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a écrit :Venezuela : « Le processus révolutionnaire continue, mais les contradictions sont à l’œuvre »
Stalin Perez Borges, dirigeant syndical et militant trotskyste de longue date, est au cœur du processus révolutionnaire au Venezuela. Il est l’un des quatre « coordonnateurs nationaux » de la nouvelle - et aujourd’hui majoritaire - centrale syndicale, l’UNT. Il est aussi membre du « comité impulseur » du nouveau parti en formation, le Parti de la révolution et du socialisme.
Peux-tu nous donner ton appréciation sur l’étape actuelle du processus au Venezuela ?
Stalin Perez Borges : Le processus révolutionnaire continue, mais les contradictions sont à l’œuvre, la corruption et l’inefficacité le minent. À l’occasion des récentes élections des conseils municipaux et conseils de quartiers, on a vu des affrontements entre les bases des partis chavistes et des secteurs dirigeants qui ont imposé bureaucratiquement leurs candidats. Pour l’instant, l’affrontement au sein du processus révolutionnaire avec ces secteurs conservateurs bureaucratiques gouvernementaux est surtout verbal. Mais nous pensons qu’il peut à l’avenir devenir beaucoup plus aigu et impliquer, surtout si l’affrontement avec l’impérialisme [1] devient plus tendu, un approfondissement considérable de la situation révolutionnaire.
Quelle est la situation au niveau syndical ?
Avec les crises du coup d’État contre Chavez [2], en avril 2002, le blocage pétrolier patronal de fin 2002-début 2003 [3] et la trahison ouverte de la vieille centrale, la CTV, les travailleurs ont compris la nécessité de prendre eux-mêmes en mains leurs organisations syndicales. C’est sur ce phénomène, à l’échelle de tout le pays, qu’une nouvelle centrale syndicale, l’Union nationale des travailleurs (UNT), s’est constituée. L’UNT s’est considérablement renforcée. C’est maintenant la centrale qui compte la majorité des organisations syndicales dans le pays. Il est difficile de chiffrer sa force réelle pour l’instant, mais nous pouvons estimer que nous sommes au-delà du million d’affiliés et que l’immense majorité des grands syndicats est affiliée à l’UNT. Au sein de la direction de l’UNT, il y a quatre tendances. Nous attendons le prochain congrès pour savoir si le secteur bureaucratique - un courant réformiste avec beaucoup de dirigeants corrompus et incompétents - est majoritaire. Il y existe aussi le courant de la « Force bolivarienne des travailleurs », qui est proche du pouvoir et qui est aussi un courant réformiste. Et puis, il y a le « courant classiste », dont beaucoup de cadres sont à l’origine de la fraîche création du Parti de la révolution et du socialisme (PRS).
Peux-tu nous en dire un peu plus sur le PRS ?
La création du PRS est une conséquence de cette bataille dans l’UNT. Dans la plupart des rencontres organisées dans tout le pays, la majorité des intervenants demandait la création d’une force distincte de celles qui, aujourd’hui, se réclament de Chavez, c’est-à-dire le MVR, le PPT, Podemos, le Parti communiste et quelques autres. Voyant cette nécessité, nous avons décidé de créer le PRS. Nous pensons que, dans la situation actuelle, les travailleurs ont besoin d’une organisation politique qui défende leurs intérêts, qui soit pour l’indépendance de classe et qui ait un projet anti-impérialiste bien défini. Au sein de notre courant syndical, certains nous reprochent ce projet. Il faut accomplir les deux tâches : la construction de l’UNT, comme centrale syndicale indépendante des partis politiques et du gouvernement, et celle d’un parti politique pour les travailleurs. La discussion de la création du PRS est actuellement menée conjointement par cinq groupes politiques distincts. D’autres organisations pourront élargir notre plate-forme politique, et nous espérons pouvoir annoncer la création officielle du PRS au début de l’année prochaine. Nous voulons programmer un congrès de fondation. Nous avons déjà un journal, Opcion socialista (« Option socialiste »).
Ce projet nous a amenés à réaliser certains événements : le 9 juillet dernier, nous avons tenu un meeting national qui a rassemblé près de 450 personnes à Caracas. Nous avons fait, et nous allons faire, dans tout le pays d’autres meetings pour proclamer la nécessité d’une nouvelle organisation. Nous avons élaboré une plate-forme politique pour servir de base à la discussion.
Quelle différence y a-t-il entre le PRS et les partis chavistes officiels qui existent actuellement ?
