Quand Rouge s'étonne de la politique de Lula...

Dans le monde...

Message par faupatronim » 04 Juin 2003, 14:17

CITATION (Rouge 2019 @ 29/05/2003)Brésil
Dérapage social-libéral

A l'issue des cent premiers jours de son gouvernement, Lula tourne le dos à ses engagements en lançant un premier train de réformes libérales.


Quatre mois après la prise de fonction de Lula à la présidence de la République, certains se demandent si, contrairement au slogan de la campagne électorale promettant une victoire de l'espérance sur la peur, la peur n'a pas déjà vaincu l'espérance.

La plupart des commentateurs en conviennent : la continuité de la politique de Lula par rapport à celle, hier tant critiquée, de Fernando Henrique Cardoso, l'emporte à l'évidence sur les velléités de rupture. Si l'hostilité rencontrée parmi les parlementaires du Parti des travailleurs a obligé le gouvernement à différer l'autonomisation officielle de la Banque centrale, le capital financier a obtenu l'essentiel avec la nomination à sa tête de Meireles, homme de toute confiance, et avec l'orthodoxie financière du ministre de l'Economie Palocci, obnubilé par l'objectif d'une inflation à 8 %, quel que soit le coût social de cette politique. Le gouvernement a ainsi bien mérité les éloges que lui décernent les autorités de la Banque mondiale et du FMI, le directeur de cette dernière, Horst Köhler allant jusqu'à faire de Lula "l'homme d'Etat du XXIe siècle" ! De fait, le gouvernement est aujourd'hui soutenu par une sorte d'unité nationale s'étendant sur la droite à des alliances plus larges encore que celles contractées pendant la campagne présidentielle.

Inégalités

Sur le plan social, les réformes sont des plus timides. Le programme "Faim zéro" qui fut l'étendard du PT au cours de la campagne présidentielle est en sourdine faute de financement. Il en va de même des dossiers salariaux ou de la réforme agraire. On ne peut s'engager d'un côté à dégager des excédents financiers et commerciaux pour payer le service de la dette rubis sur l'ongle, et satisfaire de l'autre les attentes sociales d'un pays parmi les plus inégalitaires du monde. Cette contradiction explosive est illustrée par un projet de réforme des retraites, dont la logique générale, à côté de mesures techniques ou fiscales présentées comme en France au nom d'une meilleure équité entre public et privé, s'apparente fort à celle de la réforme Raffarin-Fillon. Elle rallonge notamment de sept ans la durée des cotisations pour les salariés de la fonction publique. Cette réforme, qui - fait exceptionnel - a reçu l'approbation de tous les grouverneurs d'Etat, de droite comme de gauche, est du type de celles qu'en huit ans de mandat, Cardoso s'était efforcé en vain de faire passer. Scénario classique : le centre gauche est chargé d'appliquer les mesures de régression sociale qui provoqueraient une explosion si elles étaient prises par la droite.

Bien évidemment, le cours pour le moins ouvertement social-libéral du gouvernement en matière économique et sociale nourrit des déceptions et suscite des résistances dans les mouvements sociaux comme dans les rangs du Parti des travailleurs. La Centrale unique des travailleurs est clairement hostile à la réforme des retraites. Le Mouvement des sans-terre se mobilise et des accrochages ont lieu dans certains Etats avec les sbires armés des grands propriétaires. Des critiques s'élèvent dans les milieux intellectuels, chez les économistes de gauche, et parmi les parlementaires du parti. Pour imposer un tel virage et les mesures antipopulaires qu'il implique, il faut faire régner l'ordre dans les rangs du parti et le transformer en courroie de transmission de la politique gouvernementale. C'est le sens des mesures disciplinaires annoncées par la direction du PT qui a décidé fin mai, par 13 voix contre 7, de traduire trois parlementaires (la sénatrice Héloïsa Helena, du courant Démocratie socialiste et les députés Luciana Genro et Baba) devant une commission de discipline (baptisée conformément à l'air du temps, commission d'éthique), puis de suspendre immédiatement du groupe parlementaire Luciana Genro et un autre député, pour avoir diffusé un enregistrement de 1987 où Lula combattait point par point les mesures qu'il applique aujourd'hui.

Procès d'opinion

Héloïsa Helena avait déjà refusé d'avaliser par son vote l'élection de Meirelles à la tête de la Banque centrale et celle de l'oligarque Sarney, lié à la mafia du Nord-Est, à la présidence du Sénat. Les trois députés incriminés ont aujourd'hui déclaré le projet de réforme des retraites contraire aux orientations du dernier congrès du PT (en décembre 2001), contraire à la politique suivie contre les projets Cardoso, et invotable en l'état. La menace d'exclusion qui pèse sur eux relève à l'étape actuelle du pur procès d'opinion et d'intention. Sa signification est claire. Il s'agit de savoir si le Parti des travailleurs peut garder sa liberté de parole et d'action en tant que parti, distinct du gouvernement, ou s'il deviendra le simple relais des décisions gouvernementales dans la société civile, au prix de sa crédibilité sociale.

