(jeug @ jeudi 10 avril 2008 à 08:25 a écrit :
250 gourdes est-ce que ce n'est pas plutôt 5 euros (plutôt que 50) ?
Par ailleurs, la proposition de loi datant de 6 mois est-elle la même que celle datant d'un an ?
Actuellement, 250 gourdes, c'est un peu plus de 4 euros. Peut-être l'auteur avait-il écrit 50 dollars (haïtiens). Car, par définition, 1 dollar haïtien (ou "dollar rouge") = 5 gourdes, et donc 250 gourdes = 50 dollars (haïtiens)
L'article de VOIX DES TRAVAILLEURS est un peu dépassé. En effet, le gouvernement a tranché sur le montant du salaire journalier (150 gourdes, soit environ 2,5 euro), comme l'explique bien la déclaration suivante du mouvement Batay Ouvriyè :
a écrit :
LE SALAIRE MINIMUM DE 150.00 GOURDES EST INACCEPTABLE ET, DE PLUS, ILLÉGAL!
Le Ministère des Affaires Sociales vient de faire savoir sa position concernant le salaire minimum. Le montant serait de 150.00 gourdes. Une entente n’ayant pas été trouvée au sein de la commission tripartite, il s’agirait d’une « médiation » entre les propositions des différentes parties. Cette dernière, supposément synthétique, devrait être acheminée au parlement pour y être discutée et, le cas échéant, votée avec ou sans modification.
Nous sommes quand même loin des 73.5 à 77.00 gourdes qu’avait récemment indiqué, contre toute logique et sans la moindre décence, le président de la Chambre de Commerce et d’Industrie. Mais tout aussi éloignés d’un juste calcul. Car la décision sur le salaire minimum ne saurait faire l’objet d’une quelconque « médiation » entre parties. Il suffirait alors que le représentant ouvrier proposât deux-mille gourdes, par exemple, pour que la « médiation » avoisine, selon cette même logique, les mille gourdes ! Point n’est besoin d’insister pour comprendre le ridicule d’une telle conception. Cependant, le ridicule de cette conception dévoile en réalité une position de classe : réduire l’ajustement et, chaque fois, retourner cinq à dix ans après avec le même mécanisme revient, de fait, à légaliser la surexploitation.
L’article 137 du Code du Travail (que nous citons à satiété parce que, justement, éternellement bafoué) stipule clairement qu’un ajustement sur le salaire minimum doit être effectué chaque fois que l’inflation dépasserait les dix pour cent durant une année fiscale. Dans un « État de droit », il n’y a pas à aller plus loin. Alors seulement l’on parlerait d’une « augmentation », s’il y a lieu.
À nos calculs, à Batay Ouvriye, nous avons mentionné le fait que l’étendue accrue de la ville (demandant plus de parcours tap-tap), les nouveaux besoins des travailleurs (dus précisément à la misère et à l’abandon des gouvernements), et le fait même, enfin, de n’avoir jamais opéré un ajustement adéquat de salaire… faisait qu’il s’avérerait absolument nécessaire aujourd’hui, qu’en plus d’un ajustement légal obligatoire, on aurait à parler d’une augmentation. Nos calculs, alors en 2003, avoisinaient les 350.00 à 450.00 gourdes !
La force de travail, en ce système, est une marchandise comme une autre. Le ‘salaire’ est le prix à payer pour son utilisation. Celui de toute marchandise se base principalement sur les coûts de production et, dans le cas de la force de travail, de sa reproduction. C'est-à-dire : vivre.
C’est pourquoi le député Benoît a tenu à préciser ainsi la logique de sa proposition et, quoique nous pensions toujours que ses calculs soient très en deça de la réalité, nous demeurons convaincus qu’il a cherché à utiliser des voies et mécanismes justes de résolution.
Le plus étonnant est que le ministère lui-même a aussi opéré ces calculs. Ils ont été présentés dans un document proposé au sein de la tripartite pour débats et discussions. Il y reconnaît que ce dont un ouvrier a besoin pour vivre aujourd’hui (panier familial) est d’au moins …300.00 gourdes ! Quel est donc ce revirement inattendu ? À quoi est-il dû ? Serait-ce qu’au contact de cette bourgeoisie - qui décidément contamine tout ce qu’elle touche - le ministre aurait « flanché » ? Ou voulait-il, alors positivement, lui faire plaisir ? Naturellement, au détriment des travailleurs…
L’Organisation Internationale du Travail (OIT) recommande pour les travailleurs un salaire décent. Terme que cette institution (dont Haïti est signataire des accords) précise plus loin. Et, encore une fois (car, en fait, le plus logiquement du monde), il s’agit de ce dont le travailleur aurait besoin pour vivre, lui et sa famille.
L’attitude du ministre des Affaires Sociales, en plus d’afficher une franche couardise (ou, à nouveau, une déviation intéressée), ne respecte pas non plus les accords internationaux signés. Il se place donc, nationalement comme internationalement, sur le terrain de l’ILLÉGALITÉ la plus complète. Pour un gouvernement qui se targue de vouloir représenter un certain « État de droit », cette nouvelle action ne fera que l’enfoncer encore plus dans cette incapacité dont il a fait preuve jusqu’à présent. Elle aidera aussi, s’il en était encore besoin, à démasquer son caractère anti populaire et corrompu.
Déclarée, elle, « la plus répugnante » par ses pairs internationaux du monde des « affaires » (dans ce milieu, il faut le faire !), la bourgeoisie haïtienne, plus particulièrement celle de la sous-traitance (puisque c’est de cela dont il s’agit) avance qu’un ajustement de plus de 77.00 gourdes serait suicidaire en termes d’avantage comparatif. À noter que la bourgeoisie d’Ayiti Toma en est réduite à ne présenter l’avantage du « pays » que par la misère la plus abjecte (l’on est venu à manger de la terre !) de ses ressortissants travailleurs.
Il s’agit donc de deux logiques différentes, opposées et historiquement (c’est-à dire : à ce tournant précis) complètement antagoniques. L’une recherche l’unique satisfaction de son seul profit (quitte à ce que ce soit à partir de la mort de tous les autres) ; l’autre, le bien-être de la population (restante, car, dans cette pitance que proposent les bourgeois, il n’y en a pas pour deux).
Divers intervenants (organisations ou individus) ont déjà démontré l’incongruité de cette orientation sous-traitance / zone franche, où nous ont engouffrés les précédents dirigeants. L’impasse se referme encore plus aujourd’hui.
Il n’y a pas de solution dans l’impasse.
Ce gouvernement optera-t-il (et ce, malgré sa claire conscience - calculée - des besoins minima des travailleurs) pour non seulement confirmer son attitude illégale mais également se complaire à être un criminel de masse ? Car il est vrai qu’entre le droit des possédants et celui des dépossédés, c’est la force qui tranche. Et la MINUSTAH est là pour assurer cette balance.
BATAY OUVRIYE
Port-au-Prince, ce dimanche 23 mars 2008