Les organisations aux commandes du processus sont réformistes, staliniennes ou ultra-gauchistes, et elles ne permettent pas de lutter contre le caractère bureaucratique de l’État. Il est nécessaire d’assurer la transformation que demandent les masses populaires qui exigent une plus grande participation des gens. La population assume - c’est une caractéristique de ce processus - un certain pouvoir. On ne peut plus rien lui imposer, ni les dirigeants, ni les ministres, ni les patrons. Ce combat contre la bureaucratie, contre la corruption et contre le réformisme, commence à donner des résultats significatifs pour l’avenir du pays. Un exemple : la cogestion, c’est-à-dire le contrôle ouvrier et la participation directe des ouvriers dans l’entreprise d’État ou dans une entreprise privée. Des membres du gouvernement pensent que la cogestion est un risque, parce qu’une entreprise stratégique, comme par exemple PDVSA [la société pétrolière nationale], doit rester sous le contrôle des dirigeants de l’État.
En réalité, ils ont peur de la participation des gens. Nous travaillons beaucoup sur ces expériences de contrôle ouvrier. Donner le pouvoir aux gens, cela peut être le saut en avant nécessaire à la poursuite du processus révolutionnaire. Chavez dit qu’il faut donner le pouvoir aux gens, eh bien le pouvoir, c’est contrôler son usine, contrôler sa communauté et contrôler ceux que l’on élit. C’est pourquoi nous pensons que le PRS peut avoir une forte influence sur les travailleurs. Nous fondons de grands espoirs sur la construction de notre organisation, afin de permettre au Venezuela de passer rapidement de pures déclarations d’intention à de véritables mesures anti-impérialistes.
Propos recueillis par Fabrice Thomas, Yannick Lacoste.
Publié le lundi 24 avril 2006
(éditorial Lo des bulletins d'entreprise a écrit :Les fonds publics devraient être au service de toute la population, pas des seuls possédants
La réélection du président du Vénézuéla, Hugo Chavez, à une très large majorité, a donné lieu à des commentaires curieux. "C'est facile de devenir populaire - déclarait en substance son principal rival - en développant des oeuvres sociales, sans se soucier d'aider les entreprises".
Hugo Chavez n'est pourtant pas un adversaire du système capitaliste. Il entend seulement obtenir que le partage des bénéfices pétroliers entre l'Etat Vénézuélien et les trusts pétroliers internationaux (dont le français Total) soit un peu plus favorable au premier. Et pour cela, il a besoin d'un soutien populaire, qu'il a effectivement obtenu en consacrant une partie du budget de l'Etat, tirée de ces ressources pétrolières, à un programme d'aides sociales, dans le domaine de la santé, de l'éducation, du logement, et en créant des magasins mettant à la disposition de la population pauvre des produits alimentaires de base à prix réduits.
Une bonne partie de la bourgeoisie vénézuélienne trouve d'ailleurs son compte dans la mise en oeuvre de ces programmes sociaux, et "Le Figaro" du 4 décembre (qu'on ne saurait soupçonner de sympathies anti-capitalistes) pouvait titrer sur "Ces patrons vénézuéliens qui votent Hugo Chavez" ! Mais si un certain nombre de patrons vénézuéliens soutiennent Chavez, la plupart, et les politiciens à leur service, trouveraient bien plus normal que les ressources de l'Etat aillent directement dans les caisses du patronat.
C'est aussi ce que pensent bon nombre de commentateurs français. Sur France-Inter, un chroniqueur reprenait doctement lundi matin la même argumentation, en expliquant que Chavez sacrifiait peut-être l'avenir en ne consacrant pas à l'aide aux entreprises toutes les ressources tirées du prix actuel du pétrole.
Et ce n'est pas seulement au Vénézuéla qu'il pensait, mais aussi à la France. Car ici on nous sert tous les jours les mêmes discours sur la prétendue nécessité d'aider les entreprises, par le biais de subventions directes, ou de dégrèvements de cotisations sociales, dans "l'intérêt général", et en particulier pour lutter contre le chômage.
Cela fait aujourd'hui plus de vingt ans que tous les gouvernements qui se sont succédé, quelle que soit leur couleur politique, ont multiplié les aides de toutes sortes, ont diminué l'impôt sur les bénéfices des sociétés, les cotisations sociales, sans résultat - car le chômage de masse est toujours là - mais avec comme conséquences un déficit de la Sécurité sociale dont on nous parle beaucoup, et une dette encore plus catastrophique de l'Etat, dont on nous parle moins.