Déjà de nombreuses voix importantes se sont élevées contre le procès fait aux "trois radicaux", dont celles du sénateur Eduardo Supplicy, de Plinio Sampaïo (représentatif des secteurs liés à l'Eglise), du journaliste Emir Sader, du sociologue Chico de Oliveira ou du philosophe Paolo Arantes. D'après un sondage réalisé par le grand journal Folha de Sao Paolo (le 21 mai), 57 % des personnes interrogées estiment la position des "radicaux" légitime et fidèle à celle défendue par Lula en 1987 ; 8 % seulement estiment qu'ils ont dépassé les bornes. Parallèlement, des économistes de renom, comme Maria da Conceiçao Tavares, s'élèvent contre la politique économique du gouvernement et des personnalités l'interpellent sur ses intentions par rapport au projet de traité de libre-échange des Amériques (Alca, voir Rouge du 22 mai dernier).

Indignation

Dans ce contexte, la procédure d'exclusion engagée contre les trois prend valeur de test. Notre camarade Héloïsa a déclaré récemment qu'elle n'entendait pas abjurer sa position sur la réforme des retraites, étant, dit-elle, "de la tendance Jeanne d'Arc plutôt que de la tendance Galilée" (voir Le Monde du 25 mai).
Tous ceux qui ont vu naître au Brésil un parti de classe et l'ont soutenu seront choqués par la vitesse avec laquelle sa direction tourne le dos à ses principes et à ses engagements. Ils sont carrément indignés moralement et politiquement des menaces de purges contre les militants radicaux auxquels ils ne manqueront pas de manifester leur entière solidarité.

Daniel Bensaïd et François Sabado.

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Il n'y a vraiment que la LCR pour s'étonner de la politique menée par Lula.

Et que dire de la conclusion où leur camarade qui se déclare "de la tendance Jeanne d'Arc plutôt que de la tendance Galilée"... Surtout dans un pays très marqué par la religion comme le Brésil, ce genre d'humour est pour le moins mal venu. A moins qu'elle n'ait cru, en se rangeant derrière Lula, au miracle de la transformation d'Alencar en ami des travailleurs ?
faupatronim
 
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Message par Louis » 12 Juin 2003, 20:04

Il n'y a vraiment que faupatronim pour s'étonner de ce genre d'article dans rouge, qui sont présent depuis plusieurs années (faupatronim va croire que l'on parle de la politique de lula depûis que la ldc l'a repérée...)
Louis
 
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Message par ianovka » 12 Juin 2003, 21:49

CITATION (LouisChristianRené @ jeudi 12 juin 2003, 21:04)Il n'y a vraiment que faupatronim pour s'étonner de ce genre d'article dans rouge, qui sont présent depuis plusieurs années (faupatronim va croire que l'on parle de la politique de lula depûis que la ldc l'a repérée...)[/quote]
Faupatronim n'a pas l'air de s'en étonner.
"Le capital est une force internationale. Il faut, pour la vaincre, l'union internationale, la fraternité internationale des ouvriers." Lénine
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Message par Louis » 13 Juin 2003, 03:34

et moi un extrait d'un article d'imprecor, comme quoi on ne "découvre" pas que lula subitement est devenu réformiste. Cet article parlait du forum des gauches latino américaines et était titré "forces et faiblesses de la gauche latino américaine"

CITATION Ainsi, on se retrouve face à diverses orientations politiques possibles, représentées dans le Forum. Selon certains, il faut désormais que la gauche formule des programmes concrets, capables de neutraliser, voire d’attirer des secteurs entrepreneuriaux, et d’apaiser les possibles doutes des organismes financiers internationaux. De là les références constantes, de la part de Lula, de Tomas Borge au nom du FSLN dans son discours d’ouverture, à la nécessité d’une politique réaliste d’« alliances ». La représentante du PRD mexicain, quant à elle, insista sur les droits basiques des citoyens (liberté d’expression, de réunion, de la presse, etc.) comme patrimoine de la gauche. D’autres ont insisté sur un projet, également concret et s’appuyant sur les droits démocratiques, plus propice à déclencher une dynamique ouvertement anticapitaliste.

Au-delà de tout cela, comme nous l’avons mentionné, les débats dans le Forum sont restés quasi inexistants et pour le moins inachevés : depuis le discours de Lula jusqu’au texte des documents soumis à discussion, le Forum a continué à recueillir des orientations, à travers les déclarations les plus diverses, sans que l’on arrive à atteindre quelque chose qui ressemblerait à une synthèse cohérente. Ainsi, un des documents traite de comment les organisations du Forum ne sont pas nécessairement socialistes même si elles aspirent effectivement à un changement révolutionnaire.

