme serait la victoire de l'insurrection jusqu'à Tripoli.
Puig Antich
 
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Message par abounouwas » 03 Avr 2011, 14:11

Oui au soutien à l'insurrection,
non au soutien à ses chefs auto-proclamés issus de l'appareil répressif

En quoi ont-ils détruit l'appareil militaro-policier dans l'Est ? Des défections massives et locales ont transféré ce pouvoir aux mains d'une nouvelle clique.

L'impérialisme serait défait si l'insurrection l'emporte ? Première nouvelle. Tu peux expliquer ?
abounouwas
 
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Message par Puig Antich » 03 Avr 2011, 14:23

Je dis pas qu'il serait défait, mais qu'il subirait une première défaite, car son calcul n'est pas, à mon avis, que l'insurrection l'emporte à l'Ouest, mais qu'elle se partage le pays avec Kadhafi. Les appels, hier, à la négociation et à un cessez-le-feu de ses chefs autoproclamés vont dans ce sens. Les impérialistes veulent un pays affaibli, aussi bien son régime que son peuple, pour imposer leurs conditions.

Ils ne veulent donc pas d'un pays uni - mais maîtriser l'approvisionnement de pétrole et les évolutions politiques à en Cynéraïque, et avoir dans cette zone un " gouvernement " à leur botte pour servir leurs intérêts dans la région - à la fois vis à vis de Kadhafi, mais aussi bien de l'Egypte, etc. C'est du moins un calcul qui transparaît nettement dans les déclarations et analyses de nombreux diplomates, analystes bourgeois bien en vue - et aussi un scénario déjà expérimenté en Irak.

A Benghazi, le peuple a pris le siège de la police militaire. Cela ne change rien au contenu anti-populaire des forces qui dominent là bas mais c'est tout de même significatif d'une insurrection populaire...
Puig Antich
 
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Message par luc marchauciel » 04 Avr 2011, 08:25

Sur la question qui fait débat ici [= comment se positionner face à l'intervention impérialiste en Libye], les arguments de ceux qui disent qu'on ne peut pas ici s'y opposer frontalement sont bien résumés dans ce texte de Gilbert Achcar, très bon conaisseurr du Moyen Orient, et dont la lecture vaut le coup même si on ne partage pas ses conclusions [je suis pas loin de les partager et d'être plutôt d'accord avec ce que dit ici Granit] :

http://orta.dynalias.org/inprecor/article-inprecor?id=1125

Il introduit ça par cette citation de Lénine :

a écrit :
« La Paix de Brest-Litovsk, a été de fait un compromis avec les impérialistes, mais un compromis qui, compte tenu des circonstances, était nécessaire… Le rejet “par principe” de tout compromis, le rejet de l’éventualité des compromis en général, quelle qu’en soit la nature, est un enfantillage qu’il est difficile de prendre au sérieux à un quelconque niveau… Il faut se donner la possibilité d’analyser la situation et les conditions concrètes de chaque compromis ou de chaque type de compromis. Il faut apprendre à faire la distinction entre celui qui abandonne son argent et ses armes à des bandits dans le but d’amoindrir le mal qu’ils peuvent faire et de faciliter leur capture et leur exécution, et celui qui apporte son argent et ses armes à des bandits dans le but de partager le butin. » Vladimir Illitch Lénine


Et voici un extrait, le reste se lit sur le lien donné ci dessus :

a écrit :
Et maintenant, que faire devant tout cela ? Un soulèvement de masse, faisant face à une menace bien réelle de massacre à grande échelle, qui demande la création d’une zone d’exclusion aérienne pour l’aider à résister à l’offensive criminelle du régime. Contrairement aux forces anti-Milosevic au Kosovo, les insurgés libyens ne demandaient pas l’occupation de leur pays par des troupes étrangères. Au contraire, ils avaient de bonnes raisons de ne faire aucune confiance à un tel déploiement : leur lucidité, à la lumière de l’Irak, de la Palestine, etc., quant aux visées impérialistes des puissances mondiales, ainsi que leur propre expérience de la manière dont le tyran qui les opprime a été choyé par ces mêmes puissances. Ils ont très clairement rejeté toute intervention étrangère sur le sol libyen, demandant simplement une couverture aérienne. Et, à leur demande, la résolution du Conseil de Sécurité a explicitement exclu « le déploiement d’une force d’occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n’importe quelle partie du territoire libyen ».

Je ne m’attarderai pas sur les arguments inacceptables de ceux qui tentent de jeter le doute sur la nature de la direction du soulèvement. Ce sont, en général, les mêmes qui croient que Kadhafi est un progressiste. Les dirigeants du soulèvement sont un mélange de dissidents politiques et intellectuels, défenseurs des droits démocratiques et des droits humains, dont certains ont passé de longues années dans les geôles de Kadhafi, d’hommes qui ont rompu avec le régime pour rallier la rébellion et de représentants de la diversité régionale et tribale de la population libyenne. Le programme qui les réunit est un programme de transformation démocratique : libertés politiques, droits de l’homme et élections libres — comme pour tous les autres soulèvements dans la région. Et si ce à quoi pourrait ressembler une Libye post-Kadhafi n’est pas clair, deux choses sont certaines : ce ne pourrait être pire que le régime de Kadhafi et ce ne pourrait être pire que le scénario plus évident d’un rôle crucial joué par les Frères Musulmans dans l’Égypte de l’après-Moubarak, que certains on invoqué comme prétexte pour soutenir le dictateur égyptien.

Une personne se réclamant de la gauche peut-elle ignorer une demande de protection émanant d’un mouvement populaire, même si elle s’adresse aux gendarmes-bandits de l’impérialisme, quand le type de protection demandée n’est pas de nature à permettre la prise de contrôle de leur pays ? Certainement pas, selon ma conception de la gauche. Aucun vrai progressiste ne peut ignorer la demande de protection émise par le soulèvement — à moins, comme c’est trop souvent le cas dans la gauche occidentale, d’ignorer tout des circonstances et de la menace imminente de massacre à grande échelle, et de ne s’intéresser à la situation qu’après que leur propre gouvernement ait décidé d’intervenir, déclenchant ainsi leur réflexe d’opposition contre son intervention (un réflexe plutôt sain d’ordinaire, il faut dire). Dans chaque situation où les anti-impérialistes se sont opposés aux interventions militaires dirigées par l’Occident et prenant la prévention de massacres comme prétexte, ils ont mis en évidence les alternatives montrant que l’option du recours à la force, choisie par les gouvernements occidentaux, découlait uniquement de leurs visées impérialistes.
luc marchauciel
 
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Message par titi » 04 Avr 2011, 19:09

ben voyons, une direction bourgeoise va succéder à une autre direction bourgeoise, l'impérialisme rappelle qui est le maitre, bombardiers à l'appui, et cherche à se mettre une nouvelle couche de peinture démocratique

eh bien sans moi

ils nous font souvent le coup, par exemple la "guerre de la démocratie contre la dictature" en 39-45, et pendant quelques décennies, ces démocraties ont perpétré massacre sur massacre face à bien des peuples

par exemple la république démocratique, qui colonisait dans le sang les peuples d'afrique


quand un chef de gang exécute un second trop violent, vous applaudissez vous ?
titi
 
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