C'est ainsi que nous nous trouvons dans une situation paradoxale, où les bénéfices des grandes entreprises ne se sont jamais mieux portés, mais où le niveau de vie de la population laborieuse ne cesse de se dégrader, et les services publics (santé, enseignement, transports en commun, etc.) de se détériorer.
Au lieu de faire tous ces cadeaux à un patronat qui ne sait que faire de son argent, et qui ne l'utilise que dans des opérations de rachats et de fusions qui se traduisent à chaque fois par la destruction de milliers d'emplois, l'Etat ferait mieux de créer directement les emplois qui manquent dans les services publics, de construire les milliers de logements confortables et bon marché nécessaires pour loger décemment tous ceux qui s'entassent dans des appartements trop petits, qui vivent dans des locaux insalubres ou dans des taudis, et ceux qui sont à la rue.
Ce n'est certainement pas sur le candidat de l'UMP lors de la prochaine élection présidentielle, que ce soit Sarkozy ou un autre, qu'il faut compter pour changer cela, car c'est la politique contraire que ce parti mène au gouvernement depuis plus de quatre ans. Mais la candidate du Parti socialiste, Ségolène Royal, n'a pas pris l'engagement clair et net de mettre les ressources de l'Etat en priorité au service de la population laborieuse.
Ce serait pourtant la moindre des choses de la part d'une candidate qui voudrait bien recueillir les voix des travailleurs.
Arlette Laguiller
(extrait du dernier cercle léon trotsky a écrit :Le Venezuela de Chavez
De nos jours c'est le Venezuela qui tente de suivre une voie de développement national s'appuyant sur les nationalisations et le soutien des pauvres pour mettre en échec le poids écrasant de l'impérialisme américain. Devant la corruption des partis bourgeois traditionnels et surtout leur incapacité à maintenir la stabilité de la société vénézuélienne, profondément inégalitaire, un groupe d'officiers avait tenté deux putschs successifs en 1992 au nom d'un Mouvement Révolutionnaire Bolivarien au discours essentiellement nationaliste. L'échec de ces coups d'État avait amené un certain lieutenant-colonel Chavez en prison pour deux ans.
Libre, Chavez s'est présenté aux élections en promettant de changer la Constitution et de balayer les partis corrompus. Il a bénéficié du vote de beaucoup de pauvres touchés par la crise économique dans laquelle se débattait le pays et a été élu président en 1998. Le Venezuela est un important producteur de pétrole, et depuis que Chavez est au pouvoir les cours du pétrole, partant d'un niveau bas, n'ont cessé de grimper pour connaître les sommets de ces derniers mois. Le Venezuela et Chavez en profitent. Chavez ne s'oppose pas aux trusts mondiaux du pétrole qui sont invités à en extraire toujours plus au Venezuela. Simplement il impose un partage des bénéfices plus favorable à l'État. Indépendamment des insultes que s'échangent régulièrement Bush et Chavez, le pétrole vénézuélien est toujours vendu au plus gros client de la région : les USA. C'est d'ailleurs sur le territoire américain que sont situés les raffineries qui traitent le pétrole brut pompé au Venezuela. Ce circuit économique, qui est fondamentalement celui du pillage des richesses des régions sous-développées soumises à la domination des pays riches, continue à fonctionner très bien, même s'il rapporte un peu plus au Venezuela que par le passé.
Tout en continuant à payer la dette extérieure du pays, Chavez a utilisé une partie du budget de l'État pour répondre aux besoins vitaux des classes pauvres. Ce n'était évidemment pas la façon habituelle de fonctionner de l'État vénézuélien qui servait traditionnellement de source de revenus, souvent illicites, pour la bourgeoisie. La part des dépenses publiques est passée de 12 % du PIB en 1999 à 34 % en 2004. Cela a donné beaucoup de moyens à Chavez. Il a d'abord utilisé l'armée pour mobiliser les soldats dans des programmes d'éducation, de santé publique et de logement. Il a supprimé les droits d'inscription scolaire et utilisé des casernes comme écoles pour les enfants des pauvres qui pouvaient enfin avoir accès à l'éducation. Grâce aux relations diplomatiques avec Cuba, le Venezuela a bénéficié de l'aide de médecins cubains, et les pauvres ont eu accès à des dispensaires.
