par alex » 02 Juil 2004, 12:59
George Bush durcit l'embargo pour asphyxier Cuba
Restrictions sur les voyages des exilés cubains dans l'île castriste.
Par Fabrice ROUSSELOT
vendredi 02 juillet 2004
New York de notre correspondant
«C'est un scandale, une abomination. Qui est George Bush pour décider de séparer des familles comme cela ? Il joue avec la vie des gens et de leurs proches. Il n'a pas le droit.» Au siège de la Commission cubaine américaine pour les droits de la famille, à Miami, Alvaro Fernandez a du mal à cacher sa colère. Comme le 1,3 million d'exilés cubains aux Etats-Unis, il doit, depuis mercredi, se plier aux nouvelles restrictions imposées par l'administration Bush durcissant l'embargo existant contre le régime castriste depuis 1962.
Transition. C'est en mai que le président américain avait décidé de renforcer ce qui est aujourd'hui le plus vieil embargo du monde, afin, avait-il dit, «de précipiter la transition démocratique» à Cuba. Parmi les nouvelles mesures, l'administration américaine interdit désormais aux Cubains Américains de se rendre une fois par an ou plus dans l'île castriste, et réduit leurs voyages à un tous les trois ans. Les exilés sont contraints de rendre visite à un nombre restreint de leurs proches, défini comme «le cercle familial immédiat», à savoir les parents, grands-parents, frères et soeurs. Les oncles, tantes et cousins sont exclus de la liste. Les séjours sont limités à deux semaines au lieu de trois et les dépenses quotidiennes autorisées passent de 167 à 50 dollars.
Derrière ces mesures drastiques, réminiscences de la guerre froide, la logique de l'administration Bush est simple : réduire au maximum l'aide financière que la communauté cubaine américaine apporte à l'île castriste par l'intermédiaire de l'argent versé à leurs familles les remesas. On estime en effet que les exilés transfèrent plus d'un milliard de dollars par an vers Cuba, une somme qui est souvent la principale source de revenus pour la population. Et selon Washington, cet argent «soutient indirectement» le régime de Fidel Castro.
«Injustifiables». A quatre mois des élections, ces restrictions ont provoqué un vif débat au sein de la communauté cubaine américaine. «On a l'impression que Bush a fait cela pour satisfaire une petite faction très à droite des Cubains Américains, assure Alvaro Fernandez, mais c'est un très mauvais calcul. Pour la plupart des exilés, ces restrictions sont injustifiables et doivent être annulées. Moi j'ai une tante qui a plus de cent ans, quand est-ce que je vais la revoir ? Si Bush ne bouge pas, il risque d'en payer les conséquences en novembre.» De l'autre côté du débat, le Cuban Liberty Council (CLC), un autre groupe basé à Miami, a estimé «que tout cela pouvait être bénéfique sur le long terme». «Ce qui est en jeu, ce ne sont pas les privilèges d'une élite qui peut voyager mais le destin et la liberté de 12 millions de Cubains qui vivent sous la joute d'un régime oppressif», a estimé Ninoska Perez Castellon, la porte-parole du CLC.
Le pari politique semble en tout cas risqué pour Bush. On sait combien la Floride gouvernée par son frère Jeb et où se trouve la majorité des exilés cubains aux Etats-Unis , s'est révélée déterminante lors de la dernière présidentielle en 2000. Or, un récent sondage a montré qu'au sein de la nouvelle génération de Cubains Américains, le candidat démocrate John Kerry devance le locataire de la Maison Blanche en terme d'intentions de vote. «Pour moi, c'est très simple, poursuit Alvaro Fernandez, soit Bush revient sur sa décision, soit je ferai tout pour que Kerry soit élu en novembre. Le Président est totalement hypocrite : cela fait quatre ans qu'il affirme se battre pour les valeurs familiales et il fait tout pour détruire nos familles.»
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