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Après dépouillement de 40 % des votes, l'ex-sandiniste remporterait la présidentielle.
A la grâce de Dieu, Ortega au bord du pouvoir au Nicaragua
REUTERS
Par Jean-Hébert ARMENGAUD
QUOTIDIEN : mardi 7 novembre 2006
L'ex-révolutionnaire sandiniste Daniel Ortega aurait remporté la présidentielle au Nicaragua, selon les premiers résultats publiés hier par le Conseil suprême électoral (CSE) sur 40 % des bulletins dépouillés. L'ancien guérillero castriste du FSLN (Front sandiniste de libération nationale), qui avait renversé le dictateur Anastasio Somoza en juillet 1979, puis gouverné le pays jusqu'en 1990, tout en luttant contre la Contra, la guérilla armée et financée par Washington , obtiendrait 40,1 % des voix. Son principal opposant, Eduardo Montealegre, de l'Alliance libérale nicaraguayenne (ALN, droite) atteindrait 32,7 %. Selon la loi électorale du Nicaragua, le candidat arrivé en tête au premier tour est élu s'il atteint 40 % des voix, ou 35 % à la condition d'avoir 5 points d'avance sur le candidat arrivé second. Hier, des milliers de militants sandinistes ont tiré des feux d'artifice et crié victoire dans les rues de la capitale Managua.
Division.
Si les tendances annoncées par le CSE se confirment, à 60 ans, le secrétaire général du FSLN ferait, paradoxalement, l'un de ses plus mauvais scores depuis seize ans, depuis qu'il cherche à revenir au pouvoir. Si sa victoire est confirmée, il ne la devra en effet qu'à la division de la droite qui, unie, avait dépassé les 50 % dès le premier tour aux élections de 1990, 1996 et 2001. L'ALN, qui participait pour la première fois au scrutin, n'est en effet qu'une scission du Parti libéral constitutionnaliste (PLC). Réunis, l'ALN et le PLC obtenaient hier toujours selon les résultats partiels 53 % des voix. Au Nicaragua, le FSLN provoque toujours plus de rejet que d'adhésion : «Craintes d'un retour à la guerre [civile], au service militaire [obligatoire, de deux ans, dès l'âge de 17 ans, ndlr] , aux expropriations» , reconnaît un document confidentiel sur la stratégie électorale du Front révélé en septembre par la revue Confidencial . Ce document appelait à «dé-sandiniser» , «désidéologiser» le FSLN. La chose est faite : Daniel Ortega a depuis longtemps abandonné les slogans marxistes. Il défend aujourd'hui «l'économie de marché» , «l'ouverture commerciale» , le «rôle de l'entreprise privée» , tout en militant pour la «défense des pauvres» tout comme le fait la droite, dans ce pays le plus pauvre du continent après Haïti. En meeting, Daniel Ortega «invite les capitaux à participer à la reconstruction du pays» . Très loin des années 80, il ne propose plus qu'une «révolution spirituelle» . Influence de son épouse, Rosario Murillo, ou simple manoeuvre électorale, il surenchérit sur le catholicisme nicaraguayen, au point d'être à l'origine de la loi, adoptée il y a dix jours, qui ferme la seule porte autorisée jusqu'à présent pour l'avortement en cas de «danger physique grave pour la mère» . «C'est la foi, l'amour de Dieu, de Jésus-Christ, de Marie, des saints et des anges, égrène le programme du FSLN en préambule, qui a permis à notre peuple de vaincre les frustrations et de récupérer la confiance.» «Le Christ a été ma première inspiration, ajoute Daniel Ortega. Ma philosophie révolutionnaire prend racine dans le christianisme.»
Anomalies.
L'ex-guérillero ne fait donc plus peur à grand monde... sauf à Washington qui se croit revenu au temps de la guerre froide. L'ambassadeur américain à Managua Paul Trivelli, tel un proconsul, n'a cessé d'intervenir ouvertement dans la campagne électorale en faveur du candidat de l'ALN. «Le peuple nicaraguayen ne doit pas mettre en danger les relations commerciales entre les deux pays», menaçait de son côté Carlos Gutiérrez, le secrétaire américain au Commerce. Hier, dès l'annonce des premiers résultats favorables à Daniel Ortega, Paul Trivelli, autoproclamé chef d'une mystérieuse «mission d'observation» nord-américaine improvisée, dénonçait «des anomalies dans le processus électoral» , alors que toutes les missions d'observation officielles, de l'Union européenne, de l'Organisation des Etats américains et du Centre Carter, s'accordaient pour reconnaître le bon déroulement du scrutin. «Ce que les Américains n'arrivent décidément pas à comprendre, dit un économiste nicaraguayen, c'est que Daniel Ortega est tellement prêt à tout pour revenir au pouvoir qu'il est même disposé à leur tendre la main. Mais ce sont eux qui n'en veulent pas !»
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