Chavez a construit sa popularité sur des mesures que les politiciens du pays n'avaient jamais envisagées, tellement ils méprisent les 80 % de la population constitués de pauvres. Il a mis en place des " cercles bolivariens ", sortes de comités de quartier pour s'assurer le contrôle des couches populaires. Et il en a eu besoin, car à trois reprises Chavez a eu à affronter les forces réactionnaires liées aux États-Unis. En avril 2002 un coup d'État l'a écarté du pouvoir, à la grande satisfaction des USA. Mais seulement pour 48 heures. Le temps que le gros de l'armée vénézuélienne ne choisisse de le soutenir, tenant ainsi compte des manifestations populaires grandissantes dans la rue, en sa faveur. En décembre de la même année le patronat a lancé un mot d'ordre de grève pour forcer Chavez à la démission, payant les jours de grève pour inciter les salariés à y participer. L'épreuve de force a duré plusieurs semaines. La grève a paralysé les services publics et surtout l'entreprise pétrolière nationale. Mais elle a tourné court car les sympathisants de Chavez ont remis en route les entreprises sans l'aide des patrons, ni des cadres. N'ayant pu l'abattre ni par la force, ni par le sabotage économique, les adversaires de Chavez ont essayé de le remettre en cause par les urnes. En utilisant tout leur poids financier et particulièrement les médias qu'ils contrôlent, ils ont réclamé en 2004 un référendum portant sur la destitution du président. Peine perdue, Chavez a encore fait la démonstration à cette occasion de sa popularité en remportant ce scrutin.
Cette haine tenace des possédants s'explique par la peur qu'ils ont de la population pauvre qui soutient Chavez. Elle est attisée par le langage socialisant du régime - Chavez aime parler de " socialisme du 21ème siècle " - et par son alliance démonstrative avec Cuba , évidemment mal vue des USA. Pourtant Chavez n'a pas attaqué les privilèges de la bourgeoisie vénézuélienne. Il se contente juste d'encourager les syndicats à remettre en route les usines que les patrons ferment. Ce qui est une nécessité vitale car, mis à part le pétrole, l'économie reste très faible, le chômage massif et les trois quarts des salariés sont employés dans le secteur informel. Chavez n'a pas non plus attaqué la toute puissance des grands propriétaires terriens à la campagne. Sa réforme agraire n'a touché que 10 % des terres, la plupart étant possédées par l'État qui les met à la disposition des familles paysannes. Pour ce qui est des grandes propriétés privées, il n'y a que les terres en friches, c'est-à-dire les moins productives, qui sont en théorie concernées par la réforme agraire. Mais les propriétaires se défendent eux-mêmes les armes à la main n'hésitant pas à tuer les paysans trop revendicatifs, et en cela ils bénéficient souvent de la complicité des autorités locales corrompues à souhait.
C'est à la répartition de la manne pétrolière que Chavez s'est vraiment attaqué. La loi impose désormais aux compagnies étrangères de s'associer à la compagnie nationale qui pilote ainsi l'exploitation pétrolière avec 60% des actions de ces nouvelles sociétés mixtes qui payent 30% de royalties à l'État vénézuélien, contre seulement 1% auparavant, et 50% d'impôts sur les bénéfices, contre 36% avant. Les trusts pétroliers ne sont pas à plaindre car dans le même temps la hausse du brut leur a permis d'accroître tout de même les profits qu'ils font au Venezuela. Et ils tiennent à y rester, quitte à être obligés, comme le trust français Total à payer plus de 100 millions d'euros d'arriérés d'impôts. Ce nouveau partage des revenus du pétrole en faveur de l'État, qui en tire les trois quarts de ses moyens financiers, a tout de même fortement contrarié les trusts pétroliers si peu habitués à ce que leur voracité de profit soit contestée. Leur bras armé, le gouvernement des États-Unis, exerce une pression constante sur le régime de Chavez.
Chavez ne peut mener sa politique, face à des adversaires comme les USA et aux soutiens que ceux-ci trouvent dans la bourgeoisie vénézuélienne, qu'en s'appuyant sur les classes populaires. C'est pourquoi il utilise une partie des revenus du pétrole pour soulager la pauvreté la plus criante et pour développer l'éducation et la santé principalement. Par contre sortir le Venezuela du sous-développement économique et de sa relation fondamentalement inégale avec les pays riches, n'est pas à sa portée. Chavez n'a pas touché à la propriété et aux richesses des classes possédantes vénézuéliennes. L'économie du pays est tout aussi dépendante du pétrole qu'auparavant, et il suffirait que les cours baissent pour que le Venezuela soit très rapidement étranglé par sa dette. Nous ne savons pas combien de temps Chavez pourra maintenir sa politique dans un contexte aussi instable, ni ce qu'elle serait si les travailleurs entraient en lutte pour leurs propres objectifs. Mais il est certain que si la classe ouvrière a les mêmes ennemis que ceux que Chavez doit affronter aujourd'hui, elle n'a pas les mêmes intérêts fondamentaux.
