Berlusconi et le cirque de Strasbourg

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STRASBOURG (AFP) - Le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi a dérapé dès le démarrage de sa présidence de l'Union européenne, suscitant mercredi un tollé pour avoir suggéré à un eurodéputé allemand de jouer "le rôle d'un Kapo" dans un film sur les nazis.

Au deuxième jour de sa présidence de l'UE, qui a débuté mardi pour six mois, M. Berlusconi a ainsi provoqué un incident diplomatique avec Berlin: le gouvernement allemand a jugé ses propos "inacceptables" et a immédiatement fait part de son indignation à l'ambassadeur d'Italie.

Comme le veut la tradition, M. Berlusconi était venu présenter devant le Parlement européen à Strasbourg les priorités de la présidence italienne.

Très attendu en raison de sa personnalité particulièrement controversée, M. Berlusconi a d'abord livré un discours consensuel, où il a promis d'assurer ses nouvelles fonctions avec "humilité et dévouement".

Il a évité de reprendre ses idées les plus polémiques, comme une future adhésion de la Russie et d'Israël à l'UE ou la nécessité d'une référence aux racines chrétiennes dans la future Constitution européenne.

Mais les choses se sont gâtées lors du débat qui a suivi. De nombreux députés sont en effet intervenus pour rappeler leurs inquiétudes et faire savoir à M. Berlusconi qu'il était sous surveillance, notamment après l'adoption dans son pays d'une loi lui offrant une immunité provisoire pour les éventuels délits liés à ses fonctions d'entrepeneur et de magnat des médias.

Parmi ses détracteurs, le social-démocrate allemand Martin Schulz a déclaré craindre que "le virus du conflit d'intérêt italien soit transféré au niveau de l'Union européenne".

Lors de sa réponse aux parlementaires, M. Berlusconi a radicalement changé de ton. Piqué au vif, il a traité ses accusateurs de "touristes de la démocratie".

S'adressant nommément à M. Schulz, il lui a expliqué qu'en Italie "un producteur est en train de faire un film sur les camps de concentration nazis". "Je vous proposerai comme Kapo", a ajouté M. Berlusconi, suscitant des protestations immédiates dans l'hémicycle du Parlement.

Le président du Parlement Pat Cox a aussitôt réagi, estimant que le chef du gouvernement italien s'était "autorisé à aller au-delà des règles de courtoisie élémentaires".

Sous les applaudissements, M. Schulz a fustigé "l'inacceptable perte de sang froid" de M. Berlusconi qui, invité à son tour à reprendre la parole, a refusé de présenter ses excuses.

Lors de la conférence de presse qui a suivi, Silvio Berlusconi a assuré que sa remarque à M. Schulz était empreinte d'"ironie" et ne constituait "absolument pas une offense". Selon lui, cette remarque était "inventive" et "appropriée".

Il s'est aussi référé au penseur hollandais Erasme (1469-1536) et à son "Eloge de la folie" pour affirmer qu'une "folie visionnaire et généreuse" était parfois nécessaire. "Je ne dis pas qu'il faut être fou pour diriger l'Europe", a-t-il toutefois ajouté.

Il a estimé qu'on s'en prenait à travers lui à l'ensemble du "peuple italien".

Assis aux côtés de M. Berlusconi, le président de la Commission européenne Romano Prodi, qui est aussi un des principaux rivaux politiques de Silvio Berlusconi, est resté impassible. Interrogé ensuite par les journalistes pour savoir s'il s'agissait d'"un grand jour pour l'Italie", M. Prodi a simplement répondu "non".

Critiqué de toutes parts, y compris par certains de ses alliés comme son vice-Premier ministre Gianfranco Fini, M. Berlusconi a ensuite tenté de limiter les dégâts.

"Je m'excuse si j'ai offensé la sensibilité historique du peuple allemand", a-t-il déclaré dans l'après-midi lors d'une réunion avec les élus du Parti populaire européen (PPE, conservateurs).

La polémique a fait passer au second plan les priorités de la présidence italienne de l'UE, dont la principale est la conclusion d'ici la fin de l'année des négociations intergouvernementales sur la Constitution de la future UE élargie.[/quote]