Dans le Figaro
a écrit :Ethiopie : manifestations meurtrières à Addis-Abeba
Au moins 22 personnes ont été tuées hier à Addis-Abeba lors de heurts entre la police et les manifestants protestant contre les résultats provisoires des législatives. L'opposant Hailu Shawel, président de la Coalition pour l'unité et la démocratie (CUD), a été assigné à résidence, a annoncé mercredi à Addis-Abeba la directrice de la mission de l'Union européenne (UE) pour les élections en Ethiopie, Ana Gomes.
Tanguy Berthemet (Avec AFP, Reuter.) 09 juin 2005
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La police a ouvert le feu, hier, contre une manifestation d'opposants qui protestaient contre les résultats des législatives du 15 mai dernier. Les affrontements auraient fait au moins 22 morts et sans doute plus d'une centaine de blessés. Dans l'après-midi, le mouvement prenait de l'ampleur dans la capitale. Les chauffeurs de taxi et de minibus ont déclenché une grève, paralysant la ville, alors que des fusillades sporadiques éclataient autour de l'hôtel de ville et du palais présidentiel. A la nuit tombante, la situation semblait enfin se calmer dans une capitale quadrillée par la police.
Depuis lundi, les manifestations s'enchaînent, organisées par les étudiants, qui affirment que le scrutin a été entaché de fraudes. Chaque fois, elles ont été violemment réprimées par les forces de l'ordre. Mais, jusqu'alors, seule une étudiante avait été tuée. Hier, le gouvernement éthiopien a accusé l'opposition d'être le responsable de cette brusque montée de la violence en «encourageant les manifestants», permettant «des pillages dans plusieurs quartiers de la ville». Une façon de justifier l'usage de la force. Immédiatement, la Coalition pour l'unité et la démocratie (CUD), l'une des principales formations de l'opposition, a répliqué en assurant que le pouvoir cherchait à «terroriser la population».
L'incertitude qui règne depuis plus d'un mois sur le résultat définitif des élections est à l'origine de cette tension. Marqué par une participation massive de 90%, le scrutin, suivi à la loupe par une kyrielle d'observateurs internationaux, a été jugé globalement correct. Les estimations donnent une large victoire au Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF) du premier ministre Meles Zenawi, avec 320 sièges sur 547. La CUD et ses alliés se voient attribuer 193 députés contre 12 dans l'assemblée sortante.
Confrontés à cette victoire en demi-teinte, les dirigeants de l'opposition hésitent, balançant entre un rejet total de résultats qu'ils estiment truqués et l'opportunité historique de glaner un brin de pouvoir. Quant au gouvernement, il se raidit. Dès le soir du vote, il avait interdit, pour une durée d'un mois, toute manifestation ou réunion publique dans la capitale et ses environs. Et le premier ministre avait été très clair : «Les forces de sécurité ont reçu pour instruction de prendre des mesures sévères contre ceux qui violeront la nouvelle réglementation.» Meles Zenawi, qui vise un nouveau mandat de cinq ans, règne sur l'Éthiopie depuis la chute du «Negus rouge», le colonel Mengistu, en 1991. Son régime de fer, sous la pression internationale, s'est certes peu à peu démocratisé. Mais les manifestations demeurent pour ce pouvoir un tabou à ne pas franchir. Pour un expert anonyme interrogé par Reuter, l'opposition ne l'ignore pas. Elle devrait donc, selon lui, rapidement appeler à l'arrêt des protestations : «Ici ce n'est ni le Congo, ni le Liberia ou la Sierra-Leone, les choses sont nettement plus ordonnées.»