Peut-être ne peut-on espérer plus d’un forum qui regroupe des tendances proches des positions de la "troisième voie" préconisée par Tony Blair jusqu’à des organisations engagées dans une orientation radicalement anticapitaliste, depuis des partis électoraux qui occupent un espace institutionnel significatif jusqu’à des organisations de guérilla, des mouvements issus du populisme comme des formations venant du maoïsme... Il serait absurde de diviser le Forum, ou provoquer sa désintégration à cause de la recherche d’une meilleure définition de son orientation. Mais de la même manière, il ne laisse pas d’inquiéter de nombreux participants à quel point le manque de définition semble paralyser le Forum comme acteur effectif de la politique continentale.[/quote]
Louis
 
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Message par faupatronim » 13 Juin 2003, 09:28

CITATION (LouisChristianRené @ jeudi 12 juin 2003, 22:04)Il n'y a vraiment que faupatronim pour s'étonner de ce genre d'article dans rouge, qui sont présent depuis plusieurs années (faupatronim va croire que l'on parle de la politique de lula depûis que la ldc l'a repérée...)[/quote]
Oh LCR... Nous prends tu pour des amnésiques ?

Voici un article de janvier de cette année qui n'a pas tout à fait le ton des articles d'Imprecor :

CITATION (Rouge 2001 @ 23/01/2003)Gouvernement Lula
L'heure des choix



La constitution du gouvernement Lula constitue un tournant de la situation politique au Brésil et en Amérique latine. C'est une victoire des classes populaires contre l'impérialisme et les classes dominantes du Brésil.


La victoire de Lula constitue dans toute l'Amérique latine un immense espoir. Elle représente la victoire du Parti des travailleurs, parti qui représente, depuis une vingtaine d'années, l'expression organique des luttes, des syndicats et des mouvements sociaux, même si elle ne résulte pas d'une mobilisation sociale.
Aussi, dans les rapports de forces actuels, tant les classes dominantes que les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale) exercent une terrible pression sur le nouveau pouvoir de Brasilia : respect des engagements du Brésil vis-à-vis du FMI, remboursement de la dette, négociation de l'Alca (1), lutte contre l'inflation. La nomination d'Henrique Campos Mirelles, premier Latino-Américain qui a présidé une banque étatsunienne, comme gouverneur de la Banque centrale et celle de certains ministres enclins à accepter les diktats du FMI ne vont pas dans le bon sens.

Le gouvernement de Lula est donc un gouvernement qui va gérer les affaires des classes dominantes, mais dans un contexte marqué par une forte présence des mouvements de masses, et en particulier des syndicats et des mouvements des sans-terre. C'est un gouvernement de crise. Il est aujourd'hui à la croisée des chemins. Ira-t-il vers des réformes de structures significatives - sur le plan de la réforme agraire, de la concentration des richesses, etc. - ou les compromis avec les institutions financières internationales et les grands groupes privés brésiliens et transnationaux vont-ils marquer de leur empreinte sa politique ? Le "noyau dur" du gouvernement Lula s'oriente, pour le moment, vers cette politique de compromis. Mais déjà, le groupe parlementaire du PT résiste au projet gouvernemental d'autonomie de la Banque centrale. Dans l'Etat du Sertao, des paysans sans terre ont occupé des banques pour exiger des crédits consacrés au financement des terres qu'ils occupent.
C'est dans cette situation contradictoire que nos camarades de la Démocratie socialiste (tendance du PT, membre de la IVe Internationale) soutiennent le gouvernement et qu'un des leurs, Miguel Rosetto, est ministre de la Réforme agraire.
Sa nomination a été, en particulier, saluée par le Mouvement des sans-terre et dénoncée par toutes les associations de propriétaires fonciers. La participation gouvernementale soulève une série de questions, mais nous ne sommes pas des donneurs de leçons, et c'est bien entendu à nos camarades brésiliens de décider de leur orientation. D'autant qu'ils sont les cofondateurs et les coanimateurs de ce parti, et qu'il est difficile, alors, de ne pas prendre ces responsabilités.
Une très large majorité s'est exprimée pour participer au gouvernement Lula, d'abord parce que l'essentiel des courants du PT, notamment la gauche du PT, participent au gouvernement, ensuite en raison de la dynamique du soutien populaire à celui-ci et de la nécessité de faire l'expérience de ce gouvernement avec les mouvements sociaux.
A l'inverse, une autre position s'est exprimée pour soutenir tout "pas en avant" du gouvernement, sans pour autant y participer. Les concessions de la direction du PT à la pression libérale ne permettant pas une participation gouvernementale.

Au-delà des positions des uns et des autres, ce qui est décisif, maintenant, c'est la politique que mènera le gouvernement.
Réaliser la réforme agraire ou céder devant les propriétaires fonciers ? Rompre avec l'Alca ou accepter les diktats du FMI ? Soutenir les revendications populaires ou s'adapter à la pression libérale ? Aller à Porto Alegre ou à Davos, il faut choisir.
Dans cette bataille - et Miguel Rosetto est déjà aux côtés des paysans sans terre - les révolutionnaires doivent tout faire pour stimuler et développer la mobilisation sociale et imposer la satisfaction des revendications populaires. C'est la clé de la situation.

François Sabado.

1. Ou Zlea, Zone de libre-échange des Amériques.

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faupatronim
 
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