(lutte ouvrière 6 12 2006 a écrit :Réélection de Chavez au Venezuela: soutien des masses populaires... et d’une partie de la bourgeoisie
«C’est une autre défaite pour Mister Danger, le diable [il s’agit de George Bush]. Le Venezuela ne sera plus une colonie nord-américaine ni de n’importe quel autre pays», a déclaré Hugo Chavez, vainqueur haut la main de la présidentielle vénézuélienne du 3décembre, avec près de 62% des voix, son meilleur pourcentage par rapport aux élections de 1998 et 2000. Chavez l’a emporté dans tous les États du pays, y compris celui du Zulia, dont le gouverneur Manuel Rosales, qui a obtenu 38% des suffrages, était son adversaire.
L’opposition regroupe pour l’essentiel ceux qui, avant l’arrivée au pouvoir de Chavez, tiraient profit, en partenariat avec les États-Unis, des richesses du Venezuela, et notamment de son pétrole. Peu leur importait que le pillage enrichisse d’abord les compagnies pétrolières américaines du moment qu’ils prélevaient leur dîme. Un pillage dont les grands oubliés, comme dans le reste de l’Amérique latine, étaient toujours les classes populaires.
Quand les possédants qui liaient leur sort à celui du capital US ont compris que Chavez, bien qu’issu des rangs de l’armée, entendait rétablir le contrôle de l’État sur les revenus du pétrole et que, pour se dégager une marge de manœuvre vis-à-vis des États-Unis, il allait s’appuyer sur les classes populaires en leur abandonnant un peu des revenus de l’État, ils ont tout essayé, avec l’appui des États-Unis, pour le chasser. Mais deux putschs ratés, un recours avorté à un référendum pour le destituer ou leur participation à différentes élections, dont celle-ci, ont échoué.
Chavez continue de fournir les États-Unis en pétrole, mais il a renforcé le poids de l’État sur le secteur pétrolier et finance les différentes «missions sociales» qui ont sensiblement amélioré la vie des déshérités, notamment dans les domaines de la santé (avec l’aide massive de médecins cubains), de l’éducation ou des aides alimentaires. Grâce à cela et à l’organisation de «cercles bolivariens» qui encadrent la population, il a pu trouver un large appui populaire, qui vient à nouveau de s’exprimer dans les urnes.
La presse française, surtout à l’écoute des opposants à Chavez, fait état des «nouveaux riches» que cette situation aurait engendrés, les «bolibourgeois» (par allusion à Bolivar dont se réclame Chavez). Mais parmi les possédants qui prospèrent dans le Venezuela de Chavez, il n’y a pas que des «nouveaux riches». Il y en aussi des anciens pour qui les «missions» ouvertes par Chavez sont sources de profits appréciables. C’est dans la logique du fonctionnement d’un régime qui entend, selon un des ministres, «en finir avec l’exclusion sociale dans le domaine de l’éducation, de la santé, du logement et de la propriété, sans remettre en cause le secteur privé». Banques et entreprises continuent donc de prospérer. Et c’est même un trust US de l’agroalimentaire, Cargill, qui alimente le réseau proposant de la nourriture à bon marché.
Mais la politique sociale de Chavez, même si elle ne remet pas en cause le système capitaliste, revêt un caractère suffisamment exceptionnel sur ce continent pour nourrir aussi les espoirs des 225millions de pauvres d’Amérique latine et peser sur la façon dont la gauche latino-américaine s’adresse à eux.
À l’heure où l’impérialisme américain pouvait espérer qu’avec la maladie de Fidel Castro il serait bientôt débarrassé d’un symbole qui a incarné pendant des années le refus de s’incliner devant sa toute-puissance, la très nette victoire électorale de Chavez montre que les masses d’Amérique latine ne sont pas résignées à subir son joug.
Jacques FONTENOY
(vérié a écrit :S'il ne faut pas nourrir d'illusions dans des dirigeants venus au pouvoir par les urnes, dans le cadre d'un Etat bourgeois, et qui n'ont pas l'intention de s'en prendre à la propriété privée dans son ensemble, et encore moins d'essayer de développer un mouvement révolutionnaire international, leur reprocher de ne pas exproprier de façon plus radicale les compagnies étrangères n'a guère de sens.
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