(Rouge n°2125 % 15 septembre 2005 a écrit :
BRÉSIL
Crise ouverte
Tout un cycle de la vie politique brésilienne est en train de s’achever, dans une crise ouverte du Parti des travailleurs (PT). Une partie de la direction du PT est impliquée dans des affaires de corruption et le bras droit de Lula a dû démissionner du gouvernement.
A l’origine de la crise, il y a la dénonciation, par un député de droite, d’un système de corruption de dizaines de parlementaires. Minoritaire au Parlement, la direction du PT a « acheté » le vote des députés, et en particulier des députés de droite, en leur versant des mensualités de milliers de dollars. Suite à ce scandale, les langues se délient, les accusations pleuvent. D’autres scandales éclatent. Et peu à peu, une triste réalité apparaît : le parti est gangrené par la corruption. C’est la conclusion lamentable de toute une politique d’intégration du PT dans les institutions de l’État brésilien et d’adaptation au monde des « affaires » lié au capitalisme financier.
Pour des millions de Brésiliens, le PT devient un parti comme les autres, emporté dans la tourmente des affaires et des scandales. Car la corruption est une donnée structurelle de la vie politique brésilienne depuis des années. On ne compte plus le nombre de politiciens véreux. Mais justement, profondément imprégné de traditions de solidarité ouvrière et de la morale des communautés chrétiennes de base liées à la Théologie de la libération, le PT s’était construit contre ce type de mœurs de la vie politique brésilienne. Il apparaissait comme un parti « éthique », mais ses sommets ont basculé dans la corruption.
Ce processus vient de loin. Il a commencé à la fin des années 1990, avec l’approfondissement de l’« institutionnalisation » du PT. Mais ce phénomène a pris d’énormes proportions lorsque le PT s’est familiarisé avec la gestion des grandes métropoles brésiliennes, en particulier São Paulo, et ces dernières années avec l’élection de Lula. Là, le PT a tutoyé les sphères du capitalisme financier et de l’appareil d’État, il s’est familiarisé avec le « monde des affaires » et a succombé aux mœurs qu’il dénonçait. C’est un immense traumatisme pour des dizaines de milliers de militants. Ce qui domine, c’est une profonde déception, la désillusion et la démoralisation, mais il y a aussi la colère, la rage et la volonté de comprendre. Comment cela est-il arrivé ?
Cela se manifeste dans les réactions internes au PT : la demande d’un « congrès de refondation » s’exprime. Mais ces propositions de refonder le PT ne s’accompagnent pas, en général, d’une revendication devenue aujourd’hui de « salubrité publique », celle de rompre avec ce gouvernement social-libéral. Du coup, cela affaiblit considérablement la portée de cette bataille. Plus significative est la réaction des courants chrétiens liés à la Théologie de la libération. Ces courants, avec d’autres secteurs comme la minorité de la Démocratie socialiste (DS), ont présenté Plinio Sampaio, père de la réforme agraire au sein du PT, comme candidat à la présidence du parti, ce qui a permis de rassembler, une bonne partie de la gauche « antigouverniste ».
Le phénomène le plus important est toutefois le mouvement de secteurs du PT vers le PSOL d’Heloisa Helena. Des centaines de militants, plusieurs députés du bloc parlementaire de gauche, dont Joao Alfredo et Fantazini de la DS, se tournent aujourd’hui, vers le PSOL et la candidature d’Helena Heloisa à la prochaine élection présidentielle. Ce mouvement va s’amplifier dans les semaines qui viennent.
Le PSOL est en mesure aujourd’hui d’apparaître comme un début d’alternative à gauche du PT. Reprenant le « meilleur du PT », en particulier ses références à la lutte des classes, le PSOL intervient comme le parti qui défend jusqu’au bout les intérêts du peuple brésilien et qui s’oppose, de manière conséquente, à la politique libérale du gouvernement. Dans cette situation difficile, créer les conditions d’un dialogue entre le PSOL et les secteurs issus de la crise du PT est un défi majeur pour la gauche radicale brésilienne.
François Sabado
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