Politiques sociales et new labour

Dans le monde...

Message par isildur » 26 Juil 2010, 09:03

Je vous invite à lire cet entretien hautement instructif avec un ancien conseiller de Tony Blair (grand gourou des politiques sociales)

Celui-ci est amené à évaluer le système social anglais et ça a le mérite de la franchise!


http://www.laviedesidees.fr/IMG/pdf/201005...d_Colombani.pdf

Quelques morceaux choisis tous plus savoureux les uns que les autres:

a écrit :La Vie des Idées : Pensez-vous que l’objectif de ces politiques est de compléter
l’État-Providence existant, ou pourraient-elles à long terme changer la structure même de l’État-Providence ? Au lieu de recevoir des services ou des allocations lorsqu’ils se trouvent dans des situations particulières, les individus se verraient attribuer des ressources et seraient ensuite responsables des conséquences de leurs propres choix. Est-ce que cela n’implique pas un transfert du risque de la collectivité à l’individu ?

Julian Le Grand : Oui, je pense que c’est exact. Il y aurait un transfert du risque.
Cela renvoie à une autre innovation de politique sociale dont nous n’avons pas encore parlé, l’idée des « budgets individuels ». C’est dans cette direction que nous nous orientons, particulièrement dans le domaine médico-social – c’est-à-dire des soins et des services d’aide à l’autonomie des personnes âgées. Au lieu de leur proposer directement un service fourni par l’État, nous leur donnons de l’argent, un budget, pour qu’ils puissent acheter des services eux-mêmes. L’idée est de leur donner davantage de pouvoir sur les services qu’ils reçoivent afin qu’ils prennent leurspropres décisions quant à la nature de ces services et à leurs modalités. Dans l’ensemble, c’est un grand succès. Les handicapés, en particulier, apprécient cette politique. Nous l’avons appliquée pour les handicapés de tous âges et nous commençons à le faire pour les personnes âgées, même s’il faut dire que toutes les personnes âgées ne souhaitent pas davantage de pouvoir. Je pense que cette politique réussit plutôt bien, mais comme vous le dites la conséquence est bien de transférer lerisque de la collectivité à l’individu. Et dans une certaine mesure, je pense que c’est le prix à payer. Tout bien considéré, transférer la responsabilité est une bonne chose. Nous aurons toujours besoin, c’est inévitable, d’un filet de sécurité. Ce serait impossible – et d’ailleurs, je ne le recommanderais pas – de transférer l’ensemble des budgets sociaux à l’individu. Il y aura toujours des cas où les individus font des erreurs, ou se comportent de manière franchement irresponsable en gaspillant leur budget par exemple. Nous aurons toujours besoin du soutien de l’État pour assisterces personnes. Mais dans l’ensemble, comme je l’ai dit, l’idée de transférer le pouvoir
et le choix, et donc la responsabilité, de l’État aux individus et aux familles ne me
déplaît pas.

La Vie des Idées : Comment évaluez-vous la politique anti-pauvreté du New
Labour ? Pensez-vous qu’il ait adopté la bonne approche, et considérez-vous plus
généralement que les politiques publiques doivent plutôt viser la réduction de la
pauvreté, des inégalités ou de l’exclusion sociale ?

Julian Le Grand : Comme je l’ai dit au début, je pense que l’un des échecs du New
Labour a trait au problème de l’égalité. Je suis pas tout à fait sûr de ce qui aurait pu être fait en plus, car de très bonnes politiques ont été mises en oeuvres pour lutter contre la pauvreté, centrées sur le bas de l’échelle des revenus avec le système de crédit d’impôt, etc. Mais nous avons toujours ce problème qui, je crois, n’est pas encore entièrement compris et qui concerne les raisons de l’ampleur particulièrement forte de la hausse des inégalités dans le monde anglo-saxon. Je crois que c’est un échec des politiques publiques : nous n’avons pas réussi à y faire face, mais je ne vois pas exactement ce que nous aurions pu faire d’autre. L’un des domaines où j’aurais aimé que le New Labour en fasse davantage est l’impôt sur les successions. En fait, j’aimerais combiner l’impôt sur les successions avec le « child trust fund », c’est-àdire utiliser les revenus de cet impôt pour financer un fonds qui répartirait la richesse également, si bien que la richesse de toute une génération serait distribuée également au sein de la génération suivante. En fait, c’était précisément ma conception du « child trust fund » à l’origine. Je pense que le Labour a été pusillanime sur l’impôt sur les successions et j’aimerais qu’il mette davantage l’accent sur ce thème.

La Vie des Idées : Les crédits d’impôt sont-ils les instruments appropriés d’une
politique de redistribution, étant donné qu’il s’agit également d’une politique de
« workfare » ? Au début des années Blair, l’accent était davantage mis sur la nécessité
de remettre les gens au travail, et l’accent sur leur aspect redistributif est venu un peu plus tard.

Julian Le Grand : Je crois que c’est probablement vrai. Pour être juste avec le New
Labour, sa conviction a toujours été que la bonne manière de s’attaquer à la pauvretéétait de remettre les gens au travail, davantage que la redistribution. Dans une certainemesure cela a marché. Beaucoup des programmes « New Deal » pour les sans-emploi y sont parvenus. Et il est vrai que le taux de chômage en Grande-Bretagne reste plusfaible que dans une grande partie de l’Europe continentale, y compris pour les jeunes, même dans la crise actuelle. C’est une caractéristique positive du système britanniqueaujourd’hui. Beaucoup d’observateurs des politiques sociales comme moi pensaient qu’en remettant les gens au travail, la pauvreté et les inégalités se réduiraient. Mais il semble qu’en pratique ce ne soit pas ce qui s’est produit. Nous avons réussi à ramenerles gens vers le travail mais souvent dans des emplois à faibles revenus, et il semble que les inégalités salariales soient demeurées importantes.
isildur
 
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